Où trouve-t-on dans l’Ecriture sainte que l’occasion prochaine en la maniere que nous venons de marquer nous met en estat de peché ?
C'est pour cela que l'Ecriture nous apprend que la vie de l'homme sur la terre est un combat continuel, parce qu'il n'a pas plus tôt terrassé un ennemi, que cette défaite en fait naître un autre dans lui-même, et qu'ainsi la victoire n'est pas moins à craindre pour lui que ses pertes ; c'est avec ces armes que la chair fait cette cruelle guerre à l'esprit qui ne peut vivre qu'en mortifiant les passions de la chair : elles appartiennent à cette loi de mort qui s'oppose continuellement à la loi de l'esprit, et c'est pour cela qu'on ne peut être parfait Chrétien, que ce corps de péché ne soit détruit, que l'Homme céleste ne règne, et que le vieil homme ne soit crucifié.
Il est vrai que ce n’est pas d’aujourd’hui, que ce Moine réformé a donné l’essor à sa méditation frénétique, pour choquer cette profession ; Mais la connaissance que tout le monde a de son mérite augmente d’autant plus sa réputation que son ignorance essaie d’en diminuer le prix : Ce qui m’a le plus étonné ça a été qu’après avoir lu son libelle, intitulé (le Théâtre du Monde) par lequel il prétend assujettir la liberté de notre Vie ; J’ai trouvé qu’il était de la nature deb ces écrevisses, où il y avait plus à éplucher qu’à prendre, que ses arguments étaient des galimatias, et qu’il savait mieux débiter une invective, qu’enseigner une doctrine, faire le Rabelais, que le Théologien, que les passages qu’il a tirés de l’Ecriture sainte, étaient des allégories ou métaphores, pour amuser ceux des petites maisons de Paris, que les allégations des Docteurs qu’il produit contre la Comédie, ont si peu de rapport à son sujet, que j’ai honte que le public soit témoin de la faiblesse de son jugement.
Gardons-nous d’irriter ce perfide ennemi, Dans le cœur le plus froid il ne dort qu’à demi ; Et périsse notre art, que nos lyres se taisent, Si c’est à l’amour seul que les hommes se plaisent. » Mais en voilà bien assez pour montrer à quoi aboutit tout ce qu’on apprend aux spectacles, et pour faire rougir le prétendu Théologien, qui mérité si justement ces reproches de l’Ecriture Isaïe 5. 20.
Ce sont des fables, à la vérité, mais des fables qui font sur le cœur de plusieurs des impressions plus durables que les vérités les plus sublimesag . » Et quand même le fond de ces pièces serait tiré de l’Ecriture sainte, on ne peut pas les voir sans danger ; parce que la sainte morale, transportée sur un théâtre, ne peut produire dans ce sol empesté que des fruits pernicieux : sa place véritable et naturelle est dans la chaire, où environnée de la majesté de Dieu, nourrie de l’onction qui la rend si touchante et si auguste, elle déploie toute sa dignité et toute sa force ; mais au théâtre c’est un sel affadi ; elle n’y paraît que pour être tournée en ridicule, pour essuyer le mépris et encourir la haine des spectateurs.
Ce sont donc de francs ignorants qui ne connaissent pas le prix des choses : « Nemo Histrionum qui non sibi finem in pecunia constituat, necesse est ergo musicam nescire Histriones. » Cependant, comme on peut agir contre sa foi, ses lumières et sa conscience, et préférer ce qu’on sait et qu’on croit être mauvais, « video meliora proboque, deteriora sequor », il est certain qu’on peut être savant et pécheur, et par conséquent savant et Comédien, mais ce ne sera jamais de la vraie science, incapable de préférer la terre au ciel, le démon à Dieu, la volupté à la vertu, l’intérêt à la vérité ; et c’est de cette science mauvaise, et véritablement fausse, que l’Ecriture a dit que tout pécheur, fût-il le plus habile homme, et à plus forte raison que tout Comédien est un ignorant : « Omnis peccans est ignorans, impius ignorat scientiam.