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47. (1766) Réflexions sur le théâtre, vol 5 « Réflexions sur le théâtre, vol 5 — REFLEXIONS. MORALES, POLITIQUES, HISTORIQUES, ET LITTÉRAIRES, SUR LE THÉATRE. LIVRE CINQUIÈME. — CHAPITRE II. Du Mariage. » pp. 30-54

C’est une chimère qui pourroit légitimer tous les crimes, que le prétexte d’une condition à venir qui anticipe la dispense. Autre chimère : distinguer le dernier crime des préliminaires qui le commettent & y conduisent ; permettre l’un, & interdire l’autre. Outre le péché de la témérité qui expose à un danger évident, c’est la même nature de crime, qui ne differe que par ses divers degrés d’énormité. […] 2.° La comédie lève tous les remords & la honte de l’adultere, en ôte jusqu’à l’idée du crime, n’en fait qu’une foiblesse & un jeu. […] Le ton cavalier dont on en parle suffiroit seul pour détruire l’horreur de ce crime.

48. (1767) Réflexions sur le théâtre, vol 6 « Réflexions sur le théâtre, vol 6 — RÉFLEXIONS. MORALES, POLITIQUES, HISTORIQUES, ET LITTÉRAIRES, SUR LE THÉATRE. LIVRE SIXIÈME. — CHAPITRE II. Théatres de Société. » pp. 30-56

La Religion veut, non qu’on badine du crime, mais qu’on le condamne & le fuie. […] Ce crime fut irrémissible. […] Le spectacle est un crime représenté : le scandale est une scène réelle. […] Ce n’est pas le crime en lui-même qui est contagieux, c’est la connoissance qu’on en a donnée. […] Dans la tolérance de l’exposition des enfans approuve-t-on le crime qui les fit naître, parce que pour leur sauver la vie on bâtit des hôpitaux où on les reçoit sans examen ?

49. (1738) Sentimens de Monseigneur Jean Joseph Languet Evéque de Soissons, et de quelques autres Savans et Pieux Ecrivains de la Compagnie de Jesus, sur le faux bonheur et la vanité des plaisirs mondains. Premiere partie « Sentimens de quelques ecrivains De la Compagnie de Jesus, Touchant les Bals & Comedies. Premiere Partie. — Entretien troisieme. Le danger des Bals & Comedies découvert par l’Auteur des Sermons sur tous les sujets de la morale Chrétienne de la Compagnie de Jesus. » pp. 26-56

Je ne m’arrêteray pas même à vous convaincre de la veritê de ce principe, que personne ne peut contester, aprés l’Oracle du Saint Esprit, que quiconque cherche le peril, y perira immanquablement, & aprés le sentiment de tous les Docteurs, que de rechercher une occasion, où l’on commet ordinairement le crime, c’est être dans le dessein de le commettre. […] ou bien, n’est-ce pas mettre en question, si les pensées volontaires, & les desirs que ces objets font naître, & que l’on entretient ensuite, sont défendus par la Loy Chrétienne, qui pour nous obliger à la pureté, se sert des termes les plus forts, & qui tiennent davantage de l’exaggeration, savoir, de nous arracher les yeux, s’il nous sont une occasion de scandale, & où l’Autheur de cette Loy met au rang des crimes le plus énormes, les regards que l’on jette sur une femme à mauvais dessein : Qui viderit mulierem ad concupiscendum eam, jam mœchatus est eam in corde suo. […] Je vous avertiray seulement, que je ne comprends point entre ces spectacles dangereux & préjudiciables à l’innocence des spectateurs, ces réjoüissances publiques qui se font aux Entrées des Souverains, ou par l’ordre des Magistrats, pour les heureux succez de l’Etat, ni les marques de magnificences, que les Princes donnent quelquefois au public ; telles que sont les courses de Bague, Carrousels, representations de combats, feux d’artifice, triomphes, ni tous les autres dont la vûë n’a rien qui puisse porter au crime, & dont méme les personnes de pieté ont pris occasion d’élever leur esprit à Dieu, & de penser aux joyes que Dieu leur avoit preparées dans le Ciel, Si talis est Roma terrestris, quid erit Jerusalem cœlestis ? […] Si donc c’est un crime & une espece d’Apostasie, comme nous avons dêja dit, d’aimer & de rechercher les vanitez de ce monde, n’est-ce pas un sujet de craindre qu’on ne les aime, & qu’on ne s’y attache, que de s’y plaire, d’y courir avec ardeur, & d’en faire son plus grand divertissement ? […] Car c’est le nom que le Saint-Esprit donne à tous ces spectacles, & à tous ces divertissemens ; puisque le moins qu’on en puisse dire, est, qu’ils nous exposent toûjours au danger du peché : Beatus homo qui non respexit  ; heureux celuy qui ne les regarde pas, parce que plus il s’en éloigne, plus il s’éloigne de l’occasion du crime, laquelle aprés le crime même, doit être regardée comme le plus grand de tous les maux ; car je veux que cette occasion qui est prochaine à l’égard de quelques-uns, comme nous avons dit, ne soit qu’éloignée pour les autres ; cela doit suffire, pour être convaincu, qu’ils sont dangereux pour tout le monde ; parce que personne ne se doit fier sur sa vertu, dans les rencontres où les objets sont capables d’en porter d’autres au peché.

