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313. (1666) Dissertation sur la condemnation des théâtres « Disseration sur la Condemnation, des Théâtres. — Chapitre XII. Que la représentation des Comédies et Tragédies ne doit point être condamnée tant qu'elle sera modeste et honnête. » pp. 237-250

Je me contente d'avoir expliqué ce qui s'est fait parmi les Anciens, et ce que nous avons fait ensuite des pensées raisonnables qu'ils ont eues, ou en reformant ce qu'ils avaient mal introduit.

314. (1772) Réflexions sur le théâtre, vol 9 « Réflexions sur le théâtre, vol 9 — RÉFLEXIONS. MORALES, POLITIQUES, HISTORIQUES, ET LITTÉRAIRES, SUR LE THÉATRE. LIVRE NEUVIEME. — CHAPITRE III. L’Esprit de Moliere. » pp. 72-106

Dans cette crise les mœurs & les manieres anciennes contrastoient avec les lumieres nouvelles ; le caractère national, formé par des siecles de barbarie, cessoit de s’assortir avec l’esprit nouveau qui se répandoit. L’humeur sauvage des pères & des époux, la vertu des femmes qui tenoit de la pruderie, le savoir défiguré par le pedantisme des Medecins attachés à leur robe & à leur latin, le mélange ridicule de l’ancienne barbarie & du faux bel esprit, avoit produit le jargon des Précieuses ; l’ascendant de la cour sur la ville avoit multiplié les prétentions & la fausse importance dans la bourgeoisie. […] Un autre genre de luxe dont l’abondance même prouve la stérilité du génie dans l’Auteur, & l’opulence du Prince qui le donne, c’est cet amas de spectacles entassés dans une fête dont on veut que Moliere ait créé l’idée dans la Princesse d’Elide, que je crois bien plus ancienne, & qui lui feroit peu d’honneur. […] Le grand Moliere a bien d’autres titres à la gloire que d’avoir été le créateur d’une chose si commune, & plus ancienne que lui.

315. (1684) Sixiéme discours. Des Comedies [Discours sur les sujets les plus ordinaires du monde. Premiere partie] « Sixiéme Discours. Des Comedies. » pp. 279-325

Le saint Esprit arma le zele, la plume, & la langue des plus anciens Peres de l’Eglise contre ce gros de crimes, contre ces conspirations déterminées à la ruine generale des vertus ; les foudres mesmes, qu’il a confié à l’Eglise ont esté employez par les inspirations de ce divin Esprit, pour défendre l’innocence contre les insultes & les efforts de ces divinitez imaginaires. […] Plusieurs autres Pieces nous representent des Histoires saintes de l’ancien & du nouveau Testament ; ces images parlantes de la sainteté ne sont pas plus dignes des foudres de l’Eglise, que les images muëtes, qui n’entretiennent que les yeux : & ce seroit un caprice bien injuste de respecter les dernieres, & de condamner les premieres ; l’Eglise n’est pas capable de cette conduite bizarre, & opposée au respect qu’elle nous ordonne de rendre aux images de Jesus-Christ, & des Saints. […] Ces premieres impressions ne s’effacent que difficilement ; il n’est pas aisé de rompre ces premieres liaisons, ces anciennes amours sont d’ordinaire les plus fortes ; & si les peres & les meres ne doivent pas permettre à leurs enfans de commettre des actions contraires à ce que Dieu leur ordonne, ils sont obligez, à plus forte raison, d’empescher qu’ils n’aillent en des lieux, d’où ils reviendront avec de méchantes inclinations, qui seront des sources perpetuelles de mauvaises actions. […] Les Auteurs des Pieces de theatre suivent en cecy les vestiges de cet ancien ennemy de la Grace, dont saint Augustin a triomphé avec tant de gloire pour luy, avec tant d’avantage pour l’Eglise, avec tant de satisfaction, de reconnoissance, & d’honneur pour l’auteur d’un bien-fait si necessaire aux hommes. […] Ils composent leurs pieces avec tant d’artifice, que les plus méchans y trouvent suffisamment dequoy se contenter, & que les bons, à moins d’estre bien éclairez, ont de la peine à y découvrir ce qui merite la censure, & sont presque contraints de suspendre leur jugement, & de dire comme ces anciens Senateurs, la chose n’est pas constante : Non liquet, nous ne pouvons pas justifier ces Pieces comme innocentes, parce qu’elles prennent le party du vice en apparence ; on ne peut pas les condamner comme mauvaises, parce qu’elles semblent soûtenir & relever la vertu : elles se mettent à couvert de la censure des bons par cette apparence d’innocence, elles évitent le mépris des méchans par cette apparence de malice : l’apparence du mal couvre l’apparence de l’innocence, celle de l’innocence couvre celle du mal, ce mélange continuel ne laisse pas le temps de reconnoistre lequel l’emporte ou du bien ou du mal ; & ce venin, comme celuy de Pelage, ne s’apperçoit qu’aprés qu’il a eu le temps d’agir avec toute sa force, & qu’il a tout perdu.

