Ne sera-t-il point arrivé aux Comédiens la même chose qu’à certains Anges, qu’aux meurtriers et aux empoisonneurs ? […] De manière que d’une part sentant le désir de la perfection : d’autant que ce désir est lié avec si peu de raison qu’il nous reste ; et de l’autre ne découvrant point le chemin pour y arriver, on a pris le parti de s’observer et de se critiquer les uns les autres ; et non seulement on a su se réjouir par cette voie, mais encore chacun a su tirer de là comme un témoignage de son excellence, parce qu’il ne se peut que celui qui critique ne s’imagine être plus parfait que celui qui est critiqué. […] qu’on suppose ici sur la Scène ne sont pas réputés tels, ce ne peut être que parce qu’ils n’en font pas profession, et que peut-être cela ne leur arrive qu’une fois dans leur vie. […] Mettons ce qu’il dit pour arriver à son but dans le jour le plus favorable qu’il est possible. […] On les écoute ces interprètes, ils prononcent sans distinguer l’Etat d’avec l’Eglise, que la Comédie n’est pas un mal ; et ce qui ne manque jamais d’arriver entre gens de profession opposée, un Cavalier qui survient ne veut pas qu’elle soit permise.
On a senti la nécessité, non pas de penser mieux qu’un tel homme, cela était indifférent en ce cas, ou n’était pas l’affaire la plus importante ; mais de tenir une conduite opposée à la sienne, de ne pas marcher sur ses traces pour ne pas être soupçonné de vouloir arriver au même but, de ne rien dire, de ne rien faire qui ressemblât à ce qu’il avait dit, à ce qu’il avait fait pour attirer la confiance et tromper ; donc il a fallu abandonner ou négliger comme j’ai montré qu’on avait abandonné ou négligé les exercices pieux, ou les devoirs de la religion, les louanges de ses préceptes, et la pratique des autres vertus que le Tartufe en jugement observait si scrupuleusement pendant le temps qu’il méditait de faire des dupes, et pour mieux y parvenir ; donc cette satire, qui prête tant de vraisemblance au travestissement des plus belles actions d’un homme de bien, en indices d’un méchant qui médite le mal, devait nécessairement produire les désordres qui existent et que je lui impute en grande partie. […] La plus dangereuse est la peinture à faux, dramatique, de l’homme et de la société, ou cette infidélité des tableaux vivants qui sont censés être ceux des mœurs ou de la vie commune de tel rang, de telle corporation, ou de tel âge ou bien de telles personnes que la malignité désigne, et qui vont être décriées, flétries, peut-être mises au désespoir ; il consiste aussi dans la solennité et l’éclat des représentations, avec tous les prestiges du théâtre ; c’est encore en réunissant la fiction à la vérité, en accumulant à plaisir les vices, en les combinant et faisant supposer une liaison naturelle entre eux ; c’est l’éternelle image des passions humaines les plus honteuses sous les traits sacrés de la vertu qu’enfin on ne croit plus voir nulle part qu’en apparence, que l’on méconnaît et décourage par trop de défiance, ou qu’on insulte par malignité ; enfin, c’est en créant ainsi et faisant agir avec toute l’énergie possible, sous les yeux de la multitude des personnages monstrueux qui servent d’excuse et d’encouragement aux méchants, qui font horreur aux bons et, comme je l’ai déjà dit, portent l’agitation dans les esprits faibles, l’inquiétude ou l’animosité dans les cœurs, exaltent la tête de tous, et vont de la scène publique provoquer la persécution, porter les désordres dans les scènes privées de la vie, où toutes les passions excitées imitent la hardiesse des auteurs, cherchent à réaliser leurs chimères jusques sur la vertu la plus pure : « Là de nos voluptés l’image la plus vive ; Frappe, enlève les sens, tient une âme captive ; Le jeu des passions saisit le spectateur ; Il aime, il hait, il pleure, et lui-même est acteur. » Voilà plus clairement comme il arrive que ces critiques vantées manquent leur but, sont de nul effet contre le vice audacieux, sur l’hypocrite impudent qui atteste Dieu et la religion en faisant bonne contenance au rang des victimes nombreuses des aggressions aveugles et des calomnies effrontées. […] nous savions de reste que cela est possible, puisque nous étions instruits qu’il pouvait arriver des choses bien plus fortes de la même part5.
La toile levée, les officiers habillés pour leur rôles, arrivent tumultueusement sur la scène. […] La même chose arriva à Antioche : les Perses en embuscade saisirent le temps où tout le monde étoit au théatre, entrerent sans peine, & prirent la ville que le théatre avoit rendue sans défense. […] Quoiqu’on ne nomme personne, ce qui occasionneroit bien des corrections un peu vives, on désigne si bien les personnages, comme Aristophane, qu’il est aisé de lever le masque : ce qui est arrivé cent fois à Moliere.
de détourner nos yeux d’une femme bien parée, et de ne pas regarder une fille en face, de peur que sa beauté ne nous soit un sujet de scandale et de chûte, comme cela est arrivé à plusieurs ;Ibidem. […] En effet, un véritable pénitent se doit toujours regarder devant Dieu comme un criminel, qui craint que l’heure de sa mort, qui est toujours incertaine, n’arrive bientôt, et que son Juge irrité ne le livre aux démons, qui sont les Exécuteurs ordinaires de sa Justice : c’est pourquoi il doit employer tout le temps qui lui reste de sa vie à gémir, pour tâcher de fléchir son Juge par ses gémissements, et d’obtenir le pardon de ses péchés. […] Il faut supposer ici une vérité qui est incontestable ; à savoir, que les Chrétiens durant toute leur vie sont des Voyageurs, qui doivent s’avancer incessamment vers leur véritable patrie, qui est le Ciel, et que Dieu leur a donné le temps, comme un moyen nécessaire pour y pouvoir arriver.
L’entrée du milieu était toujours celle du principal Acteur : ainsi dans la Scène Tragique, c’était ordinairement la porte d’un Palais : celles qui étaient à droite ou à gauche, étaient destinées à ceux qui jouaient les seconds Rôles ; & les deux autres, qui étaient sur les aîles, servaient, l’une à ceux qui arrivaient de la campagne, & l’autre à ceux qui venaient du Port ou de la Place publique.
Si cela est, il ne sera plus permis de peindre dans les Eglises des Vierge Marie, ni des Suzanne, ni des Madeleine agréables de visage ; puisqu’il peut fort bien arriver que leur aspect excite la concupiscence d’un esprit corrompu.