Des valets que vous avez chassés, engoués comme tous ceux de leur espèce de ces ridicules théâtres, se sont plûs à leur en vanter les pièces, à leur en citer des traits, à allumer leur curiosité. […] Comme le mépris qu’on a en France pour la profession de comédien est double pour ceux des Théâtres subalternes, ils s’embarrassent peu de montrer de la pudeur et de la retenue, de quoi on ne leur tiendroit pas compte. […] Leurs superbes camarades des autres théâtres ne sont que libertins, eux autres sont crapuleux. […] Aussi les voit-on, vous dis-je, disputer au théâtre, d’intelligence et de hardiesse avec les personnes faites. […] C’est presque toujours à une fin douloureuse et prématurée qu’aboutit la débauche, dont ces théâtres sont le foyer.
Saint Thomas d’Aquin, dont les mœurs valaient bien celles de Calvin et du Père Quesneli, Saint Thomas, qui n’avait jamais vu de bonnes Comédies, qui ne connaissait que des malheureux Histrions, devina pourtant que le Théâtre peut être utile : il eut assez de bon sens et de justice pour sentir le mérite de cet art, tout informe qu’il était : il le permit, et il l’approuva. […] La véritable Tragédie est l’école de la vertu ; et la seule différence qui soit entre les Théâtres épurés et les livres de morale, c’est que l’instruction se trouve dans la Tragédie toute en action, c’est qu’elle y est intéressante, et qu’elle se montre relevée des charmes d’un art qui ne fut inventé autrefois que pour instruire la Terre et pour bénir le Ciel, et qui par cette raison fut appelé le langage des Dieux.
[EN-TETE] Apologie du théâtre français APOLOGIE DU THÉATRE FRANÇAIS,Dédiée à Messieurs les Comédiens Français ordinaires du Roi. […] *** C’est un Molière exquis plein de sages maximes, Gai, badin, élégant, bon, moral, instructif ; L’ornement de la Scène et de chez nous natif ; Le soutien du Théâtre et le frondeur des crimes.
La morale du Théâtre est une morale licencieuse qui ne tient par aucun endroit à celle de l'Evangile. […] Les Pièces de Théâtre d'où cette licence est bannie, et où l'on réprésente les actions héroïques des anciens Grecs, et Romains vous paraissent-elles dangereuses ? […] Il dit que dans sa jeunesse, il avait une passion emportée pour les spectacles du Théâtre, dont les représentations étaient des expressions contagieuses de l'état de son âme.
De cette sorte, si nous l’en croyons la confession même où tous les péchés se découvrent, n’en découvre point dans les théâtres ; et il assure avec une confiance qui fait trembler, « qu’il n’a jamais pu entrevoir cette prétendue malignité de la comédie, ni les crimes dont on veut qu’elle soit la source »page 40. [« Lettre d’un théologien », page 40]. […] Quelle mère, je ne dis pas chrétienne, mais tant soit peu honnête, n’aimerait pas mieux voir sa fille dans le tombeau que sur le théâtre ? […] Quand ce ne serait que par tant de regards qu’elles attirent ; elles que leur sexe avait consacrées à la modestie ; dont l’infirmité naturelle demandait la sûre retraite d’une maison bien réglée : et voilà qu’elles s’étalent elles-mêmes en plein théâtre avec tout l’attirail de la vanité, comme « ces sirènes, dont parle Isaïe, qui font leur demeure dans les temples de la volupté »Is, XIII, 22.
J’avoue que cette licence effrénée d’un Particulier sans caractère, nourri dans nos Théâtres, qui ose faire publier à Paris un Libelle aussi monstrueux, contre une Nation dont il n’a qu’à se louer, m’a révolté ; et je n’ai pu m’empêcher de faire la critique de son Livre, malgré toute la faveur où sa façon d’écrire et la nouveauté des idées qu’il présente, le mettent aujourd’hui auprès du Public. […] Rousseau, pour le Théâtre, doit, ce me semble, être écouté dans cette cause, du moins autant que lui ; et je finis par une Lettre, que j’écrivis il y a bien des années, dont je retrouve par hasard le brouillon. […] Rousseau saura par cette petite Dissertation sur le Théâtre, qu’on a vu tout ce qu’il voit, mais qu’on l’a vu différemment : il pourra y remarquer aussi comment les gens vertueux se communiquent leurs idées, et que la douceur et la politesse sont les fidèles compagnes de l’honnêteté des mœurs.
