C’étoit une vraie Actrice qui remplit l’Europe & l’Asie de scènes tragiques, ou comiques.
Qu’on anime ainsi les personnages de tous les autres comiques sans exception, les Valère, Lucinde, Sganarelle, Arnolphe, Lubin, Lucas, &c. de Regnard, Monfleury, Poisson, Favart, Dancourt, &c. les Colombine, Pierrot, Isabelle, Mezzetin, Marinette, Arlequin, &c. des Italiens, on ne verra qu’un tas de scélérats, de fourbes, de coquettes, d’adultères, d’effrontées, de jureurs, de frippons, de débauchés, de mauvais fils, de mauvais maris, &c. en un mot, la lie de le scélératesse.
Aussi ne serait-il pas difficile de faire voir qu’elles sont peut-être encore plus dangereuses que les Comiques.
Permettez-moi de vous raconter un fait qui, quoiqu’assez comique, vous fera juger de l’effet que cette excellente Tragédie est capable de produire : tout Marseille vous en attestera la vérité, « Et vous entendrez là le cri de la nature. » Un Capitaine de Vaisseau qui n’avait jamais vu de spectacle, fut entraîné par ses amis à la Comédie, on y jouait Atrée ; notre homme, ébloui par des objets tout nouveaux pour lui, oubliant que c’était une fable qu’il voyait représenter, lorsqu’il entendit Atrée prononcer ce vers qui vous choque si fort et par lequel il s’applaudit du succès de ses crimes, notre homme dis-je, se leva tout à coup avec fureur en criant : « Donnez-moi mon fusil que je tue ce B. là. » Vous jugez bien qu’une pareille scène fit oublier la catastrophe à tous les autres Spectateurs et que bien en prit aux Acteurs que le vers qui mettait le Capitaine en fureur était le dernier de la pièce, car ils auraient eu peine à reprendre leur sérieux après une pareille saillie.
Sur plus de trente pièces qu’il a composées pour l’opéra, l’opéra comique ou la comédie, il s’est avisé d’en faire une sur un sujet pieux.
On les mettait dans la bouche d’un Acteur, qu’on faisait semblant de combattre, dont le sel piquant contrasté avec le sérieux dégoûtant et maussade d’un homme sage et pieux était un nouveau comique.