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146. (1758) Causes de la décadence du goût sur le théatre. Première partie « Causes de la décadence du goût sur le théâtre. — Chapitre VIII. Des caractères & des Mœurs Tragiques. » pp. 131-152

Un Prince qui veut la guerre pour le bien de l’Etat ; qui déteste son fils, parce qu’il est aimé d’Antigone, qu’il aime lui-même, & qui, quelques Scènes après, veut la paix pour n’avoir pas à combattre ce même fils. Il s’applaudit de sa mort, parce qu’aimé du peuple, il pouvoit être mis sur le Trône à son préjudice, & à la mort d’Antigone, qui seule pouvoit l’en éloigner, cet ambitieux qui ne songeoit qu’à régner, entre dans le plus grand désespoir.

147. (1777) Il est temps de parler [Lettre au public sur la mort de Messieurs de Crébillon, Gresset, Parfaict] « Il est tems de parler. » pp. 27-36

« Un Public bien intentionné qui aime à encourager les talens, regrettera peut-être de ne point voir représenter cette Piéce, d’autant plus que c’est l’histoire du jour. […] N°. 20. année 1775. » Je n’en veux point à ces Messieurs ni à ces Dames ; j’aime assez les Acteurs, plus encore les Actrices. […] Après avoir démontré tous les risques qu’il y a de charger un Comédien d’examiner votre Drame, pour savoir s’il est digne d’être lû à l’assemblée générale, cet Auteur profond dit : « C’est dans ses mains, que votre sort est remis ; il peut à son gré vous fermer ou vous ouvrir les premieres avenues du Temple de Mémoire : reste à savoir s’il est assez éclairé pour juger de l’effet que la Piéce peut produire au Théâtre, si elle est dans le genre qu’il aime, &c. » Et plus bas il ajoute.

148. (1667) Lettre sur la Comédie de l'Imposteur « Lettre sur la Comédie de l’Imposteur » pp. 1-124

Le Père lui dit qu’elle ne craigne point d’avouer ce qu’elle pense, et qu’elle dise hardiment, ce qu’aussi bien il devine aisément, que « les mérites de Monsieur Panulphe l’ont touchée, et qu’enfin elle l’aime ». Ce qui est admirablement dans la nature, que cet homme se soit mis dans l’esprit que sa fille trouve Panulphe aimable pour mari, à cause que lui l’aime pour ami, n’y ayant rien de plus vrai, dans les cas comme celui-ci, que la maxime, que nous jugeons des autres par nous-mêmes, parce que nous croyons toujours nos sentiments et nos inclinations fort raisonnables. […] Enfin s’expliquant une seconde fois, et elle pensant bonnement, sur ce qu’il a témoigné croire qu’elle aime Panulphe, que c’est peut-être ensuite de cette croyance qu’il les veut marier ensemble, lui dit avec un empressement fort plaisant « qu’il n’en est rien, qu’il n’est pas vrai qu’elle l’aime ». […] Et continuant sur ce ton, il lui fait voir d’autre part les avantages qu’il y a à être aimée d’un homme comme lui : que le commun des gens du monde, Cavaliers et autres gardent mal un secret amoureux, et n’ont rien de plus pressé après avoir reçu une faveur, que de s’en aller vanter ; mais que pour ceux de son espèce, « le soin, dit-il, que nous avons de notre renommée est un gage assuré pour la personne aimée, et l’on trouve avec nous, sans risquer son honneur, de l’amour sans scandale, et du plaisir sans peur ». […] Celle-ci voulant faire faire réflexion à sa Maîtresse sur la difficulté de son entreprise, lui dit qu’« il a de grands sujets de défiance extrême » : mais la Dame répond divinement qu’« on est facilement trompé par ce qu’on aime ».

149. (1675) Traité de la dévotion « Chapitre III. De la trop grande sensibilité aux plaisirs de la terre ; troisième source de l’indévotion. » pp. 58-65

Les plaisirs spirituels sont d’un goût si différent des plaisirs charnels, qu’on ne saurait en même temps aimer les uns et les autres. […] Bernard, est la consolation divine, c’est une femme chaste mais jalouse, qui méritant seule d’être aimée, ne se peut donner à celui qui court après les étrangères. » C’est pourquoi Salomon crie, vanité sur tous les plaisirs de la terre, desquels il avait fait expérience à ses dépens ; car il avait pensé lui en coûter le salut éternel : C’est pour cela même que David déclare si souvent qu’il ne veut point avoir d’autre plaisir que celui de son Dieu.

