C’est par une suite de la foiblesse de l’esprit humain, que dès que quelques hommes ont fait un pas en avant dans la carriere, les autres aussitôt se sont occupés à les considérer & à voir s’ils n’ont point voulu indiquer quelques routes nouvelles. […] Un voyageur qui veut arriver promptement au terme de sa course, ne s’amuse point à considérer le chemin qu’il a parcouru, il ne regarde point en arriere, il n’est occupé que de son but, il l’a sans cesse présent à ses yeux ; & lorsqu’il est prêt à l’atteindre, il en fait encore l’objet de ses desirs & de ses craintes. […] Ce spectacle cependant considéré en lui-même, peut être aussi naturel & aussi conforme à la vraisemblance, que les autres.
Les représentations théâtrales abstractivement considérées ne sont pas mauvaises, ou, si l’on veut, elles ne sont pas mauvaises de leur nature ou par elles-mêmes. […] Theatrum propriè sacrarium veneris est… privatum consistorium impudicitiæ (de spect., c. 10) ; comme une école d’impudicité et de libertinage, une peste que le démon a fait succéder à l’idolâtrie ; en un mot, ils ont considéré la fréquentation des spectacles comme une espèce d’apostasie, parce que, disent-ils, une telle action est une des pompes du démon auxquelles les chrétiens ont renoncé par leur baptême.
La plupart ont considéré le Théâtre dans son état de relâchement & de licence.
Mais savez-vous ce qu’il faut faire il faut maintenant considérer l’état où vous êtes, et le péril que vous avez évité, et ce que vous deviendrez.
Considérons le cours des années et des siècles, le temps qui s’envole : écoutons le son de la trompette qui va bientôt nous appeler, la voix de l’Ange qui se fait entendre pour nous animer au combat ; les martyrs nous tendent les mains et nous présentent leurs couronnes.
Il suffira de considérer sa puissance en ce qu’elle a de propre à affermir et tempérer l’autorité du gouvernement, pour lui attacher les peuples par la confiance et la soumission ; à arrêter le désordre des passions qui, malgré l’empire des lois, troublent l’harmonie sociale et altèrent les bienfaits même de la civilisation ; enfin, à adoucir l’amertume de nos chagrins domestiques par les consolations et les plus réelles et les plus efficaces. […] Considérez l’union conjugale : n’est-elle pas évidemment de nos jours un principe éternel de discorde et de mésintelligence ? […] Quel contraste affreux et pénible à considérer ! […] Mais laissons ce que l’ouvrage a de bon ou de mauvais, sous le rapport de l’art théâtral, pour ne le considérer que sous celui de sa moralité, et de son influence sur les spectateurs : quel est l’exemple qu’il leur offre à imiter ? […] Dans sa discussion, tout doit avoir l’empreinte de la grandeur et de la majesté ; et si tout, rigoureusement considéré, n’y saurait être légitime, tout au moins doit porter avec soi son excuse naturelle : il défend son semblable.