Je crois que le but digne de la Tragédie, est d’élever notre âme par des vertus mâles, de la rendre amoureuse du beau, de lui donner de l’émulation par des exemples d’un aimable héroïsme, et de la tirer enfin d’un certain engourdissement qui n’est à présent que trop général ; je voudrais qu’une Pièce de Théâtre engageât par amour-propre chaque Auditeur à être aussi honnête homme que Scipion, à être aussi constant qu’Hannibal. […] Cependant je ne puis la regarder que comme une Poésie Pastorale, que comme un Poème vraiment digne de notre Opéra, où l’on n’observe d’autres lois que celle d’amollir notre cœur : mais je la trouve absolument déplacée au Théâtre de la Comédie, qui doit être considéré comme l’Académie de nos mœurs. […] [NDA] Qu’on ne dise point que l’amour est une loi du Théâtre Français.
L’acharnement des hommes au Théâtre, dit encore Saint Augustin, est une maladie de leur esprit. […] Vous voulez qu’il y rectifie ses passions, qu’il y trouve le secret de les adoucir : et moi je n’estime pas que le Théâtre ait plus de privilège que les Bourdaloue et les Massillon. […] Par ces Empiriques j’entends les Corneille et les Racine, qui prêchent la vertu, si vous voulez, mais une vertu de Théâtre, une vertu louche, et qui n’est point capable de déraciner les défauts des hommes. […] Ariane même, que j’ai quelque scrupule de nommer après le chef-d’œuvre du Théâtre, Ariane a bien accoutumé les Spectateurs aux frénésies de l’amour jaloux : c’est pour vous dire qu’on se fait toujours bonne composition sur ce qu’il y a de plus furieux dans un rôle tendre, et qu’on en détache l’odieux pour n’en prendre que le sensible, comme je pense l’avoir avancé dans ma Satire.
« Ce qu'il y a de plus tolérable, écrit Saint Augustin, ce sont les Comédies et les Tragédies, où les Fables des Poètes sont représentées parmi les Spectacles publics, avec quelques choses indécentes, mais sans aucunes paroles impudentes et dissolues, comme en beaucoup d'autres Jeux du Théâtre. […] des Théâtres, il ne parle que de la compassion qu'il avait pour les misérables que l'on représentait dans les Tragédies, et de laquelle il faisait lors son plaisir, disant qu'il était fâché lors qu'il en sortait sans être ému de douleur, et qu'il entrait dans les interdits des Amants, étant bien aise quand ils obtenaient ce qu'ils avaient désiré.
Je tais aussi l'abus qui se commet en souffrant les Comiques, et Jongleurs, qui est une autre peste de la République des plus pernicieuses qu'on saurait imaginer : car il n'y a rien qui gâte plus les bonnes mœurs, et la simplicité, et bonté naturelle d'un peuple, ce qui a d'autant plus d'effet, et de puissance, que les paroles, les accents, les gestes, les mouvements, et actions conduites avec tous les artifices qu'on peut imaginer, et d'un sujet le plus ord, et le plus déshonnête qu'on peut choisir, laisse une impression vive en l'âme de ceux qui tendent là tous leurs sens. brief on peut dire, que le théâtre des joueurs, est un apprentissage de toute impudicité, lubricité, paillardise, ruse, finesse, méchanceté. […] , qu'il faut bien garder les sujets d'aller aux jeux des comiques : il eût encore mieux dit, qu'il faut raser les théâtres, et fermer les portes de la ville aux joueurs : « quia, dit Sénèque, nihil tam moribus alienum, quam in spectaculo desidere.
Il me semble du moins que je puis appliquer au nouveau Théâtre ce Vers, tiré de l’Art Poétique : Il faut même en Chansons du bon sens & de l’art. […] J’ai cru pendant long-tems, je l’avoue à ma honte, qu’on pouvait composer un Poème pour le nouveau Théâtre avec autant de rapidité qu’on écrit des Chansons.
Permettez-vous à un homme qui s’intéresse vivement au mérite, de s’informer de l’état de votre fortune : il peut, sans incommoder la sienne, vous offrir les dons de l’amitié ; & si, comme on le dit, le Théâtre n’a pour vous que de faibles attraits, vous assurer l’indépendance. […] Un beau présent accompagnait ce Billet, qui me fut rendu hier, en sortant du Théâtre, par un homme qui me voit-tous les jours, & qui, non plus que son maître, ne m’a pas reconnue.
