Ce n’est même qu’un très petit nombre des citoyens du théâtre qui y recueillent ces prétendus fruits. […] 15.) dit qu’il faut bien se garder de laisser aller les citoyens à la comédie. […] Il permet des jeux, mais des jeux de gymnastique qui forment le corps, des conversations philosophiques qui éclairent l’esprit, des repas innocents qui lient les citoyens. […] Dans le Dialogue sur les lois, obligé par l’empire de l’usage de tolérer malgré lui le spectacle, il veut du moins qu’on tâche d’en prévenir les abus, il ne permet à aucun citoyen ni à aucune personne libre, de monter sur la scène, il renvoie aux esclaves et aux étrangers ce méprisable métier. […] Un homme de théâtre est moins soumis, moins simple, moins modeste, moins sobre, moins sujet, moins citoyen qu’un autre.
Ils sont par conséquent soumis, comme les autres citoyens, à la loi commune ; mais il ne faut pas oublier qu’ils tiennent aussi à un autre chef suprême, au souverain pontife, auquel ils ne doivent obéir que pour le spirituel ; mais combien n’y en a-t-il pas eu parmi les prédécesseurs de ce dernier, qui, éblouis par la nature de leur dignité et par l’éclat de leurs fonctions, comme vicaires de Jésus-Christ, ont abusé de la majesté de la religion pour prétendre mal à propos à une supériorité directe sur les rois ! […] Où en serions-nous, si les prêtres devenant maîtres absolus, de l’expédition des actes importants de la vie et de la mort des citoyens, ils étaient chargés de les enregistrer comme magistrats ? […] Les prêtres, une fois devenus les maîtres, se croiraient autorisés légalement à refuser arbitrairement la sépulture, à entraver ou empêcher les mariages, et à tracasser les citoyens pour l’enregistrement des actes de naissance ; que de vexations inquisitoriales, que de refus de sépulture qui ne sont déjà que trop nombreux, que de troubles, que de désordres, n’en résulteraient-ils pas dans l’ordre social, et toujours, d’après ce principe affreux que nous venons de citer, que c’est par la violence et par les punitions, et même par les supplices, qu’on doit obliger chaque particulier à se soumettre aux pratiques des religions qui furent si souvent vides de charité ! […] Il faut pourtant espérer, que le gouvernement ne se laissera pas assez influencer par la secte jésuitique, au point de commettre la faute politique, d’exiger des citoyens, que l’acte religieux précède l’acte civil, pour le mariage, et que les actes de naissance et de mort soient enregistrés par des prêtres.
En proposant la réforme du Théâtre, je ne fais que marcher sur les traces d’hommes recommendables qui l’ont proposée avant moi ; ou plutôt tout citoyen vertueux la demande au fond de son cœur. […] Quelle ressource cette Capitale par exemple offre-t-elle au Citoyen timoré & délicat sur le choix des plaisirs ? […] La critique y étoit présentée d’une maniere générale pour ne blesser aucun Citoyen ; ayant dégénéré en différents temps, la République la rétablit toujours dans son premier état de pureté.