316. (1778) Réflexions morales, politiques, historiques et littéraires sur le théatre. Livre vingtieme « Réflexions morales, politiques, historiques et littéraires sur le théatre. — Chapitre V. Suite des Mêlanges. » pp. 146-197

Le Testament des douze Parriarches est un ancien livre qu’on appelle apochryphe, quoi qu’il n’y ait rien de mauvais, parce qu’il n’a jamais été compris dans le canon des Ecritures. […] L’or & l’argent abonderent, mais le luxe courut sur les pas de la richesse (à l’exemple du prince le plus magnifique & le plus libertin), l’ancienne simplicité que l’on traita de rudesse & de grossiereté, disparut On trouva les habitations de ses peres trop étroites & ses possessions trop bornées, on joignit maison à maison, héritage, à héritage, on eut des palais, des jardins magnifiques ; les chevaux défendus par la loi, se multiplierent, & le pays se remplit de chars brillans & de superbes attelages, & les lits d’ivoire mollement garnis remplacerent les couches des anciens ; le bissus, le fin lin, les laines choisies furent employées dans les vêtemens ; l’hyacinthe, l’écarlate, la pourpre en rechausserent l’éclat & le prix ; les filles de Sion, autrefois si modestes, se montrerent dans les rues & dans les places, & y étalerent la richesse de leur parure ; les mantes, les écharpes, les dentelles précieuses, les colliers, les bracelets, les ceintures garnies de pandeloques, les ajustemens, les bijoux de toute espece, & plus encore leurs démarches & leurs regards, tout annonça leur désir de plaire, la vanité & la mollesse ; elles apprirent à relever leur taille par la hauteur de leur coëffure syrienne, ornée de rubans en forme de couronne, les pierreries brillantes dans leurs cheveux frisés, les anneaux à leurs doigts, & l’or à leurs chaussures ; à l’antique frugalité succederent de somptueux repas, où les vins exquis se servoient sans mesure dans des vases précieux, pour la matiere & pour la forme, couronnés de fleurs, parfumés d’essence ; les riches voluptueux les commencerent avec le jour, les prolongerent jusques dans la nuit, au son de la lyre, de la guittare, de la flûte, du tambour ; au son des instrumens ils joignirent la voix des chanteuses, & ils se flatterent d’égaler dans leurs concerts domestiques le goût & la magnificence des rois. […] Toutes les pieces à suïcide dont il y a un grand nombre, ne sont-elles pas d’un goût fort approchant, & même plus atroces que les combats à outrance de l’ancienne chevalerie. […] Ce mot est même en France plus ancien que Moliere : dans les vieux comiques, les livres, gaulois, on en voit vingt exemples dans le Glossaire de du Cange, dans Nicod, dans le Calepin, sur le mot Truffe, Truffares.

317. (1788) Sermons sur les spectacles (2) « Sermons sur les spectacles (2) » pp. 6-50

Les condamnations anciennes n’ont donc plus aujourd’hui d’objet, & il seroit à propos que l’Eglise levât des anathèmes qui ne sont plus mérités. […] Nous le connoissons, mes Frères, ce théâtre des anciens ; on nous a conservé quelques-unes de ces pièces qui se représentoient avec tant d’appareil dans les jeux publics, & auxquelles le peuple Romain couroit avec tant d’avidité. […] Est ce de la part de celles qui laissent les Comédiens sous l’anathême, un excès de rigueur ; ou n’est-ce pas plutôt, de la part de celles qui les en affranchissent, une preuve de relâchement & un oubli des règles anciennes ?

318. (1773) Réflexions morales, politiques, historiques et littéraires sur le théatre. Livre quinzieme « Réflexions morales, politiques, historiques, et littéraires, sur le théatre. — Chapitre III. Aveux importans. » pp. 83-110

C. ne veut pas dès Prédicateurs en brodequins qui ayent des mouches & du fard sur le visage ; la tragédie fait revivre les anciens crimes, on les tire de dessous le tombeau, on apprend à notre siècle des impuretés auxquelles il n’auroit peut-être jamais pensé ; l’on fait des exemples des crimes qui n’existent plus. […] Cette idée bien plus ancienne que lui, & généralement reçue, il l’a mise en beaux vers latins ; il n’est coupable que de l’avoir rendue trop naturellement & d’une manière dangereuse, il n’auroit pas dû prêter son pinceau à la volupté, mais il n’en est pas le créateur. […] Godeau ne le connoissoit pas, ou faisoit semblant de ne pas le connoître pour lui prodiguer avec plus de liberté les éloges les plus outrés qui lui attirèrent des satyres fort vives sur les talens littéraires ; on fut sur-tout choqué de ce qu’il traite l’Auteur de défenseur, très-zélé de la vérité, veritatis vindex acerrimus , & d’homme élevé dans le sein de l’ancienne théologie, avitæ theologiæ in sinu éducatus .

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