Les immodesties des tableaux sont condamnées par tous les passages, où sont rejetées en général les choses déshonnêtes : il en est de même des représentations du théâtre. […] ; on pouvait encore ajouter : il n’y a point de théâtres, il n’y a point de ces dangereuses représentations : ce peuple innocent et simple trouve un assez agréable divertissement dans sa famille parmi ses enfants : c’est où il se vient délasser à l’exemple de ses Patriarches, après avoir cultivé ses terres ou ramené ses troupeaux, et après les autres soins domestiques qui ont succédé à ces travaux, et il n’a pas besoin de tant de dépenses ni de si grands efforts pour se relâcher.
Mais vous vous accordez surtout dans la pensée que je suis un Poète de Théâtre, vous en êtes pleinement persuadés, et c’est le sujet de toutes vos réflexions sévères, et enjouées. […] Comment peut-on aller au Théâtre ? […] Pour les Pères, c’est à vous de nous les citer, c’est à vous, ou à vos amis de nous convaincre par une foule de passages que l’Église nous interdit absolument la Comédie en l’état qu’elle est, alors nous cesserons d’y aller, et nous attendrons patiemment que le temps vienne de mettre les Jésuites sur le théâtre. […] [NDE] Goibaud-Dubois : « Pour qui pensez-vous passer, et quel jugement croyez-vous qu’on fasse de votre conduite, quand vous offensez tous les juges en comparant le Palais avec le théâtre, la jurisprudence avec la Comédie, l’histoire avec la fable, et un très célèbre avocat avec un très mauvais poète ?
Et voilà qu’elles s’étalent elles-mêmes en plein Théâtre, avec tout l’attirail de la vanité, comme ces Syrénes dont parle Isaïe, qui font leur demeure dans Ch. […] … On y voit des femmes qui ont essuyé toute honte ; qui paroissent hardiment sur un Théâtre devant tout un peuple ; qui ont fait une étude de l’impudence ; qui par leurs regards & par leurs paroles, répandent le poison de l’impudicité dans les yeux, dans les oreilles de tous ceux qui les voient, qui les entendent ; & qui semblent conspirer par tout cet appareil qui les environne, à détruire la chasteré, à deshonnorer la nature, & à se rendre les organes visibles du démon.
Il y a donc dans le cœur des Spectateurs un Théâtre secret, où chacun est Acteur & joue sa propre passion ; & c’est ce qui donne le vif & le piquant au Spectacle ; c’est ce qui y porte avec tant d’ardeur. […] On les jouera donc sur le Théâtre secret de son cœur ; on éprouvera donc les atteintes du feu impur ; & cela peut-il être autrement dans le sein de la volupté ?
On accoutume son cœur à tout ; on lui apprend en secret à ne rougir de rien : on le dispose à ne pas condamner, à son égard, des sentiments qu’il a excusés et peut-être loués dans les autres ; enfin on ne voit plus rien de honteux dans les passions, dont on craignait autrefois jusqu’au nom, parce qu’elles ont toujours été déguisées sur le théâtre, embellies par l’art, justifiées par l’esprit du poète, et mêlées à dessein avec les vertus dans des personnes que la scène nous présente comme des héros. […] « Il est vrai que peu de personnes connaissent tout le danger des passions, dont on n’est ému que parce qu’on les voit ; mais ces passions ne causent guère moins de désordres que les autres, et elles sont encore en cela plus dangereuses, que le plaisir qu’elles causent n’est point mêlé de ces peines et de ces chagrins qui suivent les autres passions et qui servent quelquefois à en corriger ; car ce qu’on voit dans autrui touche assez pour faire plaisir, mais ne touche pas assez pour tourmenter : c’est en cela que consiste le danger du théâtre. […] Il arrête la cupidité de quelques-uns, lors même qu’ils s’y abandonnent ; et dans ceux qu’il punit selon la rigueur de sa justice, la passion qui occupe plus souvent le théâtre, je veux dire l’amour, n’est pas toujours le châtiment qui leur est préparé.
