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349. (1772) Sermon sur les spectacles. Pour le Jeudi de la III. Semaine de Caresme [Sermons pour le Carême] « Sermon sur les spectacles » pp. 174-217

Mais oserez-vous même venir vous présenter devant Dieu ? […] Ce seroit, en vérité, dans le Christianisme chose bien nouvelle, qu’on nous montrât les auteurs, les acteurs & les partisans du spectacle de venus les plus vertueux & les plus Chrétiens d’entre nous. […] Et ces danses animées, ces symphonies molles & séduisantes : His tripiduis Diabolus Saltat  ; n’est-ce pas Satan lui-même, dit Saint Jérôme, qui vient danser à ces accords ? Et quand il n’y auroit, ajoute Saint Augustin, que la rencontre de l’un & de l’autre sexe, sans parler de ces criminelles afféteries de femmes sans pudeur, qui par leurs airs languissants, leurs voix pénétrantes, leur action empoisonnée ne cherchent, selon l’expression de Saint Basile, qu’à vous percer, vous déchirer des traits des passions qu’elles représentent : sans tout cela, dis-je, quand il n’y auroit que la vue d’un sexe toujours dangereux, qui affecte de venir y montrer une beauté relevée par-tout ce que le faste & le luxe ont imaginé de plus enchanteur : ah !

350. (1773) Réflexions morales, politiques, historiques et littéraires sur le théatre. Livre quatorzieme « Réflexions morales, politiques, historiques, et littérairesn sur le théatre. — Chapitre IIbis. Autre suite du Fard. » pp. 61-89

Elle méritoit d’être coquette, Jebu ayant fait mourir le Roi pour monter sur son trone vînt prendre possession de son palais, & quoique dans cette désolation extrême Jesabel eût tout à craindre pour elle-même, & rien à esperer, au lieu des habits de deuil, dont elle devoit être couverte, elle ne s’occupa que de sa parure, & malgré son âge avancé, osa se flatter (tant les femmes comptent sur le pouvoir de leurs charmes) qu’elle gagneroit l’usurpateur par sa beauté. […] Enfin la couleur noire étoit estimée dans ces pays chauds, d’où vient que l’épouse dit : Je suis noire, mais belle ; Nigra sum, sed formosa. […] Mais ce Poëte n’approche ni d’une actrice sur le théatre, ni d’une jolie femme à sa toilette, ou dans un cercle, où elle étale en sortant de son laboratoire les couleurs, les graces qu’elle vient d’y manufacturer, ni même d’un joli homme dans son cabriolet. […] Connoissez, Madame, dit-il à une jeune Angloise, nouvellement venue à Paris, connoissez l’aimable nation qui vous adopte.

351. (1778) Réflexions morales, politiques, historiques et littéraires sur le théatre. Livre vingtieme « Réflexions morales, politiques, historiques et littéraires sur le théatre. — Chapitre IV. Maurice de Saxe. » pp. 118-145

Vénus vient avec une grande pompe à l’armée de Charles. […] Son fils lui survécut plusieurs années, porta de tous côtés la double guerre qui l’a rendu célebre, & vint mourir à Chambort d’une sueur continuelle & putride. […] Dans un moment on voit d’un coup de baguette, comme dans les contes des fées, le parquet du sallon, s’ouvrir, & monter une table chargée de mets exquis ; peu de temps après un bruit de fifres & de musettes annoncent le dieu Pan, qui vient à la fête, avec les dieux champêtres. […] Il est surprenant que, dans toutes les guerres que sa famille a eu avec le roi de Suede & le roi de Prusse, qui toutes furent si malheureuses, ce grand guerrier ne soit jamais venu à son secours, & n’y ait joué aucun rôle : mais il n’est pas surprenant que le grand Frederic, ayant pris Dresde, chassé l’Electeur, fait prisonnieres sa femme & ses filles, il ait mené le même jour à la comédie une famille si comédienne.

352. (1668) Idée des spectacles anciens et nouveaux « Idée des spectacles anciens et nouveavx. — Des anciens Spectacles. Livre premier. — Chapitre III. Du Triomphe. » pp. 112-160

Si-tost que ce ieune mal-heureux eust reconnu en soy assez de iugement pour faire choix de sa profession, & assez de force pour y pouvoir reussir, il se mit à la suite de Cesar, vint dans les Gaules, y porta les armes, & y fit de si belles ou si heureuses actions qu’il emporta plusieurs Victoires, qu’il fut fait Tribun, ensuite crée Preteur. […] Leur chaussure estoit de Brodequins, chargez de pareille broderie, d’or, ou de diamans, en guise de clous, ou d’estoiles, & c’est de-là que le nom de Vestis clauata, est venu. […] Ce Char estoit ordinairement traîné par quatre Chevaux blancs les plus beaux que l’on pût trouver, on selon la corruption des siecles, & l’orgüeil des Empereures, par des Animaux extraordinaires venus des Païs sauvages, & aprivoisez à Rome. […] T ous les saints devoits rendus aux diverses Divinitez, le Vainqueur regaloit le Peuple d’un Banquet general où tout le monde estoit bien venu.

353. (1763) Réflexions sur le théâtre, vol. 2 « Chapitre VI. Suite de l’infamie civile. » pp. 126-152

Parmi nous ils n’ont aucun rang, à la vérité, on ne leur permettrait pas des distinctions, et ils n’oseraient se mêler parmi ceux qui ont des places marquées ; mais on ne s’avise pas s’ils viennent aux assemblées, s’ils y sont assis ou debout. […]  10.), de faire venir pendant les repas des Actrices et des chanteuses, pour animer la débauche : « Pessime luxu, fidicines, plastrias, citharadas, timpanistrias, delectationis causa in conviviis adhibitas inter lasciviæ et luxuriæ instrumenta fuisse. » Le même usage est établi dans le royaume de Golconde et dans toute l’Inde. […] Les Comédiens, dit Turecrematal, sont des oiseaux de proie qui se jettent sur ceux que les passions livrent à leurs ongles crochus, pour les plumer et les dévorer, ou des chasseurs qui par la glu et l’hameçon de la volupté, les filets de la représentation, prennent les stupides oiseaux qui viennent à eux : « Sicut milvi volant ad rapiendum, Histriones insidiantur, ut possint rapere. » On y applique ce que dit le Sage ; une Actrice est un gouffre qui engloutit tout : « Puteus profundus os alienæ. » Qu’on leur donne tout au plus par charité, s’ils sont véritablement pauvres ; l’humanité regarde son semblable dans chaque homme, et la religion y respecte l’image de Dieu, quelque défigurée qu’elle soit par le vice. […] Cette Nymphe, célèbre par ses intrigues, son luxe, et ses amants, qu’elle avait ruinés pour y fournir, qui même par ses talents en coquetterie avait mérité que les autres Actrices vinssent recevoir ses leçons, et la prendre pour modèle ; cette fée, dis-je, comme l’Auteur l’appelle, avait tellement enchanté un riche Financier, que par ses profusions excessives il la mit sur le pied des Dames du plus haut rang, lui assura par contrat, sous le titre de dette une pension considérable, et enfin fut accablé de dettes.

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