50. (1754) La Comédie contraire aux principes de la morale chrétienne « La comédie contraire aux Principes de la Morale Chétienne. — XI. Son opposition à l’Evangile. » pp. 23-24

Au jugement de l’un, l’orgueil est en abomination aux yeux de Dieu, l’impureté un crime si horrible qu’il ne veut pas même qu’il soit nommé, la passion pour les richesses une véritable idolatrie, le faux point d’honneur une injustice criante qui entreprend même sur les droits du Très-haut, qui s’est réservé la vengeance : au jugement de l’autre l’humilité est une bassesse, la patience une lâcheté, la mortification une folie, la pauvreté presqu’un crime, l’affliction un tourment, l’humiliation un supplice, & la modestie un vain scrupule.

51. (1823) Instruction sur les spectacles « Chapitre XIV. La fréquentation des spectacles ne peut se concilier avec la vie et les sentiments d’un véritable chrétien. » pp. 118-132

Un chrétien est un homme qui, renonçant du fond de son cœur à tout ce qui flatte les sens, ne doit s’occuper qu’à les mortifier ; qui, ayant fait, comme le saint homme Job, un pacte avec ses yeux, pour ne point les arrêter sur aucun objet qui puisse corrompre la pureté de son âme, doit vivre en ange dans la maison d’argile qu’il habite : un chrétien est un homme dont les oreilles ne doivent entendre que ce qui est bon et édifiant ; qui, tout céleste dans ses pensées, tout spirituel dans ses actions, ne vit que selon Dieu et pour Dieu : un chrétien est un disciple de Jésus-Christ, qui, tout occupé de ce divin modèle, doit le retracer en lui tout entier ; qui adopte la croix pour son partage, qui goûte une vraie joie et une vraie consolation dans les larmes de la pénitence ; qui, toujours armé du glaive de la mortification, pour soumettre la chair à l’esprit, doit combattre sans cesse ses inclinations, réprimer ses penchants : un chrétien est un homme qui, convaincu que tout ce qui est dans le monde n’est, comme le dit saint Jean, que concupiscence de la chair, concupiscence des yeux et orgueil de la vie, ne voit dans ces assemblées que périls, dans ces plaisirs que crimes ; et qui, en marchant à travers les créatures, doit craindre d’en être souillé : un chrétien est un homme mort au monde, mort à lui-même, et aussi différent des enfants du siècle que la lumière l’est des ténèbres ; enfin, un chrétien est un autre Jésus-Christ qui le représente, qui l’imite dans toutes ses actions, qui pense comme lui, qui non-seulement s’est engagé à marcher sur ses traces, mais qui a encore juré de ne jamais s’en écarter ; voilà ce que c’est qu’un chrétien. « Or, pour savoir si cette idée peut s’allier avec celles des spectacles, il suffit d’examiner ce que c’est que le spectacle ; il suffit de remarquer, avec Tertullien, que c’est une assemblée d’hommes mercenaires, qui, ayant pour but de divertir les autres, abusent des dons du Seigneur, pour y réussir, excitent en eux-mêmes les passions autant qu’ils le peuvent, pour les exprimer avec plus de force : il suffit de penser, avec saint Augustin, que c’est une déclamation indécente d’une pièce profane, où le vice est toujours excusé, où le plaisir est toujours justifié, où la pudeur est toujours offensée, dont les expressions cachent le plus souvent des obscénités, dont les maximes tendent toujours au vice et à la corruption, dont les sentiments ne respirent que langueur et mollesse, et où tout cela est animé par des airs qui, étant assortis à la corruption du cœur, ne sont propres qu’à l’entretenir et à la fortifier : il suffit de comprendre que c’est un tableau vivant des crimes passés, où on en diminue l’horreur par la manière de les peindre : il suffit de considérer, avec tous les saints docteurs, que le théâtre est un amas d’objets séduisants, d’immodesties criantes, de regards indécents, de discours impies, animés toutefois par des décorations pompeuses, par des habits somptueux, par des voix insinuantes, par des sons efféminés, par des enchantements diaboliques. […] n’est ce pas là qu’il se sent attiré au crime par les pièges qui lui sont tendus ; que, se laissant prendre aux amorces les plus dangereuses, il s’abandonne aux transports les plus déréglés, aux saillies les plus vives ? […] N’essaie-t-on pas d’en cacher la honte et le crime sous des noms pompeux qu’on emprunte pour la faire aimer ? […] C’est là que le spectateur, découvrant tous les ressorts que l’ambition fait mouvoir pour arriver à son but, est instruit à vaincre, le plus souvent par le crime, tous les obstacles qui s’opposent à ses desseins.

52. (1769) Réflexions sur le théâtre, vol 8 « Réflexions sur le théâtre, vol 8 — RÉFLEXIONS. MORALES, POLITIQUES, HISTORIQUES, ET LITTÉRAIRES, SUR LE THÉATRE. LIVRE HUITIEME. — CHAPITRE VI. Euphemie. » pp. 129-148

Mais l’Auteur se connoît peu en conversions ; il défigure si sort celle-ci, qu’elle est très-douteuse, ou plutôt fausse, & un nouveau crime. […] jamais la vertu ne fut plus près du crime. […] On fait mentir cette fille pour excuser son amant, je l’engageois à partager mon crime, je l’entraînois, tandis que c’est lui qui la vouloit forcer & l’enlever, & qu’elle lui résistoit de toutes ses forces. […] Ces vœux eussent-ils été nuls d’abord, ils seroient ratifiés par dix ans de vertus : paroles qu’on répette comme un éloge, & qui font leur crime. […] S’ils ont conservé leur amour, c’est un crime qui n’annulle point les vœux, comme il n’annulleroit point le mariage.

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