Ces vaines repliques ne sauraient ébranler les partisans du nouveau Spectacle. […] En vérité, les accords d’Orphée & d’Amphion n’ont pas opérés de tels prodiges ; ils n’attirraient que des pierres, des arbres & des animaux, aulieu que les Musiciens de nos jours font mouvoir au son de leurs violons tout un Peuple éclairé ; ils lui font croire qu’il vient entendre une Pièce de Théâtre, tandis qu’on repaît son esprit de vains sons, de gigues, de gavotes. […] Qu’on ne prenne point ceci pour des discours en l’air ou pour de vains sophismes.
Et leurs yeux et leurs oreilles doivent-elles être moins chastes que leurs langues, auxquelles il n’est pas permis de proférer aucune parole vaine et qui ne convienne point, comme dit S. […] , il n’y a rien de Dieu, et dans un temps où tous ses sens sont occupés à se repaître du vain plaisir qui se présente à eux, et où ses pensées sont appliquées aux gestes, aux paroles, et aux mouvements des Acteurs ? […] Paul nous a défendu les paroles impertinentes, et celles qui ne tendent qu’à un vain divertissement : mais le démon nous persuade d’aimer les unes et les autres.
Les représentations du Peintre, dépourvues de toute réalité, ne produisent même cette apparence, qu’à l’aide de quelques vaines ombres & de quelques légers simulacres qu’il fait prendre pour la chose même. […] Cherchons donc si ceux qui relevent la Poësie à ce point de sublimité ne s’en laissent point imposer aussi par l’art imitateur des Poëtes ; si leur admiration pour ces immortels ouvrages ne les empêche point de voir combien ils sont loin du vrai, de sentir que ce sont des couleurs sans consistance, de vains fantômes, des ombres ; & que, pour tracer de pareilles images, il n’y a rien de moins nécessaire que la connoissance de la vérité : ou bien, s’il y a dans tout cela quelque utilité réelle, & si les Poëtes sçavent en effet cette multitude de choses dont le Vulgaire trouve qu’ils parlent si bien. […] Comme celui qui s’occuperoit dans la République à soumettre les bons aux méchans, & les vrais chefs aux rebelles, seroit ennemi de la Patrie, & traître à l’État ; ainsi le Poëte imitateur porte les dissensions & la mort dans la République de l’ame, en élevant & nourrissant les plus viles facultés aux dépens des plus nobles, en épuisant & usant ses forces sur les choses les moins dignes de l’occuper, en confondant par de vains simulacres le vrai beau avec l’attrait mensonger qui plaît à la multitude & la grandeur apparente avec la véritable grandeur. […] Mais en nous laissant ainsi subjuguer aux douleurs d’autrui, comment résisterons-nous aux nôtres ; & comment supporterons-nous plus courageusement nos propres maux que ceux dont nous n’appercevons qu’une vaine image ?
Paris en a veu un depuis peu d’années dans la court des Thuilleries, pour lors n’estoit qu’une Place vaine, ou qu’un reste de Jardin en desordre.
convient-il d’entendre alors ou des bouffons dont les discours éteignent l’esprit de componction, ou des comédies qui vous remplissent la tête de plaisirs vains et mondains, quand ils seraient innocents ?