Enfin on ne voit plus rien de honteux, dans les passions dont on craignait autrefois jusqu’au nom, parce qu’elles ont toujours été déguisées sur le Théâtre, embellies par l’art, justifiées par l’esprit du Poète, et qu’elles ont été unies à dessein avec les vertus et le mérite dans des personnes que la Scène nous représente comme des Héros. […] C’est en cela qu’est l’artifice du Théâtre, et c’est aussi en cela que consiste l’illusion et le danger : car on ne se défie point de l’amour ni de l’ambition, quand on en fait que sentir les mouvements, sans en éprouver les inquiétudes ; et cela arrive toujours quand on n’en voit que l’image ; mais l’image ne peut plaire sans remuer le cœur, et ce mouvement qui l’amollit et le corrompt, a d’autant plus d’effet qu’il est plus doux, et qu’il avertit moins. […] Il arrête la cupidité de quelques-uns, lors même qu’ils s’y abandonnent ; et dans ceux qu’il punit selon la rigueur de sa justice, la passion qui occupe le plus souvent le Théâtre, je veux dire l’amour, n’est pas toujours le châtiment qui leur est préparé.
Je ne serais d’avis de réciter en plein Théâtre telles fables inutiles : néanmoins les gens de lettres les pourront lire particulièrement, pour en tirer et apprendre quelque sentence. […] [comme dit Scipion és livres de la République de Cicéron] les Comédies n’eussent jamais pu autoriser leurs vices, et dissolutions infâmes aux Théâtres, si la coutume de leur vie ne l’eût permis. […] Caton au Théâtre, elle cessa son geste et contenance qu’elle devait faire : et comme tous les assistants s’émerveillassent de cela, elle répondit :Note. Ce Caton rébarbatif et sévère est venu au Théâtre : déclarant par son dire, que la présence d’un seul personnage vertueux et d’autorité est de plus grande estime, que n’est l’applaudissement de toute une populace. […] Et partant que la Comédie soit chassée et bannie du Théâtre :On peut lire les Comedies à part et non les exhiber au peuple.
Et icelles lettres lues, les conclusions du procureur général du Roi, et tout considérécl, ladite cour, suivant lesdites lettres patentes et déclaration du Roi y contenue, a permis et permet, auxdits Le Royer et consorts impétrants d’icellescm, faire jouer et représenter en l’année prochaine ledit Jeu et mystère de l’Ancien Testament, bien dûment et ainsi qu’il est requis, et sans y commettre aucunes fraudes ou abus, soit pour interposer aucunes choses profanes, lascives ou ridicules, et à la charge que, pour l’entrée au théâtre, il ne prendront ou exigeront que deux sols tournoiscn pour chacune personne. Et ne tireront que pour le louage des loges étant à l’entour dudit théâtre, qui seront bien et dûment faites pour la sureté du peuple, queco trente écus, pour le plus de chacune d’icelles loges, durant ledit mystère.
Sans vanité, Messieurs, les louanges que l’histoire peut mériter sont légitimement redoublées sur nos personnes, vu que nous retirons de l’enfer ce que Pluton pensait être garroté dans ses plus profondes cavernes ; nous puisons dans les eaux ce que Neptune pensait avoir de plus caché, et nous faisons descendre de là-haut les Dieux immortels, trop heureux de paraître sur ce théâtre pour publier leurs amours, leurs batailles, et leurs trophées, qui n’emportent autre prix que votre bonne attention. […] Ce Comédien Romain était si naïf en ses personnages, et si violent en ses actions, qui semblaient requérir quelque affection, qu’il tua d’un coup de Sceptre un importun sur le Théâtre, rendant la comédie tragique, ou la tragédie plus funeste.
Les comédiens du troisième âge, ayant reçu leur institution du prince et des lois du royaume, ne sont point comptables de leur profession au clergé ; L’abjuration de cette profession, exigée par le clergé, est un véritable délit, parce que aucune autorité dans l’Etat n’a le droit de vouloir le contraire de ce qui a été créé et autorisé par les diplômes du prince et la législation du pays ; Le refus de sépulture, fait par le clergé aux comédiens, est encore un délit manifeste et réel, puisque c’est infliger une action pénale, imprégner un mépris public à une profession que le prince, les lois du royaume, les ordonnances de police ont instituée et régularisée ; et en cette circonstance l’outrage est non seulement fait à la personne et à la profession du comédien décédé, mais encore aux autorités suprêmes qui ont autorisé et commandé son exercice : voilà pour ce qui concerne l’état politique et celui de la législation ; c’est aux procureurs du roi qu’il appartient