L’état actuel des Comédiens est un problème : car n’en déplaise à ceux qui les rejettent hors du corps des Citoyens, ces sévères censeurs ne forment pas le général ; il s’en trouve au moins autant qui les y admettent) : décidons cet état. Ils ne seront pas Citoyens : ce seront des hommes & des femmes destinés à nous donner les plaisirs de l’imitation de la nature : ce seront des Esclaves publics, qui mettront en action, l’ouvrage d’un homme libre, d’un Citoyen distingué : on ne verra plus que l’Auteur dans le Drame ; la vileté de l’Acteur & de l’Actrice ne préjudicieront en rien à la sublimité des maximes, au pathétique des situations, à la grandeur des Héros, à la noblesse de l’ensemble ; parce que l’Acteur disparaîtra. […] Cette Jeunesse, pourrait être préparée, dès l’enfance, aux Représentations Dramatiques, en même-temps qu’on interdirait, sous les peines les plus sévères, cette occupation à tous les Citoyens nés légitimes. […] Les enfans nés des Acteurs & des Actrices, seront libres, & ne seront point distingués des autres Citoyens. […] Mais, je le répète, voila quels doivent être nos Acteurs, pour ne plus être dangereux, si nous ne voulons pas ennoblir & légitimer le Comédisme : il faut, ou qu’ils soient honnêtes, nos frères, nos égaux, nos amis ; bien plus, des Citoyens, élevés au-dessus du vulgaire, par leur mérite, leurs grâces, leurs talens ; que leurs mœurs soient les plus honnêtes ; qu’ils soient réellement des modèles enchanteurs : ou que les Comédiens soient si bas, qu’on ne puisse sans rougir descendre jusqu’à eux ; qu’avec une pureté de mœurs volontaire ou forcée, les Actrices soient pourtant avilies, & nous obligent, lors de la Représentation, à ne voir que l’Héroïne, parce qu’il ferait trop desagréable d’arrêter ses yeux sur l’être dégradé qui lui prête son organe : en un mot, qu’on voye le Comédien & la Comédienne presqu’aussi desintéressément que s’ils étaient des automates.
Si un homme ne s’accoutume qu’à penser de petites choses, il s’accoutumera pareillement à n’en faire que de petites, & le mal le moins dangereux qui pourra résulter de toute cela, sera que nous aurons toujours de fort plats Citoyens, & des Citoyennes fort insipides. […] pour amuser l’indolence, l’oisiveté honteuse de quelques Sybarites, on risque la corruption & la perte, pour l’Etat, d’une foule de Citoyens ! […] Si l’illustre Citoyen de Genêve a raison d’avancerLettre sur les spectacles, à M. […] La vertu des hommes les plus obscurs de ceux que l’on croit les plus abjects n’est pas moins précieuse au Roi & à la Société, que celle des Citoyens constitués dans les plus hautes dignités. […] L’ami du Prince & de la Patrie, ou le bon Citoyen, par M. de Sapt.
En attendant ce nouvel exemple d’un malfaiteur hypocrite appréhendé personnellement, démasqué et puni, je crois bon de donner l’extrait suivant d’une ancienne plainte, dans l’espoir de la faire concourir avec tant d’autres plus récentes du même genre, à rappeler et rétablir enfin, d’une manière stable, la sécurité et le bonheur dans une grande division de la société, dans toutes les administrations nationales, côté du domaine de la patrie, où une portion considérable de citoyens honnêtes et utiles, dont la plupart, pères de famille, végètent dans la plus grande anxiété, sont toujours dévorés d’inquiétudes, étant les éternels jouets du caprice et de toutes les passions des méchants qui les entourent. […] Comme dans une révolution du globe, les forêts étant bouleversées, les arbres déracinés sont entraînés avec confusion par des torrents qui les jètent et les entassent dans des ravins profonds, où, privés de tous les moyens de vie et de conservation que la nature leur avait préparés, ils se décomposent et tombent en corruption ; ainsi, dans notre révolution politique, la société ayant subi un grand bouleversement, les hommes déplacés ont été jetés et entassés confusément dans les administrations, dans ces ravins civils, où, dépouillés de tous les éléments dont l’âme sensible et bien née compose son bonheur, privés de toute sécurité relativement aux points qui y sont les plus essentiels, asservis de fait, ne jouissant que très-illusoirement des droits de citoyen et des bienfaits de la liberté, ils s’énervent et s’abatardissent….. ; ou souffrent cruellement dans un réel esclavage, tantôt témoins, tantôt victimes des plus révoltantes injustices, sacrifiés tour-à-tour à l’esprit de parti, aux affections de coterie, à la cupidité, à l’intrigue, à la bassesse, à l’ineptie ; et, ce qui est le comble de la honte et des tourments de leur servitude, trop souvent soumis à cette espèce d’élus devenus leurs chefs, leurs juges, les arbitres de leur sort !