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96. (1743) De la réformation du théâtre « De la réformation du théâtre — DEUXIEME PARTIE. — REGLEMENTS. Pour la Réformation du Théâtre. » pp. 99-116

Dans toutes les Pièces nouvelles qui seront écrites pour le Théâtre de la Réformation, soit Tragédies, Comédies, ou autres de quelque genre que ce puisse être, la passion d’amour, telle qu’il est d’usage de la représenter aujourd’hui, sera entièrement exclue : bien entendu, cependant, que, si quelque nouvel Auteur trouvait le secret de donner des instructions utiles sur cette passion, en sorte que les Spectateurs puissent en devenir meilleurs, il faudrait admettre sa Pièce, comme on admet celles où sont représentées la haine, la vengeance et les autres passions ; lorsque ces passions, loin d’être approuvées ou victorieuses, ne peuvent inspirer aux Spectateurs qu’une horreur salutaire. […] Dans le second, j’exclus tout à fait la passion d’amour des Pièces qu’on écrira pour le nouveau Théâtre ; et, dans le cinquième, je prétends abolir entièrement la danse des femmes. […] Qu’on n’objecte pas non plus que les Poètes se trouveront sans ressource, et que leur génie n’aura plus de quoi s’exercer : que leur ôter la seule passion qui est généralement goûtée, c’est vouloir leur imposer un éternel silence ; et que les contraindre à écrire des Pièces de Théâtre sans amour, c’est comme si on voulait forcer des soldats à marcher au combat, après qu’on les aurait désarmés.

97. (1768) Réflexions sur le théâtre, vol 10 « Réflexions sur le théâtre, vol 10 — RÉFLEXIONS. MORALES, POLITIQUES, HISTORIQUES, ET LITTÉRAIRES, SUR LE THÉATRE. LIVRE DIXIEME. — CHAPITRE III. Extrait de quelques Livres.  » pp. 72-105

Il est vrai qu’elles sont écrites avec plus de religion & de décence que n’en permet l’esprit du siécle ; le libertinage des mœurs & des créances n’avoit pas si fort gagné en 1713. […] L’Abbé d’Olivet, quoique tenté de faire des tragédies de Racine un livre classique, n’a pas osé proposer ce parallele, ou plutôt donner cette préférence à Racine, quoiqu’aussi bien écrit que Térence. Les offices de Cicéron, chef d’œuvre de cet Orateur Philosophe, supérieur à tous égards à Térence, sont mieux écrits que les comédies : aussi clairs, aussi intelligibles, ils ont été admirés de tous les siécles. […] Les Mémoires de la Marquise de Pompadour, qu’on dit écrits par elle-même, ne sont pas un livre de galanterie, comme on pourroit le penser ; c’est une satyre de la Cour & du Ministere, sous un air de politique, semé de loin à loin de quelque trait licentieux, pour faire croire qu’une femme l’a écrit. […] Cet homme valoit mieux que ses écrits.

98. (1824) Un mot à M. l’abbé Girardon, vicaire-général, archidiacre, à l’occasion de la lettre à M. l’abbé Desmares sur les bals et les spectacles, ou Réplique à la réponse d’un laïc, par un catholique pp. -16

J’ai plusieurs raisons, M. le Grand-Vicaire, pour vous adresser cette réplique : Premièrement, le Laïc qui répond à la lettre écrite à M. […] Vous vous plaignez d’un écrit qui, dites-vous, préconise le scandale, et peut être préjudiciable pour beaucoup de monde. […] M. le Laïc, j’en suis bien faché, mais je me vois encore obligé de vous prouver que vous avez tort et que j’ai raison ; que s’il y a ignorance, quant aux conciles, ce n’est pas de mon côté ; que rien de ce que j’ai écrit n’a été hasardé, qu’aucune de vos assertions n’est soutenable et que fort innocemment vous avez dit la chose qui n’est pas. […] Quant au concile de Trente, si des auteurs ont écrit qu’on avait donné un bal à Philippe II, que ce bal fut ouvert par le cardinal Hercule de Mantoue et que les pères y dansèrent avec décence et gravité, c’est qu’ils avaient à ce sujet d’assez bons renseignemens.