de faire respecter, par toutes les autorités existant dans l’Etat, ce qui a été institué et par l’action du prince et par le fait de la législation et des règlements de la police du royaume ; Le refus de sépulture est encore un autre délit envers les lois ecclésiastiques même, puisque, pour avoir lieu d’une manière canonique, il faut que les individus auxquels on veut l’appliquer aient été excommuniés, dénoncés dans les formes, et que jamais les comédiens du troisième âge ne se sont rencontrés dans cette catégorie ; Le clergé de France est d’autant moins fondé à frapper les comédiens de ses sentences exterminatoires, qu’il a lui-même aidé à leur institution, et que dans le principe de leur création les prêtres ont rempli des rôles dans les mystères que les comédiens représentaient ; que les obscénités, les scandales qui se pratiquaient alors dans les églises, ou dans ces comédies pieuses, étant tout à fait nuisibles à la religion, l’autorité séculière a fait défendre aux prêtres de remplir désormais des rôles de comédiens, et à ceux-ci de ne plus prendre leurs sujets de comédie dans les mystères de la religion ; Le clergé, dans l’animadversion qu’il témoigne contre les comédiens, signale son ignorance, son injustice, son ingratitude, et démontre en outre qu’il agit avec deux poids et deux mesures, ce qui est on ne peut pas plus impolitique pour un corps aussi respectable ; car on a vu que c’étaient des papes et des cardinaux qui avaient institué des théâtres tant en Italie qu’en France ; on a vu un abbé, directeur de notre Opéra à Paris, on a vu les capucins, les cordeliers, les augustins demander l’aumône par placet, et la recevoir de nos comédiens ; on a vu les lettres où ces mêmes religieux, prêtres de l’Eglise apostolique et romaine, promettaient de prier Dieu pour la prospérité de la compagnie des comédiens. […] On a vu des comédiens enterrés dans nos églises, tandis que d’autres n’ont pu obtenir de places dans nos cimetières ; et l’on voit journellement nos comédiens entrer dans nos temples, participer même aux exercices de notre religion, en même temps qu’ils exercent leur profession ; donc ils ne sont pas excommuniés dénoncés, car en ce cas ils devraient être exclus de l’église, et l’église purifiée après leur expulsion ; Les papes, les rois et tous les souverains de la chrétienté ayant institué des théâtres et des comédiens dans leurs Etats, pour le plaisir et l’instruction de leurs sujets, n’ont pas prétendu se damner eux et toutes leurs nations, par la fréquentation obligée qu’ils établiraient avec des excommuniés ; Le clergé usurpe sur l’autorité séculière en blâmant, en punissant, en damnant ce qu’elle a créé et institué ; Certaines processions et d’autres cérémonies religieuses, pratiquées par le clergé, sont infiniment plus obscènes, plus coupables, plus nuisibles à la majesté de notre sainte religion que l’exercice de la comédie ; Le clergé qui veut anéantir une profession que les princes et les lois ont instituée, prétexte la rigueur des anciens canons des conciles, et il oublie lui-même, en ce qui lui est propre et absolument obligatoire, ce que ces mêmes canons ont dicté et voulu ; circonstance qui met l’auteur dans la nécessité de les lui rappeler ; La puissance séculière doit veiller avec d’autant plus de soins à ce que le clergé ne s’éloigne pas des devoirs qui lui sont imposés par la discipline ecclésiastique, que c’est l’oubli de ces mêmes lois, au dire de notre roi, Henri III, qui a porté le clergé à faire ensanglanter son trône, et à bouleverser ses Etats ; que l’expérience du passé doit toujours servir de leçon pour l’avenir ; Le prince étant le protecteur né des canons des saints conciles, ainsi que l’Eglise le reconnaît elle-même, doit surveiller tant par lui que par ses délégués l’exécution de ce qu’ils ordonnent, afin que la religion ne perde rien de son lustre et des dogmes de son institution, parce qu’il est utile que les ministres du culte donnent eux-mêmes l’exemple de cette conformité aux saints canons, afin d’y amener successivement les fidèles commis à leur instruction ; les procureurs du roi, les préfets, les sous-préfets et les maires qui sont les délégués du prince, tant en ce qui concerne la justice que la police du royaume, doivent, avec tous les procédés convenables en pareils cas, faire sentir aux prêtres qu’ils ont sur eux une suprématie d’action, qui est assez forte pour les faire rentrer dans les lois de la discipline de l’Eglise, s’ils commettaient la faute de s’en écarter.
