Les Protestans des deux Royaumes, la Reine d’Angleterre & le Roi de Navarre se soutenoient mutuellement, ils pensèrent se brouiller quand Henri se fit Catholique, la Reine en fut offensée & n’avoit pas tort, il abandonnoit ses amis & sa Religion, se mettoit dans la nécessité de les combattre, & faisoit courir un grand risque aux Protestans des deux Royaumes & de Hollande qui avoient droit de comprer sur lui ; elle le traitoit d’ingrat, de lâche, d’apostat, disoit qu’il étoit plus comédien qu’elle, qu’après avoir été long-temps à la tête du parti, il avoit renoncé à sa Religion, par crainte sous Charles IX qu’il y étoit retourné ensuite, & l’abjuroit une seconde fois par intérêt, pour se livrer bassement au Pape, elle retira ses troupes qu’elle avoit envoyées au secours d’Henri, qui dans le premier moment la traita de Comédienne. […] La France punissoit la révolte de la Rochelle, l’Angleterre celle des Irlandois, & on soutenoit celle de la Hollande ; encore si l’Angleterre eut en guerre avec l’Espagne, mais les deux nations étoient en paix, Philippe avoit épousé la Reine Marie, il avoit sauvé la vie à Elisabeth, elle se ligua avec ses Sujets rebelles pour lui faire la guerre, leur fournit de l’argent, des troupes : ses généraux s’emparent de plusieurs places pour gage des payemens de ses frais ; elle sentoit si bien son injustice, que les Ambassadeurs des Hollandois étant venus lui demander du secours & lui offrir la souveraineté de leur Pays, elle le refusa, & répondit avec un air affecté de justice : Il ne serait ni beau ni honnête de s’emparer du bien d’autrui. […] Ces guerres fournissent bien des scènes, des secours refusés d’obord, & ensuite accordés, des généraux de troupes sont envoyés & sont rappelés ; un désintéressement affecté, & des villes retenues en otage, un Souverain reconnu & renvoyé, un mariage arrêté & rompu, une bague donnée & redemandée, des articles signés & abandonnés.
Le premier Arrêt est du 6 Octobre 1584, contre une troupe de Comédiens qui avoient établi un Théatre dans l’hôtel de Cluni ; & le second, du 10 Décembre 1588, fit de pareilles défenses à une autre Troupe. […] Quel désordre ne porte pas dans une ville l’arrivée & le séjour d’une troupe de Comédiens ! […] On sçait que Cyrus demandant à son Conseil quelle étoit la meilleure méthode pour retenir sous le joug une Nation vaincue, & amortir son courage : un de ses Conseillers lui répondit, qu’il suffisoit d’y envoyer des troupes de Danseurs & de Chanteuses. « Qu’on y fasse, ajouta-t-il, élever la jeunesse au milieu des Spectacles & des plaisirs. […] En fin peut-on prétendre de bonne foi que ce soit pour prendre des leçons de sagesse, que tant de désœuvrés vont journellement courir à des Spectacles, où, peu attentifs à la Piece, nous les voyons perpétuellement voltiger autour d’une troupe de Sirenes, qui vivent du trafic de leurs charmes, & qui mettent tout en usage pour entraîner dans leurs pieges ceux dont elles ont irrité les desirs ? […] La nature la raison & l’expérience que les Déistes reconnoissent pour leurs seuls guides, ont également éclairé M. le Marquis Dargens sur les funestes effets de la passion pour le Théatre. « Elle est portée », dit-il [dans les notes de sa trad. du Timée de Locres] « à un tel excès, qu’on a vu de nos jours une armée marchant avec deux ou trois troupes de Comédiens, & le Maréchal-Général des Logis, aussi occupé de la place & du logement des troupes comiques, que le Commandant de l’armée du parc de l’artillerie.
« Nous avons, dit-il, une grande guerre contre des Amalécites, je veux dire, non pas contre les Barbares, mais contre les Démons qui conduisent des pompes célèbres par les places publiques, car ces veilles diaboliques qui se font aujourd'hui, ces railleries, ces injures et ces danses qui se pratiquent toute la nuit, et cette dangereuse impiété des Comédies nous font plus de mal que les troupes de nos EnnemisIdem de David et Saule hom. 3.
Non, je ne dois point rechercher loin de nous les ombres et les sépulcres, puisque nous en avons aujourd’hui dans notre France, en l’œil des cités, en la plus auguste ville de l’Europe, le corps, la lumière, et la vie de tous les plus rares et dignes Comiques du monde, en ceste troupe de Parnasse, nourrissons des Muses, Aigles de Jupiter, vrais enfants d’Apollon, race divine, interprètes des Dieux, qui ont gratifié Paris de leur présence : quelles louanges vous peut-on donner ?
Tous les désordres que causent parmi le Peuple ces hommes corrompus, et ces femmes prostituées; et toute cette troupe diabolique qui monte sur le Théâtre, tous ces désordres, dis-je, retombent sur vous.