Le systeme de la législation est une comédie sérieuse, où il établit à perpétuité, le revêtant de l’autorité royale ce que la scene représente en badinant revêtu des attaits séduisans du jeu & de la figure des Actrices. […] Supposons que les Acteurs, Actrices, Auteurs, amateurs, en un mot, le Sénat dramatique, par une révolution subite, soit revêtu de l’autorité souveraine, & forme une République ; que cette République veuille se faire un corps de législation selon l’esprit regnant de la scene, je dis que ces nouveaux Licurgues, ces nouveaux Solons, ces nouveaux Numas ne feront que ce qu’a fait Fréderic. […] Un Roi Pape, une Reine Papesse en Angleterre, pourroient dans leurs principes exercer cette autorité, puisqu’ils se disent Chefs de l’Eglise ; cependant ils ne l’ont pas fait. […] Parmi ces empêchemens, il en est de droit divin comme le premier degré de parenté ; il en est de droit naturel, comme l’erreur, la violence ; de l’objet & de la nature du mariage, comme l’impuissance ; de droit ecclésiastique, comme le crime, la difference de religion ; de pure discipline, comme le temps prohibé de l’Avent & du Carême, (que ce Prince a abrégé de son autorité), la publication des bans ; il en est qui sont secrets, tels que l’adultere avec la promesse du mariage, l’homicide pour se remarier ; qu’on n’ira certainement pas confesser au Secretaire d’Etat du Roi de Prusse, au risque de se faire pendre, &c.
Siége, & ce n’est pas un motif rare dans nos incrédules : ils ne peuvent souffrir cette autorité respectable qui les condamne, & que tout mécréant combat & affecte de mépriser. […] Tout le systême de Machiavel, bien analysé, se réduit à trois points : 1°. s’emparer de ce qui est à notre bienséance, royaumes, provinces, terres, autorité ; 2°. employer tous les moyens possibles, sans s’embarrasser de la religion, de la probité, de la conscience, des promesses, des traités ; 3°. en arborer cependant les apparences, en faire profession, tout promettre, pour endormir les gens & venir plus aisement a ses fins : ce n’est que la friponnerie mise à couvert & réduite en systême. […] Il vient de paroître un livre plein de calomnies & d’impiétés, intitulé l’Esprit de Clément XIV, où l’on s’efforce de justifier le Machiavélisme par l’autorité de St. Thomas, dont on rapporte un long passage, & par l’autorité de ce pape, par qui on le fait attribuer à ce saint.
Messieurs, Un préjugé détestable, et réprouvé par tous les hommes de bien, jette de la défaveur sur une profession que notre législation et l’autorité de nos rois n’ont cessé de protéger et d’honorer ; je crois satisfaire au vœu du public en fournissant, sur cette matière, tout ce que les lois civiles et ecclésiastiques ont de plus prépondérant pour fixer le jugement des hommes.
La sagesse de l’autorité civile l’a donc constituée protectrice et conservatrice de la religion et de la pudeur publique ; et le prince qui est, par la nature de sa puissance, le conservateur et le protecteur des canons des conciles, a su ramener les prêtres par la force de sa volonté et de ses ordonnances, à l’exécution des lois canoniques. […] L’autorité séculière, dans son extrême sagesse, les arrêts de nos parlements, défendent la représentation des saints mystères, et la mise en scène des personnages divins qui forment l’objet de notre culte public ; Et le chapitre de S. […] Ouen, chancelier de France et aussi archevêque de Rouen, le privilège et autorité de délivrer tous les ans un prisonnier ou prisonnière devant être condamné à mort. […] Cet exemple de justice de l’autorité séculière était absolument nécessaire pour empêcher les moines et les prêtres de corrompre, par des suppositions de miracles ou de maléfices, la pureté de notre sainte religion, et pour restreindre la cupidité des ecclésiastiques, qui se signalait en toutes circonstances. […] Les ministres des autels, qui, par un faux zèle pour la religion, s’opposeraient aux volontés du souverain, seraient rebelles à la parole de Dieu transmise par le saint Apôtre, rebelles à l’autorité constituée pour le gouvernement et le salut de tous, et jetteraient dans l’ordre social un véritable désordre.
La religion & les mœurs ne peuvent espérer de rétablir leur empire qu’autant que l’autorité souveraine le supprimeroit, ou que la satiété & l’inconstance le feroient abandonner : heureuse révolution, dont on ne sauroit se flatter ; le Théatre & le vice sont trop liés, ils ont trop besoin l’un de l’autre.
Ne croyez point que la protection que l’autorité civile accorde aux théâtres en rende les plaisirs plus décents et moins dangereux. […] Ne vous étayez point de l’autorité de certains casuistes qui ne condamnent pas absolument les plaisirs du théâtre ; n’oubliez pas qu’ils sont forcés de convenir que ces plaisirs sont du moins frivoles et suspects, et que l’on ferait mieux de s’en passer.