Quand on connaît les obligations et l’essence du christianisme, on sent que des représentations si obscènes ne peuvent s’accorder avec sa pureté ; qu’on ne peut participer à la table des démons et à celle du Seigneur, et que Bélial ne peut être adoré sur le même autel avec Jésus-Christ. » « Je ne connais pas, dit un auteur, d’esprit plus opposé à l’esprit du christianisme que l’esprit du théâtre ; j’en ai peut-être été aussi entêté qu’un autre, mais j’avoue, à ma confusion, que je n’ai jamais été moins chrétien que pendant cet entêtement. […] « Le démon, dit Tertullien, ne conduit plus aux temples des idoles, mais au théâtre, où l’on voit des statues animées, des idoles vivantes, qui s’étudient par tous les charmes à séduire le cœur et à le faire apostasier.
cela seul ne suffit il pas, pour fuir le Théâtre, où l’on aprend tant de leçons de railleries, & d’impieté ? […] C’est aussi pour cela, que l’on court volontiers au théâtre, où l’on voit si bien faire ce personnage, & d’où l’on tire de si belles leçons : Theâtre mal-heureux, sur lequel on a veü naître de nos jours, quelque chose de pis, que ce qu’avoit celuy des Romains, où la pieté n’estoit pas tant décriée par les infidelles, qui l’ignoroient, qu’on l’a veuë l’estre aujourd’huy par des Chrêtiens, qui la connoissant, en ont fait leur fable & leur divertissement ! Et puis, Madame, vous penserez aprés cela, que le Théâtre peut estre bien innocent ? […] Mais, comme vous pourriez vous reretrancher, en me disant deux choses, & que ces piéces ne se joüent pas tous les jours, pour soüiller toûjours le Théâtre, & que toutes les personnes, qui ont plus de Christianisme, ont coûtume de s’en abstenir ; je vous l’accorde, quoy que cela se pourroit assez disputer.
On voit dans les descriptions qui nous restent des trois Temples de Jérusalem, de Garisim ou de Samarie, & d’Alexandrie, qu’une des parties de ces Temples était formée en espèce de Théâtre, auquel les Juifs donnaient le nom de Chœur : cette partie était occupée par le Chant & la Danse, qu’on y exécutait avec la plus grande pompe dans toutes les Fêtes solennelles. […] Ainsi dans toutes les Eglises, on pratiqua un terrein élevé, auquel on donna le nom de Chœur ; c’était un espèce de Théâtre séparé de l’Autel, tel qu’on le voit encore à Rome, dans les Eglises de Saint-Clément & de Saint-Pancrace. […] Malgré tous ces avantages, nous ignorerions peut-être qu’ils eussent existé, & leurs contemporains eussent été privés d’un genre qui fit leurs délices, sans la protection signalée qu’Auguste accorda à leurs Théâtres & à leurs compositions.
Quelle indignité, de mettre le théâtre en parallèle avec l’Evangile, et de comparer la parole d’un Comédien avec celle de Dieu ! […] Vous prêchez contre la Comédie, me dit un jour un homme qui avait été parmi les Acteurs sur le théâtre, vous avez bien raison : elle fait commettre cent fois plus de crimes que vous ne pouvez imaginer.
Je suis bien éloigné de pallier la vérité, au sujet des dangers de la profession de comédien, sous le rapport des mœurs ; mais je dirai que, d’un côté, le souverain, par ses ordonnances, et en confiant à ses agents, la surveillance des théâtres, a suffisamment pourvu aux mesures nécessaires, pour prévenir les abus qui pourraient naître de l’exercice de l’art théâtral. […] Je ne dois pas non plus oublier ceux qui se dévouent au culte de la musique et de la danse, et qui sur le théâtre, nous délassent et nous ravissent.
Du principal motif de la Réformation du Théâtre. […] S’il nous est ordonné de ne pas donner de mauvais exemples à la jeunesse, c’est parce que les enfants, n’ayant pas assez de lumière pour juger des choses par eux-mêmes, ni assez de force pour combattre leurs désirs, se laissent entrainer par les impressions de l’exemple, et ne peuvent, pour ainsi dire, éviter de se corrompre, si les exemples, qu’ils ont devant les yeux, sont mauvais : ajoutons que les Grands, les personnes élevées en dignité, les vieillards, etc. ont un grand ascendant sur l’esprit des enfants par le respect qu’on leur inspire pour eux, et que leur faiblesse leur fait naturellement concevoir : ainsi, lorsqu’ils voient assister au Théâtre toutes ces personnes respectables, ils ne peuvent s’empêcher de prendre, pour les Spectacles, un goût et un attachement proportionnés à l’idée avantageuse qu’ils se sont formés des Spectateurs.
Les grandes situations, les beaux mouvemens, les coups de théâtre, ne passent pour beautés, que parce qu’ils sont des émanations de l’esprit général. […] En privant le Comédien du mérite de l’analyse, de la discussion, des finesses de l’art, des coups de théâtre, & d’une intelligence supérieure ; nous ne faisons que le rendre à lui-même. […] Il y a sur le Théâtre beaucoup de caractères vicieux.