99. (1665) Lettre sur les observations d’une comédie du sieur Molière intitulée Le Festin de Pierre « [Lettre] » pp. 4-32

[Lettre] Puisque vous souhaitez qu’en vous envoyant les Observations sur le Festin de Pierre, je vous écrive ce que j’en pense, je vous dirai mon sentiment en peu de paroles, pour ne pas imiter l’auteur de ces remarques, qui les a remplies de beaucoup de choses dont il aurait pu se dispenser, puisqu’elles ne sont point de son sujet et qu’elles font voir que la passion y a beaucoup de part, bien qu’il s’efforce de persuader le contrairea. […] Je vous avoue que, si ces remarques partaient d’un esprit que la passion fît moins parler, et que si elles étaient aussi justes qu’elles sont bien écrites, il serait difficile de trouver un livre plus achevé. […] Il n’a pas pris garde que sa passion l’a emporté, que son zèle est devenu indiscret et que la prudence se rencontre rarement dans les ouvrages qui sont écrits avec tant de chaleur. […] Cette pièce comi-tragique finit presque par ces belles remarques, après avoir commencé par la farce et par les noms de ceux qui ont réussi en ce genre d’écrire et de ceux qui ont bien représenté ces ouvrages.

100. (1783) La vraie philosophie « La vraie philosophie » pp. 229-251

Cet Auteur, après être convenu que dès la premiere année qu’il monta sur le théatre, il ne cessa de l’envisager du mauvais côté, déclare qu’après une épreuve de cinquante années, il ne pouvoit s’empêcher d’avouer que rien ne seroit plus utile que la suppression entiere des spectacles. « Je crois, dit-il3, que c’étoit précisément à un homme tel que moi, qu’il convenoit d’écrire sur cette matiere. […] Je l’avoue donc avec sincérité ; je sens dans toute son étendue le grand bien que produiroit la suppression entiere du théatre, & je conviens sans peine de tout ce que tant de personnes graves & d’un génie supérieur ont écrit sur cet objet ». […] On a démontré combien il étoit aisé de lutter contre ces tourbillons d’esprits follets, qui ne débitent que des fables ridicules & grossieres, dignes de ces petits romans à papier bleu, que leur adeptes vantent & colportent dans nos villages ; je m’attends qu’en élevant la voix contre les spectacles, ils déclameront contre moi, effrayés par la perte qu’éprouveroit la caisse philosophique, dont les Opéra & les Comédies font les plus clairs revenus, & dont les derniers ne sont accordés qu’à des forbans de littérature : n’importe, je proteste contre tout ce que la cohorte pourra dire ou écrire. […] Et quand on a quelques écrits à se reprocher, il faut s’accuser sans réserve, dès que ce remords les condamne ; il seroit trop incertain de compter que ces écrits soient brûlés au flambeau qui doit éclairer notre agonie…. Je rétracte donc solemnellement tout ce que j’ai pu écrire d’un ton peu réfléchi dans mes bagatelles rimées….

101. (1767) Réflexions sur le théâtre, vol 6 « Réflexions sur le théâtre, vol 6 — RÉFLEXIONS. MORALES, POLITIQUES, HISTORIQUES, ET LITTÉRAIRES, SUR LE THÉATRE. LIVRE SIXIÈME. — CHAPITRE VII. De la Dévotion des Comédiens. » pp. 160-179

Ses sanglots, qui avoient souvent, mais de bonne grace, entrecoupé son discours, se trancherent ici tout-à-fait ; sa voix, étouffée dans ses soupirs, suffoquée dans ses larmes, donna place à celle de la Reine, qui en fur touchée, la releva doucement, lui donna sa main à baiser, lui accorda sa protection, la fit écrire sur le livre de vie, c’est-à-dire sur la liste des pauvres filles qu’on devoit marier. […] Les Lettres du Marquis de Rozelle, & celles de Sophie, qui en sont la suite, petit roman incomparablement mieux écrit que ceux de l’Evêque du Bellay & du P. […] Le livre finit par le portrait déshonorant qu’elle fait d’elle-même dans une confession générale qu’elle écrit à son amant, Directeur singulier, qui sûrement n’a pas de mission divine, à qui contre toute vrai-semblance & sans nécessité elle découvre toute sa turpitude. […] Tu fais la sévère à ton amant, écrit une Actrice à sa compagne ; mais son amour est-il d’une trempe à résister à l’ennui des refus ? […] Cette lettre, quoique pleine de vérités, est sans vrai-semblance ; on ne se décrie à ce point que dans la confession sacramentelle, parce que la loi de Dieu y oblige, & qu’on est sûr du secret ; mais il n’est guere probable qu’on aille faire à un amant sans nécessité un tel aveu par écrit.

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