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4. (1661) Le monarque ou les devoirs du souverain « SIXIEME DISCOURS. Si le Prince peut apprendre les Arts Libéraux, comme la Peinture, la Musique, et l’Astrologie. » pp. 195-201

C’est bien assez qu’il l’écoute sans qu’il l’exerce, et qu’il en juge sans qu’il s’expose comme Néron au jugement que le peuple faisait de sa voix. […] Le Souverain doit avoir plus de soin d’accorder ses intérêts avec son devoir, et ses passions avec sa raison, que sa voix avec son Luth. […]  » Partisans de la Musique ne manqueront pas de me dire que le Roi David l’a aimée ; que sa main qui étouffait les Lions et qui domptait les Géants, touchait agréablement une Harpe, et qu’il n’a guère moins fait de miracles avec sa voix qu’avec son épée. […] Augustin, ne chantait pas pour se divertir, mais pour louer Dieu, et il consacrait sa voix en la faisant servir à la piété. Si bien qu’il y avait de la Politique dans son harmonie, et pendant qu’il accordait son Luth avec sa voix, il songeait à réunir les esprits de ses Sujets, et à mettre une parfaite tranquillité dans son Etat.

5. (1769) De l’Art du Théâtre en général. Tome II « De l’Art du Théâtre. — Chapitre premier. De la Musique. » pp. 125-183

C’est la science de former par une combinaison de bruits ou d’accords différens ; & par la variété de la voix humaine, une harmonie complette. […] En chantant on élève beaucoup plus la voix que lorsqu’on s’éxprime ordinairement. […] La voix légère & déliée des femmes approcha davantage de la délicatesse de leur chant. […] Néron voulut bien s’assujettir à suivre certain régime, afin de se conserver toujours la voix fléxible & belle. […] Il est vrai qu’on peut avoir une très-belle voix, & aimer la vertu.

6. (1666) Dissertation sur la condemnation des théâtres « Disseration sur la Condemnation, des Théâtres. — Chapitre VIII. Erreurs des Modernes sur ce sujet. » pp. 165-186

« Les Jeux Scéniques apportèrent sur le Théâtre de Rome environ quatre cents ans après sa fondation des danses bouffonnes, au son de la Voix et des Instruments, mais sans réciter aucun vers ni représenter les actions par aucun art réglé de gesticulations ingénieuses. […] Il n'y a point de voix capable de le faire, ni de corps assez fort pour souffrir cette violence. Aussi quand pour avoir été rappelé trop souvent sur la Scène par le peuple, sa voix devint rauque et désagréable, il fut obligé de se faire assister d'un jeune garçon qui chantait les vers qu'il lui fallait représenter, et d'un Musicien qui touchait quelque instrument, et ne se réserva que la Danse qui se trouvait plus libre, ne s'occupant qu'à faire ses postures ingénieuses qui représentaient le sens des paroles, en quoi il était merveilleux, ce qui passa depuis en coutume. […] Et Quintilien remarque en parlant de Démétrius qu'il représentait excellemment les honnêtes femmes, et celles qui avaient de l'âge avec de la gravité, parce qu'il avait la voix agréable, et une adresse particulière à remuer les mains, à faire les exclamations à faire ses gestes du côté droit, et faire paraître sa robe en entrant comme pleine de vent, à quoi sa taille et son port servaient beaucoup. […] Luceïa donc était une Mime ; c'est dire une Joueuse de ces petites pièces de Poésie, contenant quelques Fables ou quelques Moralités que l'on nommait aussi Mimes, et qui se dansaient avec la voix et les Instruments assez souvent par des hommes et par des femmes toutes « Luceïa Mima centum annis in scena pronuntiavit, Galéria Copiola Embolaria reducta est in scenam centesimum quartum annum agens pro miraculo. » Plin. l. 7. c. 48.

7. (1758) Causes de la décadence du goût sur le théatre. Première partie « Causes de la décadence du goût sur le théâtre. — Chapitre XIV. De l’usage de composer des Pièces, ou des Rôles pour un ou plusieurs Acteurs. » pp. 219-233

Mademoiselle Chanmêlé, cette brillante Elève de Racine, avoit une voix sonore, pleine & harmonieuse même dans le haut. […] Le Couvreur, qui lui a succédé, n’avoit pour les mêmes rôles qu’une voix sourde, & d’une petite étendue. […] Elle avoit rendu sa voix non-seument intelligible, mais encore attendrissante. […] L’autre par des infléxions bien ménagées, par des sons proportionnés au volume de sa voix, triomphoit du spectateur, comme d’elle-même. […] Les autres affectoient le ton le plus bas, parloient d’une voix d’homme, & leurs tons étoient rauques & lugubres.

8. (1769) De l’Art du Théâtre en général. Tome II « De l’Art du Théâtre. — Chapitre III. De la Musique Française & Italienne. » pp. 252-286

En un mot, le chant dans le goût Italien ressemble plutôt à des cris qu’aux accens naturels de la voix ; on ne le retient qu’avec beaucoup de peine ; on ne peut le faire valoir qu’après une pénible étude. […] Si la voix commence seule, l’instrument répète en écho le chant ; ce chant bisarre roule de corde en corde, de ton en ton, de mode en mode, & l’on ne saurait dire à la fin de quel mode il est. […] Ils sacrifient les èxpressions aux ports de voix, & la beauté même de la voix, que les accompagnemens doubles & triples étouffent à la vîtesse, à la légèreté de la main de celui qui accompagne ». […] Disons à la louange des Italiens, que leurs accompagnemens ne couvrent pas les voix autant que les nôtres ; ils ont soin que la voix soit toujours de beaucoup au-dessus des instrumens. […] On serait moins surpris de son peu d’attention à laisser entendre la voix du Chanteur, si l’on ne savait qu’il est composé d’habiles Musiciens.

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