La morale d’Alcuin n’étoit pas goutée au Concile d’Antioche, on y condamna Paul de Samosates, non-seulement à cause de ses hérésies sur la Trinité & sur l’Incarnation, mais encore à cause de son faste, quoique la qualité de Patriarche d’Antioche, & le rang qu’il tenoit à la Cour de Zénobie, parussent l’autoriser à vivre en courtisan. […] Vous êtes bannis de votre patrie, esclaves du péché, & au lieu de la sueur, du travail, de la pâleur, de la pénitence, vous vivez dans le faste & dans les délices, vincula captivi non monitia regnantis vestes exulis non triumphantis, sudor non nitor . […] Les trois quarts de la Chrétienté vivent tous les jours de fiel & de larmes, abandonnés & misérables dans l’oppression, tandis que les autres régorgent dans les excès de bouche, font nager leurs crachats dans l’or, se mirent dans l’éclat de leurs habits, & sont toujours dans les mignardises, vivent dans les parfums exquis, sans se soucier de l’affliction des pauvres, ingredientes pompaticè Domum Israel optimis unguentis delibuti nihil patiebantur super contritionem Joseph . […] Caussin étoit éloquent, savant, grand homme de bien, & d’une probité à toute épreuve ; il a fait divers ouvrages qui supposent beaucoup d’érudition & de génie, il a prêché avec le plus grand succès ; ses belles qualités firent sa fortune & sa disgrâce, il fut Confesseur de Louis XIII, goûté du Prince, estimé de toute la Cour ; mais n’ayant pas voulu se prêter auprès de son pénitent, aux intrigues du Cardinal de Richelieu, qui pour régner seul avoit causé & entretenoit la division dans la famille royale ; il fut exilé au fond de la Bretagne, & ne revint à Paris qu’après la mort du Cardinal, il vécut & mourut dans la plus haute estime ; entr’autres ouvrages il avoit donné la vie de la B.
Comme il n’y a point eu de siècle plus fécond en bien et en mal que celui où nous vivons, il n’y en a point eu aussi où l’on ait tant fait valoir les bonnes et les mauvaises choses. […] A Dieu ne plaise qu’il soit de ces Esprits rustiques et peu sociables qui s’opposent à des plaisirs « innocents », tels que sont ceux de la Comédie. « Il sait vivre » : et au fond rien ne lui paraît plus élevé que les grands sentiments d’une vertu Stoïque ; rien de plus naturel que la tendresse d’un cœur qui brûle d’un beau feu ; rien de plus légitime que les autres passions qui naissent d’une haute ambition, et d’un amour bien allumé. […] Les Bouffons promettaient d’exterminer le vice à force de le représenter dans leurs Comédies : et les sérieux promettaient de faire vivre la vertu à force d’en faire voir l’éclat dans leurs pompeuses Tragédies : tous aveugles qui ne voyaient pas que le vice leur était devenu naturel, et que la vertu n’était pas à leur portée. […] Il est vrai qu’Albert le Grand considère la Musique et la Danse selon l’usage que David et la sœur de Moïse en faisaient ; et que notre Théologien a pour objet des jeux, où l’esprit du Monde et les passions triomphent : mais Albert le Grand a parlé de jeux, de danses, de Spectacles, c’est assez pour appuyer le Théâtre, et laisser vivre sans remords les Comédiens. […] Nos prédicateurs qui parlent comme les Pères ne « savent pas vivre ».
A la mort du Duc d’Orléans il obtînt son rappel en France, & on le laissa vivre & mourir tranquillement dans le sein de sa famille. […] Celui-ci étoit un homme poli, accoutumé à vivre avec les grands & dans la meilleure compagnie. […] Il connoissoit le monde, au milieu duquel il avoit vécu ; il avoit de la sagacité pour sonder les cœurs & demêler les sentimens ; ses emplois l’avoient mis dans la nécessité d’étudier, de pénétrer les hommes, & ses amours à portée de connoître les femmes ; ainsi ses caracteres, quoique souvent trop chargés, sont vrais & justes. […] Tous les Musiciens de l’Opéra sont comme les Poëtes, ou des gens voluptueux qui n’ont vécu que pour leur plaisir, ou de vils & bas mercénaires qui ont gagné leur vie à faire le plaisir des autres ; ce qui ne fait l’éloge ni de leur sainteté, ni de la sainteté du théatre qui les a perdus, & engloutis dans les vices, ou les en a rendus les agens & les objets.
« La Comédie étant devenue toute honnête, ceux qui la représentent et qui vivent honnêtement d’ailleurs, doivent sans difficulté être mis au nombre des honnêtes gens. »p. 34. […] Sont-ce là les gens qu’il dit vivre si honnêtement ? appelle-t-il vivre honnêtement employer son esprit et mettre tout son temps et sa peine aux jours mêmes qui sont consacrés au service divin, à apprendre son rôlet, à compasser ses pas, et à étudier ses gestes, ses postures et son ton de voix, pour s’imprimer dans le cœur les passions qu’ils veulent faire ressentir à leurs spectateurs ? […] Est-ce là ce qu’il appelle vivre honnêtement ?
Dans mon sort ravalé je sais vivre en Princesse ; Je suis l’ambition, mais je hais la faiblesse, etc. » §. […] En un mot, il prétend vivre dans un entier libertinage. Son père a grand tort d’entreprendre de lui faire des remontrances, et de lui dire qu’il doit se souvenir de son nom et de sa naissance, corriger ses mœurs, et vivre en homme de bien. […] Elle va du lit à la table, de la table au jeu, aux visites, et à l’Opéra ; et l’on appelle cela vivre à la grandeur.