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74. (1759) L.-H. Dancourt, arlequin de Berlin, à M. J.-J. Rousseau, citoyen de Genève « CHAPITRE I. Où l’on prouve que le spectacle est bon en lui-même et par conséquent au-dessus des reproches de M. Rousseau. » pp. 13-64

Ils transforment au contraire cette passion en sentiment, ils veulent toujours qu’elle soit subordonnée à la Vertu, qu’elle soit justifiée par le mérite et la sagesse de la personne aimée : si cette passion est telle dans les mœurs des Français, assurément les Auteurs auraient grand tort de la peindre comme criminelle, mais si cette passion n’est pas encore telle et n’est qu’un tribut que les Auteurs imposent aux cœurs bien faits en faveur de la Vertu, loin de changer les mœurs, ils veulent apprendre ce qui manque à leur perfection. […] […] A l’égard du reste, comme je vous ai dit, ayez de la vertu, aimez l’honneur plus que la vie, et vous serez dans l’ordre. […] Il est résulté du pouvoir des lois que le vice a été contraint d’abandonner la scène et que les Auteurs Dramatiques n’ont plus eu de ressource que d’y faire paraître la Vertu. […] Or nos Auteurs veulent plaire, ils doivent s’assujettir à son goût : ce n’est donc qu’après avoir reconnu ce goût qu’ils se permettent de lui donner des pièces qui respirent la Vertu. Le Public applaudit ces pièces, donc il a du goût pour la Vertu, donc les Auteurs font bien et très bien de se soumettre à ce goût et de recevoir la loi du Public.

75. (1760) Critique d’un livre contre les spectacles « FRAGMENT D’UNE LETTRE A ME. DE ****. SUR LES SPECTACLES. » pp. 82-92

Je crois que le but digne de la Tragédie, est d’élever notre âme par des vertus mâles, de la rendre amoureuse du beau, de lui donner de l’émulation par des exemples d’un aimable héroïsme, et de la tirer enfin d’un certain engourdissement qui n’est à présent que trop général ; je voudrais qu’une Pièce de Théâtre engageât par amour-propre chaque Auditeur à être aussi honnête homme que Scipion, à être aussi constant qu’Hannibal. […] L’amour est pour lui un sentiment tellement attrayant, qu’on peut l’amener aux vertus les plus difficiles, en se servant habilement de cette passion. […] Un Auteur ne se rendrait-il pas plus estimable, s’il nous faisait aimer la vertu par la vertu même ? […] Il me semble qu’il serait aussi naturel et plus touchant encore, que l’amour rappelât un criminel à la vertu, que d’entraîner dans le crime un cœur plein de candeur et d’innocence.

76. (1760) Lettre à M. Fréron pp. 3-54

Tous les suffrages de la bienséance et de la vertu purement humaine, ajoute Mr.  […] Réformons les abus, rien n’est plus facile, je le répète, et gardons nous de rejetter un moyen que la Providence nous accorde de rendre la vertu précieuse, aimable et facile à pratiquer. […] Puissent les cruautés de ces barbares ne pas altérer dans le cœur des peuples les tendres sentiments que les vertus de ce grand Monarque y ont si justement imprimés. […] Ce n’est pas seulement aux charmes extérieurs, c’est à la vertu, c’est au mérite, aux talents, qu’il faut donner la préférence. […] Plût au ciel que pour le bien de l’humanité tous les hommes fussent aussi poltrons que moi et que la peur devint une vertu.

77. (1776) Réflexions morales, politiques, historiques et littéraires sur le théatre. Livre dix-neuvieme « Réflexions morales, politiques, historiques et littéraires sur le théatre. Livre dix-neuvieme. — Chapitre V. Autres Mêlanges. » pp. 121-140

Qu’importe, le peuple comme le grand n’a besoin que de Théatre : l’aimer, c’est avoir toutes les vertus ; il en est la vraie école. […] Les planches du Théatre françois ne sont pas dans le fond d’un autre bois que celles des trétaux, ni les vertus de ses actrices plus inexpugnables ; & si la raison & la vertu incessamment repoussées par des Histrions jaloux, pouvoient se donner un libre effet, elle s’éleveroit en peu de temps au-dessus d’un ancien Théatre qui néglige ses premieres richesses & voile toutes les regles. […] Le choix d’un tel Auteur, tant de travail pour mettre entre les mains de tout le monde un ouvrage dangereux, fait-il l’éloge de la religion, de la sagesse, de la vertu de son auteur ? Le Cardinal de Polignac a fait pour combattre Lucrece un ouvrage immortel qui vaut mieux lui seul que sa traduction & ses farces n’en font à Moliere : la vraie gloire n’appartient qu’à la vertu. […] Ils ont placé ce buste sur un piédestal dans le Foyer : c’est le Temple de la Gloire & de la Vertu.

78. (1763) Réflexions sur le théâtre, vol. 1 « CHAPITRE IX. Sentiments de Saint Augustin sur les Spectacles. » pp. 180-198

Augustin à la lecture de l’Enéide, sont des péchés et des folies, de pareilles larmes à la représentation de Didon sont-elles des vertus ? […] Cet homme, dont la vertu si unanimement reconnue doit nous être toujours présente, empêcha le Sénat de bâtir un théâtre, et par un discours très sage de laisser énerver et corrompre les mœurs pures d’une ville guerrière, en introduisant le luxe et les spectacles des Grecs. […] Si vos Dieux étaient des Dieux véritables, ils vous donneraient des règles de mœurs et de vertu. […] Mais les hommes pervers et rebelles mettent la félicité dans la magnificence des bâtiments, sans prendre garde à la ruine des âmes, ils bâtissent des théâtres, et renversent les fondements des vertus. […] Il n’y en a pas un qui agisse par amour de la vérité, de la science, de la vertu.

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