Mais j’ôse le dire, nous restreignons trop les sujets de la Comédie, en n’ayant pas actuellement la hardiesse de mettre sur le Théâtre des femmes mariées, trompant la foi conjugale, ou du moins dont la conduite mérite d’être reprise. Cette petitesse qui n’a de force que par le préjugé, est cause que les Auteurs sont souvent fort embarrassés, & prive notre Théâtre comique de situations éxcellentes, de caractères nouveaux, saillans.
Je vois depuis quelques jours sur notre Théâtre, une Jeune-personne toute charmante, si ressemblante à madame D’Alzan, que sans l’impossibilité, j’aurais cru que c’était elle-même. […] Mais sa modestie, ô mon ami, sa modestie.… Du Théâtre, elle s’est fait un Temple, que chaque Spectateur craint de profaner ; on n’entend plus l’aigre sifflement de l’envie, & l’incommode trépignement de la cabale : le Public, sur son compte, pense comme moi, & craint de rien perdre de ce qu’elle dit.
La violence ou l’énergie déplacée, les contre-temps, les doubles ententes, le vague, les traits envenimés, les tableaux et les tours ingénieux, les attraits licencieux, l’éclat, la coquetterie, si je puis parler ainsi, en un mot, l’art séduisant des critiques du théâtre dont la malignité est en effet le moyen ordinaire, souvent le principe, depuis long-temps a produit cet effet, en attirant et captivant la foule qu’il a agitée à l’excès et égarée. […] Il est vrai que depuis ce temps-là on a dit le plus éloquemment, et d’après l’expérience aussi, tout ce qu’il était possible de dire des effets du théâtre sur le cœur ; mais il me semble qu’il reste encore quelque chose à dire de ses effets sur la tête ; c’est-à-dire de l’influence de ses critiques vagues des personnes sur l’esprit et le jugement. C’est sous ce point de vue, particulièrement, que je considérerai l’action du théâtre ; je rappellerai cependant et confondrai avec les miennes, pour les fortifier les unes par les autres, une partie des raisons apportées et déjà bien répétées contre cette institution dans son état actuel.
Faut-il s’étonner si tant d’acteurs et d’actrices ont expiré sur le théâtre, si tant de spectateurs y éprouvent des évanouissements et des nausées violentesbh ? […] Les plus beaux théâtres du monde n’ont rien de comparable au spectacle de la nature : l’or, dont la main de l’homme les a décorés, s’éclipse devant les feux célestes ; ils ne brillent plus que de leur clarté réfléchie. […] « Ce spectacle, mûrement examiné, apportera la réforme dans les mœurs que le théâtre a corrompues, il inspirera du dégoût pour les amusements profanes.
Au sujet d’un Ouvrage écrit pour la défense du Théâtre.
Et quant à ce que David dansa devant Dieu, n’aide en rien les Chrétiens fidèles, qui sont assis sur le Théâtre. […] Il n’y a théâtre humain tant beau et somptueux soit-il, qui puisse être égalé aux œuvres de Dieu. Y a-t-il Théâtre fait et bâti de main d’homme, qui puisse estre comparé à ces œuvres ? […] Il n’y a théâtre humain tant beau et somptueux soit-il, qui puisse être égalé aux œuvres de Dieu.
Roi de Portugal qui fut déposé pour ses crimes & sa folie, & relegué dans les Isles Terceres, étoit trop libertin pour n’être pas fou du théâtre : entr’autres folies, il faisoit représenter des comédies jusques dans le chœur des Religieuses. Il y faisoit dresser un théâtre, y menoit des comédiens, y assistoit avec ses favoris, & vouloit que les Religieuses y assistassent. […] Hist. du Portugal; Le Pape Innocent XI, conduit par son zele & par sa piété, fit un réglement très-sage pour les théâtres de l’état ecclésiastique, qu’on y tolere comme les courtisanes : il défendit aux femmes de monter sur le théâtre : c’étoit l’usage des Grecs, qui n’eurent jamais des actrices. […] On avoit condamné Bellarmin, Santorelli, Suarês ; le ressentiment faisoit seul agir le théâtre. […] Quel plus beau présent à faire à un philosophe algebriste, qu’une piece de théâtre, surtout quand elle prêche la tolérance du paganisme, & quelque criaille contre la réligion ?
