Or il est certain que les comédiens sont excommuniés et retranchés de la Communion des Fidèles par les saints Conciles, comme celui de Carthage en Afrique, d’Arles en France, d’Elvire en Espagne. […] il n’y a point de mal, on y apprend à vivre dans le monde ; mais prenez garde qu’il n’y a rien d’innocent dans ces divertissements qui sont souvent des occasions prochaines de péché à ceux qui s’y trouvent, sans avoir mauvaise intention, parce que les comédiens d’aujourd’hui sont semblables à ceux dont parle Sénèque, qui corrompaient de son temps les mœurs, sous le beau prétexte de les reformer, et qui sous couleur de reprendre le vice, l’insinuaient adroitement et avec artifice dans les esprits des spectateurs, et qui voulant corriger les hommes en les divertissant, les perdent en les faisant rire, et meurent par cette fausse joie, comme ceux qui ont mangé de l’herbe Sardoniquec, selon la remarque des Naturalistes. En effet, ne voyons-nous pas par expérience, que la naïveté malicieuse dans la bouche d’une jeune Comédienne, qui fait l’innocente Agnès, a débauché plus de femmes, et corrompu plus de Vierges, que les écrits les plus licencieux de ce Philosophe, qui fut autrefois chassé d’Athènes, parce qu’il se vantait que personne ne sortait chaste de son écoled.
» Ô impiété, pouvons-nous dire en l’imitant, vous avez fait monter la vertu sur le théâtre, et vous en avez fait une comédienne !
La magnificence du spectacle, la parure des femmes qui s’y trouvent, la parure des comédiennes, la peinture vive des passions qu’on y représente, nommément celle de l’amour, qui règne dans toutes les pièces, sont autant d’objets dangereux qui laissent dans l’esprit et dans le cœur des spectateurs des sentiments de volupté et des impressions qui les disposent peu à peu d’abord au relâchement, ensuite au libertinage.
Nous exhortons tous les Recteurs et Supérieurs des Collèges de notre Diocèse qui y feront représenter des Tragédies, d’y mettre toute la différence qu’ils pourront d’avec celles qui se représentent par des Comédiens sur les Théâtres, et pour lesquelles l’Eglise a toujours témoigné tant d’horreur.
Archelaus, fameux Comédien du tems de Lysimachus, Roi de Macédoine, représenta devant eux l’Andromède d’Euripide, avec tant de force & de pathétique, qu’ils furent atteints d’une frénésie qui leur fesait courir les rues en récitant les Vers de cette Pièce. […] Il fait perdre insensiblement le goût que nous avions pour les Pièces de Corneille & de Molière ; les Comédiens ne s’en appercoivent que trop.
Lisez tout ce que Salomon prononce d’une débauchée, et le soin qu’on doit avoir d’en éviter la présence, et vous serez très persuadé qu’il faut faire le même jugement d’une Comédienne : car encore qu’il y en ait peut-être quelqu’une qui ne soit pas tombée dans la dernière extrémité du vice ; il faut pourtant avouer que faisant profession d’en avoir tout l’extérieur, elle n’est pas moins à craindre. […] On peut représenter, Monsieur, que ces désordres n’arrivent pas toujours, et que les Comédiennes sont quelquefois si mal faites, et ceux qui les voient si peu disposés au péché, qu’ils peuvent se regarder les uns les autres sans aucun péril.