Il a le secret d’attirer une foule de curieux.
La Comédie ayant enfin reçu des loix de la décence & du goût, la Parade cependant ne fut point absolument anéantie : elle ne pouvait l’être, parce qu’elle porte un caractère de vérité, & qu’elle peint vivement les mœurs du Peuple qui s’en amuse : elle fut seulement abandonnée à la populace, & reléguée dans les Foires, & sur le Théâtre des Charlatans, qui jouent souvent des Scènes bouffones, pour attirer un plus grand nombre d’acheteurs.
Enfin cette Danse sensuelle est exprimée dans la prophétie d’Isaïe « par les démarches mesurées des filles de Sion », qui attiraient la malédiction de Dieu sur elles.
Voilà M. le doux poison de la vie civile & la maladie contagieuse qui corrompt les meilleurs naturels, lors qu’ils imitent plutôt les vices d’autruy qui nous entraînent par une force agreable, & qui flatte la nature, que les vertus qui nous attirent par un charme contraire, qui choque ses inclinations : & c’est si je ne me trompe cette pernicieuse inclination d’imiter tout ce qui se passe dans le monde, qui a donné le commencement à la comedie, & la naissance aux Comediens. […] Vous comprenez bien M. que j’entre aujourd’huy dans une grande carriere, & qu’en attaquant le plaisir enchanté qu’on trouve dans les spectacles publiques, & sur tout dans celuy de la Comedie, je m’attire un grand nombre d’ennemis sur les bras ? […] Voilà M. ce qui a foüillé le theatre de mille crimes, ce qui a rendu la comedie coupable de mille dereglemens, ce qui a corrompu les bonnes mœurs des peuples, ce qui a armé de zele de tous les Peres de l’Eglise contre ces spectacles publiques, & ce qui a attiré toute la severité des loix divines & humaines, contre ces sortes de plaisirs enchantés : mais avant que de prononcer un arrest de condamnation contre eux, l’ordre de la justice demande que nous informions du fait à charge & à décharge, & que nous examinions au poids du sanctuaire, si les plaintes qu’on fait contre la comedie sont legitimes, & si les crimes dont on l’accuse sont veritables. […] Chacun nous sollicite au peché par des voyes differentes, le diable nous y pousse par la force de ses tentations, la chair nous y attire par l’amorce de la volupté, & le monde nous y engage par le plaisir de ses pompes. […] Ces Rois qui avoient été mis au rang des dieux, ces tyrans qui ont persecutez si cruellement l’Eglise, & tous ces sages de l’antiquité qui se sont attirez tant d’admirateurs & de disciples ; oüy, considerez-les ensevelis dans des flâmes, pleurans, gemissans, & brûlans sans esperance de voir jamais finir leur supplice, ny éteindre le feu.
Examinez bien, mes Frères, ce qui se passa aux noces d’Abraham, d’Isaac, de Jacob & des autres Saints dont parle l’Écriture : vous verrez qu’il n’y est fait aucune mention de danses & de semblables légéretés ; au contraire, il est dit de Sara que voulant attirer la miséricorde de Dieu sur son mariage avec le jeune Tobie, elle déclare qu’elle a toujours eu en horreur de semblables amusements : Tob. […] Si vous vous conduisiez de la sorte, Dieu béniroit vos mariages ; au lieu que vous attirez souvent son indignation par les danses & les autres excès ausquels vous vous abandonnez.
C’est que l’image qu’on nous donne de la vengeance, est si flattée, & tellement embellie, que bien loin d’attirer notre haine, elle attire notre amour ; & c’est ainsi qu’une passion, qui ne causeroit que de l’horreur si elle étoit representée telle qu’elle est, devient aimable par les couleurs qu’on lui donne, & par la maniere artificieuse dont on nous la represente.