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396. (1763) Réflexions sur le théâtre, vol. 2 « Livre second. » pp. 2-7

Lorsque les Italiens et les Anglais apprennent que nous flétrissons de la plus grande infamie un art dans lequel nous excellons, qu’on excommunie des personnes gagées par le Roi, que l’on condamne comme impie un spectacle représenté dans des couvents, qu’on déshonore des pièces où Louis XIV et Louis XV ont été acteurs, qu’on déclare œuvre du démon des pièces reçues par des Magistrats et représentées devant une Reine vertueuse, quand des étrangers apprennent cette insolence et ce manque de respect à l’autorité royale, cette barbarie gothique, qu’on ose nommer sévérité chrétienne, peuvent-ils concevoir que nos lois autorisent un art déclaré infâme, ou qu’on ose couvrir d’infamie un art autorisé par les lois, récompensé par les Souverains, cultivé par les plus grands hommes, et qu’on trouve chez le même Libraire l’impertinent libelle du Père le Brun à côté des ouvrages immortels de Corneille, Racine, Molière ? 

397. (1643) Les Morales chrétiennes « Des Théâtres. » pp. 511-519

Mais parce que la fin de la comédie est de délecter, et que les pratiques de la vertu ne sont pas celles qui plaisent le plus à notre nature, on les a quittées pour représenter ce qui peut être dans la complaisance des passions, et l’on se propose pour dernière fin, une volupté qui est l’amorce commune de tous les vices ; et d’autant que ces acteurs veulent donner de l’admiration, ils vous font voir des prodiges de méchanceté, des usurpateurs qui s’élèvent dessus les trônes par toutes sortes de crimes, en mettant sous leurs pieds, tous ceux qui ne peuvent servir autrement à leur fortune : des inimitiés éternelles ; des vengeances toujours extrêmes ; la cruauté n’épargne ni l’âge, ni le mérite, ni le sexe ; elle s’étend jusques aux derniers degrés d’une famille, et jusques aux cendres des défunts ; ce ne sont que duels, que guerres, qu’assassinats, où pour donner plus de compassion, l’innocence demeure toujours opprimée.

398. (1765) De l’éducation civile « De l’éducation civile » pp. 76-113

Les Grecs, cette Nation sage & polie, n’eurent garde de se deshonorer par une conduite si dure envers les talens : ils érigeoient des statues à leurs Poëtes tragiques, & distribuoient publiquement des couronnes aux excellens Acteurs. […] Dans les momens où ils paroîtront le plus occupés des fadaises que l’on débite, ils étudieront secretement les mœurs & les caracteres des principaux Acteurs, & mettront à profit, pour leur raison, des momens qu’ils regardoient comme absolument vuides.

399. (1694) Réfutation d’un écrit favorisant la Comédie pp. 1-88

Il faut représenter aux très pieux Empereurs, qu’on ne doit point contraindre les Chrétiens d’assister aux Spectacles, ou d’en être les Acteurs : Car il ne faut persécuter personne pour l’obliger de faire des choses qui sont contraires aux Commandements de Dieu. […] Mais quelle compassion peut-on avoir des choses feintes et représentées sur un Théâtre, puisque l’on n’y excite pas l’auditeur à secourir les faibles et les opprimés, mais qu’on le convie seulement à s’affliger de leur infortune ; de sorte qu’il est d’autant plus satisfait des Acteurs qu’ils l’ont plus touché de regret et d’affliction ; et que si ces sujets tragiques et ces malheurs véritables ou supposés, sont représentés avec si peu de grâce et d’industrie, qu’il ne s’en afflige pas ; il sort tout dégoûté et tout irrité contre les Comédiens ? […] Enfin les Acteurs n’avaient point encore appris ces soupirs entrecoupés, ces airs languissants et vifs, avec lesquels ils expriment à présent les passions. […] Un personnage à faire, occupe tout entier celui qui en est chargé ; il remplit tout son temps, et ne souffre plus qu’il soit le maître de son imagination, pour l’arrêter à point nommé : Si un Acteur a le personnage d’un Amant disgracié, ou d’un autre qui réussit dans ses poursuites ; il y pense jour et nuit ; il songe aux moyens de s’exprimer d’une manière vive et touchante : et pour cela, il faut qu’il ressente des mouvements et des passions que nous n’oserions même admettre dans notre esprit pour un moment avec une attention volontaire, sans nous croire coupables devant Dieu. […] On introduit une Actrice, qui d’un air plein de respect pour la Divinité qu’elle invoque, chante au milieu d’une symphonie parfaite en ses accords, des Vers à sa louange : Cette fausse Divinité ne les entend pas, mais le vrai Dieu les entend.

400. (1758) Causes de la décadence du goût sur le théatre. Première partie « Causes de la décadence du goût sur le théâtre. — Chapitre II. Du Théâtre Moderne, & de celui des François. Celui-ci comparé au Théâtre Grec. » pp. 25-38

Ils donnerent un éclat inconnu à la Scène, dans les décorations, & les habillemens même des Acteurs.

401. (1762) Lettres historiques et critiques sur les spectacles, adressées à Mlle Clairon « Lettres sur les Spectacles à Mademoiselle Clairon. — LETTRE IV. » pp. 68-81

Outre l’impression générale du Spectacle sur la Religion des assistans, les Acteurs ont souvent sur les lévres le langage de l’impiété : il faut des traits hardis pour réveiller l’attention, & pour flatter le goût peu chrétien du siécle ; c’est un moyen sûr d’être applaudi, & d’en imposer aux sifflets du Parterre.

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