Dieu pardonne aisément les distractions qui naissent de la fragilité de la nature, mais il ne fait pas le même de celles qui sont volontaires dans leur source, telles que sont celles que la Comédie produit. C'est pourquoi il y a sujet de craindre que toutes les prières des gens du monde qui sont pleines de ces sortes de distractions, ne soient plus capables d'irriter Dieu que de l'apaiser, et qu'elles ne soient du nombre de celles dont le Prophète dit : « Et oratio ejus fiat in peccatum. […] » Que si leurs prières qui doivent attirer l'esprit de Dieu sur tout le corps de leurs œuvres sont elles-mêmes souillées, que doit-on juger de tout le reste de leurs actions ?
Nous sommes coupables de la mort d’un Dieu, un Dieu a été assassiné en ce lieu de notre demeure, nous sommes complices de ce parricide, et nous nous répandrons dans des joies vaines et mondaines ! […] Vous ne sauriez faire une pénitence plus douce, facile et salutaire des péchés de votre vie passée, que de vous priver de ces divertissements pour l’amour de Dieu ; cette pénitence ne ruine point votre santé, ne diminue point vos biens, n’incommode point votre famille, ne fait point tort à vos affaires.
Y a-t-il un moment dans toute la vie, qu’elle exempte de la pratique de la vertu, qu’elle dispense de l’obligation de plaire à Dieu ? […] Dieu ne veut point de notre cœur, s’il ne le possède toujours : et vous croyez qu’il agréera des jours que le monde partage avec lui ? […] le Christianisme, dit un grand Serviteur de Dieu, n’est-il donc qu’un fantôme, une chimère ? […] Est-il possible qu’il n’y ait nulle bienséance à garder dans un état qui nous fait enfants de Dieu par adoption ? […] Crut-on qu’on avait eu tort de condamner ce que nous approuvons aujourd’hui, et qui alluma la colère du Dieu vivant ?
) Et si l’expérience qui est la maîtresse des fous, a quelque pouvoir sur l’esprit des sages, demandez, s’il vous plaît, à toutes les bonnes âmes qui se sont bien données à Dieu, demandez à tous les religieux qui ont été autrefois du monde, si en leur confession générale ils ne se sont pas repentis et accusés d’avoir été au bal. Quand quelqu’un de vos camarades est au lit de la mort, demandez-lui s’il ne se repent pas d’y avoir été, et s’il ne craint pas d’en être repris au jugement de Dieu. Et, sans aller si loin, vous savez bien que vous-même vous vous en confessez, parce que vous ne pouvez étouffer le remords de votre conscience qui vous en reprend ; mais vous vous en confessez en vous moquant de Dieu et de votre confesseur, puisque vous avez volonté d’y retourner une autre fois, quand l’occasion s’en présentera. […] donc ce n’est pas un divertissement innocent, car on ne se repent pas de ce qui est innocent ; donc ce confesseur qui ne vous en fait pas repentir ne fait pas son devoir, car il ne vous doit pas laisser sortir du confessionnaire qu’au même état qu’il voudrait vous présenter au jugement de Dieu.
Le quiétiste s'unit à Dieu dans ce moment, dit-il, et s'en fait un mérite ; Thalie, plus humble et plus vraie, ne se pique point de ce mérite et de cette gloire, et ne pense point du tout à Dieu. […] Pénétré de crainte à la vue d'un Roi irrité, craint-il la colère de Dieu et l'enfer ? […] le Dieu de sainteté pourrait-il en faire son temple ? […] la peinture de la mort de l'âme, de la perte de Dieu par le péché, peut-elle amuser un Chrétien ? […] La piété ne voit que Dieu, attentive à tout, elle réprime les moindres saillies.
Je ne suis point jaloux des applaudissements qu’on donne à ces Messieurs, j’admire leurs grands talents ; mais je les plains de les employer si malheureusement, qu’il faut renoncer à la Religion que nous professons, et à l’Evangile de Jésus-Christ, pour ne pas croire qu’il est fort à craindre que ce qui leur a attiré l’applaudissement des hommes, n’attire sur eux l’indignation de Dieu. Quoi, quand Dieu demandera compte à un de ces Messieurs, des actions de sa vie ; emploiera-t-il dans ce compte les Comédies qu’il aura faites ? […] J’avoue que nous ne sommes pas des conseils de Dieu, pour assurer qu’il ne fera point miséricorde à Messieurs les Auteurs des Comédies. Ses miséricordes s’étendent infiniment plus loin que nous ne saurions le concevoir ; mais selon la parole de Dieu, un homme qui n’a que des Comédies et des Romans à lui présenter, est beaucoup à plaindre, et il a sujet de tout appréhender. […] Comment donc ces Auteurs auront-ils droit d’espérer a la miséricorde de Dieu, pendant qu’ils ne feront rien qui serve à détruire les mauvais effets que peuvent faire leurs Comédies et leurs Romans dans la suite de tous les temps.