150. (1671) Lettre d’un ecclésiastique à un de ses Amis « letter » pp. 472-482

Consultons l’expérience, elle nous apprend que ceux qui aiment ces divertissements ont fort peu de foi, s’ils en ont, et qu’elle est fort infirme. Je dis ceux qui les aiment ; parce qu’il se peut faire que quelques-uns y iront sans y avait d’affection, ou parce qu’une puissance absolue, à laquelle ils ne pourront résister, comme d’une mère sur sa fille, ou d’un mari sur sa femme, les y engagera contre leur inclination : ou parce qu’ils seront dans une dignité qui les obligera de s’y trouver, pour empêcher les troubles et les querelles qui accompagnent ordinairement ces actions. […] quelle honte à des Chrétiens d’aimer la vanité, et de rechercher l’erreur. […] Voilà les fruits que remportent les Spectateurs : ils y reçoivent des leçons de péché : Ils l’y trouvent avec des attraits qui le fait aimer : Ils y apprennent des adresses pour le commettre : ils y entrent chastes, et en sortent impudiques :·et souvent ce qu’ils y voient et ce qu’ils y entendent leur fait commettre au même moment le péché dans le cœur, auparavant que le corps en soit souillé.

151. (1705) Sermon contre la comédie et le bal « I. Point. » pp. 178-200

Comme ceux qui aiment sincèrement la parole de Dieu et trouvent leur joie dans la méditation de ses saintes Ecritures, ont un souverain mépris de ces fadaises, et ces folies pleines de mensonges, ceux aussi qui courent après elles conçoivent de l’éloignement de la parole de Dieu, et n’ont aucun attrait pour la lecture de ses divins oracles. […] Si vous étiez élevé sur une haute montagne, les plus grosses villes vous paraîtraient à peine comme des hameaux, leurs Palais les plus superbes et les plus magnifiques comme des huttes et des cabanes, et les hommes des fourmis, si toutefois vous pouviez les apercevoir, tel est celui qui habite déjà dans le Ciel par l’ardeur de ses désirs ; toute la grandeur humaine n’est pour lui que bassesse, qu’un atome éclatant, un point qui en impose aux yeux par quelque apparence d’enflure, il a peine à comprendre l’excès de folie et l’ensorcellement des hommes qui se laissaient captiver et transporter par ces niaiseries, si quelque objet sollicite son cœur par quelque monstre de beauté pour s’en faire aimer, il le dépouille aussitôt de ce fard et de cette vaine apparence qui pourrait l’éblouir parce qu’il est homme, et lui dit vous n’êtes rien, vous n’avez qu’une faible lueur de cette lumière immense, de cette beauté originale qui est en Dieu, lui seul mérite d’occuper nos esprits et nos cœurs, adorons-le ; il lui tarde que nous soyons tous arrivés à ce jour qui sera le dernier de tous, où Dieu seul paraîtra grand, « exaltabitur Deus solus in die illa »Isai. […] Cette passion insensée qui fait des ravages incroyables dans le monde, ce feu d’enfer qui enflamme le cercle de la vie de la plupart des enfants d’Adam, l’impureté dont saint Paul ne veut pas que le nom même soit prononcé parmi des Chrétiens, parce que son image est contagieuse, ou si l’on est obligé d’en parler, ce ne doit être qu’avec horreur, qu’en la flétrissant, la traitant avec exécration comme une maladie honteuse qui ravale l’homme à la condition des bêtes, ce vice, dis-je, y est transformé en vertus, il est mis en honneur et en crédit, regardé comme une belle faiblesse dont les âmes les plus héroïques ne sont pas exemptes, et qui leur sert d’aiguillon pour entreprendre les choses les plus difficiles, on s’y remplit du plaisir qu’on se figure à aimer et à être aimé, on y ouvre son cœur aux cajoleries, on en apprend le langage, et dans les intrigues de la pièce les détestables adresses que l’auteur suggère pour réussir, or n’est-ce pas là une idolâtrie dont se souille le cœur humain ?

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