Je pense, et je suis en cela d’accord avec les Auteurs les plus graves, que la vertu est, en grande partie, l’ouvrage de l’éducation, et qu’elle est principalement inspirée par les exemples et les préceptes.
Si ces Pièces ne nous enseignaient que la vertu et une bonne morale, la Comédie pourrait être généralement goûtée et représentée sans scrupule, non seulement par les Comédiens de profession, mais par des personnes de tout état.
Si les intérêts particuliers s’anéantissent devant l’intérêt public, si l’on fait aux préjugés cette guerre ardente & vigoureuse, digne du Peuple qui s’assemble, & du siècle qui voit s’opérer une aussi grande révolution, alors le nom de François deviendra le plus beau nom qu’un Citoyen puisse porter ; alors nous verrons s’élever des vertus véritables ; alors le génie, sans cesse avili par le despotisme, reprendra sa fierté naturelle. […] Je serai toujours persuadé que le but de ce genre si important est de faire aimer la vertu, les loix & la liberté, de faire détester le fanatisme & la tyrannie. Si cela est incontestable, il est aussi incontestable que le vrai moyen de faire aimer la vertu, que le vrai moyen de faire détester le fanatisme & la tyrannie, c’est de les représenter fidèlement. […] Ainsi, dans la ferme résolution où je suis de faire servir au bien de ma Patrie les foibles talens que j’ai reçus de la nature, je représenterai dans mes Tragédies, le plus énergiquement qu’il me sera possible, & les vertus & les vices des hommes qui sont livrés au jugement de l’Histoire.
Cet homme unique dans son genre n’eut pas le courage de tout sacrifier à la vertu & à la religion. […] Son élégance & son libertinage ont fait sa fortune & les gémissemens de la vertu. […] Ce n’est que fable sur fable : on ne peut rien apprendre au Théatre, ni l’histoire, ni la mithologie, encore moins la religion & la vertu ; ce n’est que mensonge & libertinage. […] La vertu se flatteroit vainement d’allumer un si beau feu.
Oui, mes chers auditeurs, il y a autant de distance entre le sommeil, ou plutôt l’assoupissement momentané de la raison, et la sale et dégoûtante ivrognerie, qu’entre la volupté que l’on goûte au sein d’un heureux ménage, et l’infâme débauche ; qu’entre les vertus et la bienfaisance de notre Fénelon, de notre Vincent-de-Paul, et l’atroce charité d’un Saint-Dominique et de ses disciples. […] « Pour toute ambition, pour vertu singulière, Il excelle à conduire un char dans la carrière ; A disputer des prix indignes de ses mains ; A se donner lui-même en spectacle aux Romains ; A venir prodiguer sa voix sur un théâtre ; A réciter des chants qu’il veut qu’on idolâtre, Tandis que des soldats, de moments en moments, Vont arracher pour lui des applaudissementss. » Dans quelle chaire la majesté de Dieu a-t-elle été présentée avec plus d’éclat et de grandeur que dans ces vers prononcés sur le théâtre, et que le poète a mis dans la bouche d’Esther, parlant à Assuérus. […] Ainsi, de piège en piège et d’abîme en abîme, Corrompant de vos mœurs l’aimable pureté, Ils vous feront enfin haïr la vérité ; Vous peindront la vertu sous une affreuse image. […] Cet Alceste d’une vertu si austère qui hait les hommes, « Les uns parce qu’ils sont méchants et malfaisants Et les autres pour être aux méchants complaisants, Et n’avoir pas pour eux, ces haines vigoureuses, Que doit donner le vice aux âmes vertueusesy. » Et ce Tartufe.… (ici, Molière n’a point osé montrer son héros sous son véritable manteau), mais ce Tartufe enfin, spéculant sur la femme et la fortune du dévot qu’il a séduit par un faux dehors de piété.