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121. (1772) Spectacles [article du Dictionnaire des sciences ecclésiastiques] « Spectacles. » pp. 150-153

Sur le théâtre paroissent encore des Acteurs & des Actrices, dont tout l’art consiste à transporter aux spectateurs les mouvemens vicieux qu’ils éprouvent, par des discours séduisans, une musique lascive, des chants mous & efféminés à la louange des Dieux & des demi-Dieux des Payens, des gestes expressifs, des peintures naïves, des portraits parlans & animés, des parures riches, pompeuses, immodestes & plus ou moins indécentes, suivant que l’exige la scene. […] si on en ôtoit tout ce qu’elle offre de vicieux, il n’y auroit plus de spectateurs. »  Je n’ai jamais entendu , dit M. de Fontenelle à ce sujet, la purgation des passions par le moyen des passions mêmes. […] Voilà les leçons de vertu qu’offre aux spectateurs avides le plus chaste & le plus épuré théâtre. […] Lorsque les spectacles sont une occasion prochaine de péché mortel, quoiqu’on ne s’y trouve qu’à regret & par nécessité : c’est, dis-je, un péché mortel dans ce premier cas, 1°. parce qu’on autorise les acteurs par sa présence ; 2°. parce que l’on contribue à leur entretien, & que l’on coopere par conséquent au péché qu’ils commettent en représentant : s’il n’y avoit point de spectateur, il n’y auroit point d’acteur ; 3°. à cause du scandale ; 4°. à cause de la perte du tems ; 5°. par rapport au mauvais emploi de l’argent, qui est dû aux pauvres, s’il est superflu, ou aux autres besoins, s’il est nécessaire ; 6°. parce qu’on s’y expose presque toujours à l’occasion prochaine, & au danger presqu’inévitable d’offenser Dieu ; 7°. parce qu’en s’exposant ainsi à l’occasion prochaine de pecher, on tente Dieu ; 8°. parce qu’on fait une action que l’on ne peut rapporter à Dieu, & qui est directement contraire à l’esprit du christianisme, qui est un esprit de vigilance, de priere, de recueillement, de pénitence ; 9°. parce qu’on viole les loix de l’Eglise, qui condamnent les spectacles & ceux qui les représentent.

122. (1768) Observations sur la nécessité de la réforme du Théatre [Des Causes du bonheur public] «  Observations sur la nécessité de la réforme du Théâtre. » pp. 367-379

Ces Grecs donnoient aux passions un caractere d’effroi & de terreur qui les rendoit odieuses, & qui écartoit les Spectateurs loin des écœuils. […] Eschille ne l’a jamais montrée aux Spectateurs. […] Des Spectateurs préparés par de si beaux sentiments, se soumettront peut-être sans peine aux regles séveres que les mœurs imposent.

123. (1684) Epître sur la condemnation du théâtre pp. 3-8

Du théâtre, aujourd’hui, les douces impostures N’en font aux spectateurs que de sages peintures ; Par l’austère devoir le crime est combattu ; Et l’on y voit toujours triompher la vertu. […] Ses poètes rampants, et ses mauvais acteurs Rebutent, chaque jour, les doctes spectateurs.

124. (1695) Preface [Judith, tragedie] pp. -

Quand je parle si avantageusement des matières saintes, je ne prétends pas exclure les Sujets profanes, quand ils sont traités sagement, et purgés de tout ce qui peut offenser la pudeur, et révolter le Spectateur raisonnable. […] J’avoue que les sujets les plus extraordinaires peuvent instruire et divertir quand ils sont maniés par des mains savantes et heureuses ; mais peut-on douter que les matières Saintes quand elles tombent en de pareilles mains, puissent recevoir un tour assez agréable pour plaire et mieux encore pour édifier le Spectateur Chrétien.

125. (1768) Réflexions morales, politiques, historiques et littéraires sur le théatre. Livre douzieme « Réflexions morales, politiques, historiques, et litteraires, sur le théatre. — Chapitre V.  » pp. 129-160

Ce n’est donc ni le besoin de la fable, ni l’instruction des spectateurs, encore moins l’intérêt de la vertu, qui fait mettre de la galanterie ; c’est le besoin du vice (affreuse verité) on ne met l’amour que pour l’amour, le vice seul le rend nécessaire au spectateur libertin : Trahit sua quemque voluptas. […] Sans vice plus d’auteur, d’acteur, de spectateur, encore moins d’actrice & de spectatrice, sans ces assaisonnemens plus de théatre. […] Cette apologie est très juste, mais mal adroite elle fait des ennemis à l’auteur, en le justifiant, & arme contre lui l’actrice & la spectatrice. […] Peut-elle ne pas en obtenir le pardon, devant des spectateurs Français, si fort indulgens pour le sexe, par une suite de la galanterie nationnale. […] Cette décence superficielle, & de convention, qui sert de voile à la corruption du cœur, forcera toujours le théatre Français à un vernis de décence, & à une dépravation réelle, le spectateur se brisera contre l’écueil que lui-même y a fait naître, comment s’en s’auveroit-il ?

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