La sainteté de la Religion que nous professons, ne demande pas seulement l'application de notre cœur à l'adoration du vrai Dieu seul, tout puissant et infiniment jaloux de sa gloire, et la soumission de notre esprit à la croyance de ses mystères incompréhensibles ; mais elle exige encore de notre devoir une pureté de vie qui ne soit corrompue ni par le dérèglement des actions, ni par la licence des paroles.
Et ces farces exécrables dont en France on fait un dessert de ciguë aux représentations tragiques et sérieuses, mériteraient sans doute une sévère punition du Magistrat parce que les mauvais propos et abominables que l’on y tient ne corrompent pas seulement les bonnes mœurs et n’apprennent pas seulement au peuple des mots de gueule, des traits de gausseries et des quolibets sales et déshonnêtes mais le porte à l’Imitation des friponneries et sottises qu’il voit représenter et qui par ses yeux (lesquels sont plus vifs que l’ouïe) passent dedans son cœur.
Un hideux assemblage de bouffonneries où la religion et les choses les plus saintes étaient jouées comme des farces ; où les ministres de la religion même venaient donner l’exemple de la plus cynique immodestie, et corrompre autant par leur mise et leur jeu, que par la liberté révoltante de leurs paroles, les peuples qu’ils devaient édifier.
Et certes si les spectacles profanes sont défendus ; si les assemblées mondaines sont peu chrétiennes ; si l’on ne peut s’exposer au péril sans péché ; si la sûreté n’est pas entière dans la solitude ; si l’Evangile est la règle des mœurs, si la pureté se flétrit par un seul regard ; s’il ne faut qu’un désir pour corrompre le cœur ; si les héros chrétiens ont de la peine même dans le désert de conserver leur innocence, quel homme de bon sens oserait dire qu’il est licite d’aller au bal ?
Une salle, le rendez-vous de tous les libertins, et de tout ce qu’on appelle dans une ville gens oisifs, gens de plaisirs : peu dont les mœurs ne soient corrompues, moins encore qui soient de bonnes mœurs : une assemblée où règne un luxe étudié, où tout éblouit, où tout brille, et dans laquelle il ne se trouve pas une jeune personne qui n’ait employé tout ce que l’art a de plus séduisant pour plaire et pour tenter : Des loges pleines d’écueils d’autant plus dangereux qu’ils sont plus à couvert, et d’où les yeux peuvent rassembler plus d’objets à la fois, tous plus à craindre.
Il semble que la Politique devait s’opposer à tous ces Spectacles, qui n’étaient propres qu’à corrompre les mœurs : les Législateurs ne s’en accommodaient pas ; les personnes sages se récriaient contre leurs abus ; ces Récits étaient dégénérés en lâches flatteries, qui donnaient à des hommes les louanges qui ne sont dûes qu’à Dieu, ou en des Satyres indiscrètes, qui apprenaient à faire le mal qu’elles voulaient reprendre. […] Louis, comme nous l’apprenons des Historiens de sa vie, signala sa piété, en chassant de son Royaume les Farceurs et les Comédiens, qu’il regardait comme une peste capable de corrompre les mœurs de tous ses Sujets. […] Péché d’autoriser par votre présence des assemblées profanes, où toute la morale de l’Évangile est renversée, où toutes les maximes de l’amour se débitent au scandale de la Religion, où l’on entend des chansons qui amolissent et qui corrompent peu à peu le cœur, Péché dans la complaisance que vous avez pour ces airs languissants et amoureux, quand vous seriez même exempts de toutes passions…. […] Ils ne savent ce qui a été ordonné de leur salut dans les secrets de Dieu ; ils ignorent le moment auquel ils doivent être presentés à son terrible jugement ; ils ont pour la plupart des péchés considérables sur la conscience dont ils n’ont point fait pénitence, ni rien qui peut leur en mériter le pardon ; et avec tout cela, ils ne songent qu’à passer la vie dans le divertissement, et à donner à la joie tout le temps dont ils peuvent disposer ; ils accordent à leur sens les plaisirs les plus capables de les corrompre, et exposent leurs âmes aux dangers les plus évidents de les perdre, comme si tout était en sûreté pour eux.