Lors donc qu’à cette inclination naturelle nous ajoûtons l’art & l’étude, devons-nous être surpris si nous tombons dans l’enfer, puisque nous nous bâtons de nous y précipiter ?
Puissé-je de mes yeux voir tomber cette foudre, Voir ses maisons en cendre, et tes lauriers en poudre; Voir le dernier Romain en son dernier soupir, Moi seule en être cause, et mourir de plaisir. » Si l'on dépouille l'image de cette passion de tout le fard que le Poète y prête, et qu'on la considère par la raison, on ne saurait rien s'imaginer de plus détestable que la furie de cette fille insensée, à qui une folle passion fait violer toutes les lois de la nature.
Puis-je de mes yeux voir tomber cette foudre, Voir ses maisons en cendre, et tes lauriers en poudre; Voir le dernier Romain en son dernier soupir, Moi seule en être cause, et mourir de plaisir. » Si l'on dépouille l'image de cette passion de tout le fard que le Poète y prête; et qu'on la considère par la raison, on ne saurait s'imaginer rien de plus détestable que la furie de cette fille insensée, à qui une folle passion fait violer toutes les lois de la nature.
« Que celui qui croit être ferme, craigne de tomber » : ils ignorent que quand ils seraient si forts et tellement à toute épreuve qu’ils n’auraient rien à craindre pour eux-mêmes, ils auraient encore à craindre le scandale qu’ils donnent aux autres, selon ce que dit ce même Apôtre : Rom.
Fort de la pureté de mes intentions et de la certitude que mon opinion nouvelle, en cas d’erreur, et du reproche imminent d’avoir négligé ce précepte : Sumite materiam vestris qui scribitis æquam viribus , ne peut causer aucun mal, et pourrait encore, au contraire, donner quelques indications neuves et faire naître des idées utiles à d’autres écrivains plus exercés, qui considéreraient ce sujet sous de nouveaux points de vue ; j’aurai le courage d’écrire, de soumettre à la discussion la plus solennelle, et au jugement des hommes les mieux éclairés ce que je crois avoir remarqué de plus, en continuant de chercher de bonne foi, et sans d’autre passion que celle du bonheur commun, comment il s’est fait que, malgré toutes nos lumières et nos belles institutions, malgré nos immenses bibliothèques renfermant tant de plans et de systèmes, ou de bons livres destinés à nous améliorer, comme ceux qui paraissent encore tous les jours sous toutes les formes ; et malgré les exemples, les efforts successifs et continuels des orateurs les plus éloquents et les plus vertueux, et des sages les plus instruits, les plus persuasifs, secondés par les plus vigoureuses satires et censures ou critiques vivantes de nos personnes, de nos défauts et de nos vices, nous soyons toujours tombés en effet de plus en plus dans le relâchement, et soyons arrivés sitôt au degré de cette effrayante dissolution de mœurs dont un parti accuse aujourd’hui avec si peu de discernement ces moyens mêmes de réformation. […] … Oui, jugez-moi, hommes éclairés et vertueux que je révère : je vous le demande, soyez de bonne foi, parlez librement ; je veux tirer de votre réponse une conséquence tout opposée à celles qu’en voudront déduire les pessimistes systématiques qui blâment la philosophie et les lumières qu’elle répand ; qui prétendent que les hommes s’égarent et tombent dans le fossé, parce qu’ils y voient clair, tandis qu’il est si naturel de penser que cela leur arrive parce qu’ils n’y voient pas assez ; je vous le demande, dis-je, comment envisagez-vous l’état actuel de la société ?