Que celui qui est attaché aux Spectacles du Théâtre, quitte cet attachement, ou qu'il ne soit point admis à recevoir le Baptême.
J’ ai lu, par ordre de Monseigneur le Vice-Chancelier, un Manuscrit intitulé : De l’Art du Théâtre en général, &c.
J’ai lu par l’ordre de Monseigneur le Chancelier, La Critique du Théâtre Anglais, et j’ai cru que la lecture n’en serait ni moins utile ni moins agréable en France qu’elle l’a été en Angleterre.
Si un Evêque, ou un Ecclésiastique assistent aux Spectacles du Théâtre, qu'on leur interdise la fonction de leur ministère pendant trois ans, et qu'on les enferme dans un Monastère.
[FRONTISPICE] Discours sur la comédie ou Traité historique et dogmatique des Jeux de Théâtre et des autres Di-vertissements Comiques soufferts ou con-damnés depuis le premier Siècle de l’E-glise jusqu’à présent.
[NDE] Ce texte est publié par Joseph Voisin, La Défense du traitté de Monseigneur le Prince de Conti touchant la comédie et les spectacles, ou la Réfutation d’un livre intitulé Dissertation sur la condamnation des théâtres, Paris, Louis Billaine, 1671, p. 471-482.
Un Chrétien ne doit avoir aucun commerce avec les folies du Cirque, avec l'impudicité du Théâtre, avec les cruautés de l'Amphithéâtre, avec la barbarie des Gladiateurs, avec l'infamie des Jeux de Flore ; C'est renoncer à Dieu que de s'amuser à ces vanités ; c'est se rendre prévaricateur de la Foi chrétienne que de rechercher après le Baptême les choses auxquelles on a renoncé en le recevant ; c'est à dire le Diable; ses Pompes, et ses œuvres.
Considérations sur l’art du Théâtre. […] On peut définir l’art du Théâtre, l’art de peindre les passions, en représentant leurs effets. […] C’est le caractere opposé à l’homme sans foiblesse, que vous reprochez à notre théâtre de ne pouvoir rendre intéressant. […] Si vous pouviez réformer toutes nos pieces de théâtre dans ce goût-là, j’ose vous assurer que vous n’auriez pas long-tems à déclamer contre nos spectacles, que vous rendriez bientôt déserts. […] L’art du Théâtre étant bon par lui-même, il ne peut être deshonnête d’en exercer la profession.
Voudroit-on encore faire un dernier effort pour soutenir le Théâtre, & prétendre que la nécessité où nous sommes de prendre quelque délassement le rend permis ?
Les observations répandues dans ce dernier Livre tendent à lier plus intimement la Musique à la Poèsie, ces deux Arts considérés au Théâtre.
On ne peut donc nier que les Comédies et les Romans ne soient contraires aux bonnes mœurs, puisqu'ils impriment une idée aimable d'une passion vicieuse, et qu'ils en font une qualité héroïque, n'y en ayant point qui paraisse davantage dans ces héros de théâtre et de roman.
Réglez, dit le Sage, tout votre corps de telle sorte, que nous n'employons point pour faire le mal, les mêmes membres ont nous nous servons pour faire le bien : Comme s'il disait, je vous prie que ces pieds dont vous vous servez pour aller au Temple de Dieu, ne soient point employés pour aller aux Jeux du Théâtre, et aux Spectacles infâmes.
Vous avez tort, M. de Molière : il fallait que le père fût absolu, qu’il parlât toujours sans que le fils osât lui dire mot, que la religieuse, bien loin de paraître sur un théâtre, fit dans son couvent une pénitence perpétuelle de ses péchés, et cet athée supposé n’en devait point échapper ; ses abominations, toutes feintes qu’elles étaient, méritaient bien pour leur mauvais exemple une punition effective. […] Il a fait l’un et l’autre, ou du moins il a tâché de montrer aux méchants la nécessité qu’il y a de ne le point être, et le foudre que l’on entend sur le théâtre nous assure de la bonté de son avertissement. […] Et puisque chacun sait que le théâtre n’a point été destiné pour expliquer la sainteté de nos mystères et l’importance de notre salut, ces sages réformateurs si fort zélés pour notre foi n’ont-ils pas mauvaise grâce de blâmer la comédie, parce que les méchants la peuvent voir sans changer d’inclination ?
Il est donc vrai que les leçons qu’on prend au Théâtre font des impressions réelles, quoiqu’elles ne soient pas toujours apperçues.