Je ne veux point examiner la force de ce raisonnement que je renvoie à nos Docteurs de Médicine, il me suffit de dire que Luceïa et Galéria ne furent jamais deux Comédiennes ni Tragédiennes, car les troupes des Comédiens et des Tragédiens n'avaient point de femmes qui parussent sur la Scène, et n'employaient pour en représenter les personnages que de jeunes hommes, comme nous voyons dans Plutarque un jeune homme raillé par le Chorague ou l'Entrepreneur des Jeux, de ce que représentant une Princesse, il ne voulait pas venir sur le Théâtre, sans avoir beaucoup de femmes à sa suite ; « An melior cum Thaïda sustinet, aut cum Uxorem Comœdus agit, vel Dorida nullo Cultam palliolo, mulier nempe ipsa videtur. […] , qui étaient quatre de ces Acteurs célèbres de son temps, où sans doute il n'aurait pas oublié de mettre ceux des femmes, s'il y en eût eu dans les troupes des Comédiens pour agir en ces représentations. […] « An melior cum Thaïda sustinet, aut cum Uxorem Comœdus agit, vel Dorida nullo Cultam palliolo, mulier nempe ipsa videtur.
La Comédie-Bourgeoise dont il s’agit particulièrement serait tout-à-fait semblable à la Comédie ordinaire, si l’on ne se permettait d’y mêler le sérieux avec le plaisant. […] On a donné le nom de Comique Larmoyant aux Drames de M. de la Chaussée, où l’on ne voit agir ni des Hèros, ni des Rois, mais seulement des Seigneurs de la Cour.
Le premier principe sur lequel agissent les Poètes tragiques et comiques, c’est qu’il faut intéresser le spectateur, et si l’auteur ou l’acteur d’une tragédie ne le sait pas émouvoir et le transporter de la passion qu’il veut exprimer, où tombe-t-il, si ce n’est dans le froid, dans l’ennuyeux, dans le ridicule, selon les règles des maîtres de l’art ? […] Si les peintures immodestes ramènent naturellement à l’esprit ce qu’elles expriment, et que pour cette raison on en condamne l’usage, parce qu’on ne les goûte jamais autant qu’une main habile l’a voulu, sans entrer dans l’esprit de l’ouvrier, et sans se mettre en quelque façon dans l’état qu’il a voulu peindre : combien plus sera-t-on touché des expressions du théâtre, où tout paraît effectif : où ce ne sont point des traits morts et des couleurs sèches qui agissent, mais des personnages vivants, de vrais yeux, ou ardents, ou tendres et plongés dans la passion : de vraies larmes dans les acteurs, qui en attirent d’aussi véritables dans ceux qui regardent : enfin de vrais mouvements, qui mettent en feu tout le parterre et toutes les loges : et tout cela, dites-vous, n’émeut qu’indirectement, et n’excite que par accident les passions ?
O n appelle caractère au Théâtre, la manière de sentir, de parler & d’agir, propre à chaque personnage. […] On voit dans les maîtres de l’art, des Héros, qui parlent & qui agissent. Cela suffit pour en faire agir & parler.
Car c’est un grand combat, ô mon cher Ami, & plus grand qu’on ne sauroit croire que celui qui nous est proposé, dans lequel il s’agit d’être homme de bien ou d’être un méchant. […] Cette imitation se fait par un discours [ou stile] composé par le Plaisir, de telle sorte que chacune des parties qui le composent subsiste & agisse séparément & distinctement. […] « J’appelle un discours composé pour le Plaisir, un discours qui marche avec cadence, harmonie & mesure : & quand je dis que chacune des parties doit agir séparément, je veux dire qu’il y a des choses qui se représentent par les Vers tout seuls, & d’autres par le Chant. […] « La Tragédie est l’imitation d’une Action : or toute Action suppose des gens qui agissent, & les gens qui agissent ont nécessairement un caractere, c’est-à-dire des mœurs & des inclinations qui les font agir : car ce sont les mœurs & l’inclination [c’est-à-dire la disposition de l’esprit] qui rendent les actions telles ou telles, & par conséquent les mœurs, ou le sentiment [ou la disposition de l’esprit] sont les deux principes des Actions. […] S’il s’agit d’exciter en lui une Crainte & une Pitié conforme à la Raison, quelle Tragédie plus propre qu’Athalie ?
Si le père, des intérêts dont il s’agit dans la Comédie, doit être quelquefois content, & quelquefois fâché, il a un des sourcils de son masque froncé, & l’autre rabatu ; & il a une grande attention à montrer aux Spectateurs, celui des côtés de son masque qui convient à sa situation présente. C’est ainsi qu’agissait le Comédien, quand il jouait des Scènes où il devait changer d’affection, sans qu’il pût changer de masque derrière le Théâtre.