Les Directeurs de l’Opéra & les Comédiens François, fâchés de perdre cette semaine, se sont avisés de solliciter à la Cour la même faveur ; mais le Roi, loin de répondre favorablement à leur requête, vient de donner une nouvelle preuve de son zèle pour la Religion, & sur-tout dans ce saint temps, en interdisant, même aux Comédiens Italiens, toute représentation pendant ladite semaine.
On a beau lui dire que, puisqu’il ne doit pas répondre à la candeur publique, il devrait laisser à nos évêques et à nos prélats le soin de sanctifier nos mœurs, il soutient que c’est le devoir d’un chrétien de corriger tous ceux qui manquent, et sans considérer qu’il n’est pas plus blâmable de souffrir les impiétés qu’on pourrait empêcher que d’ambitionner à passer pour le réformateur de la vie humaine, il vient de composer un livre où il se déclare le plus ferme appui et le meilleur soutien de la vertu.
Non madame je n’abandonnerai point vos pieds refuge de mes misères, tables qui me sauveront du naufrage, que je n’aie obtenu la bénédiction que je demande à votre Majesté par tout ce qu’il y a de plus saint au ciel et en la terre, par les plaies de mon Sauveur et le vôtre, par les mamelles de sa mère, par les mérites et le martyre de cette glorieuse Vierge Sainte Cécile dont je viens de représenter la constance, par la présence de votre époux le plus grand Roi que le soleil éclaire ; par l’amour qu’il vous porte et que vous lui portez, et par cette insigne piété qui vous relève autant sur toutes les Princesses de la terre que votre Majesté est élevée sur les têtes de ses sujets.
Nous voulons un amour quelquefois naïf, quelquefois tendre, quelquefois douloureux ; sans prendre garde à ce qui désire de la naïveté, de la tendresse, de la douleur : et cela vient de ce que voulant partout de l’amour, nous cherchons de la diversité dans les manières, n’en mettant presque jamais dans les passions.
Quand on s’en sert mal, cela vient de la mauvaise disposition de ceux qui s’en servent, souvent on fait un bon usage de ces choses, souvent aussi on en fait un mauvais ; c’est pourquoi quand Tertullien et les autres Pères ont comparé le désir déréglé de l’or et de l’argent avec le plaisir de la Comédie, et qu’ils ont condamné l’un et l’autre, ils n’ont pas supposé pour cela, que comme on peut se servir bien de l’or et de l’argent, on peut en faire de même de la Comédie dans la pratique. […] Saint Antonin s’est expliqué par ce qu’il a écrit dans la troisième Partie, et par ces paroles qui suivent immédiatement celles qu’on vient de citer64 : « Et de regarder volontairement, dit-il, ces sortes de choses, c’est un péché mortel, tant parce que c’est prendre plaisir à des choses sales, que parce que le spectateur s’expose de plein gré au péril de la tentation ». […] Ce que l’on vient de dire de la Comédie ne peut s’appliquer aux Tragédies qui se jouent dans les Collèges, selon les Lois Académiques, qui sont plutôt des exercices pour ceux qui en sont les Acteurs, que des divertissements pour les personnes qui y assistent. […] A l’égard des Comédies où l’on représente des choses mauvaises, il y a du péché d’y assister quand le plaisir a pour objet les choses déshonnêtes ; mais il n’y en a point, disent-ils, quand le plaisir vient de la manière ingénieuse et spirituelle qui se trouve dans l’invention et dans la représentation : par exemple, par rapport à l’Acteur qui fait bien son personnage ; quelques Auteurs sont de ce sentiment.