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82. (1707) Réflexions chrétiennes « Réfléxions chrétiennes, sur divers sujets. Où il est Traité. I. De la Sécurité. II. Du bien et du mal qu’il y a dans l’empressement avec lequel on recherche les Consolations. III. De l’usage que nous devons faire de notre temps. IV. Du bon et mauvais usage des Conversations. Par JEAN LA PLACETTE, Pasteur de l’Eglise de Copenhague. A AMSTERDAM, Chez PIERRE BRUNEL, Marchand. Libraire sur le Dam, à la Bible d’Or. M DCCVII — Chapitre XII. Du temps que l’on perd à la Comedie, et aux autres spectacles de même nature. » pp. 269-279

On veut que ceux-ci la sentent en quelque maniere, et si, par exemple, un endroit touchant arrache des larmes, et fait pousser des soupirs, on conclut que la Piece est bonne. […] On fait ce qu’on peut pour faire que le spectateur, non seulement sente la passion que l’on represente, mais encore qu’il l’aime, qu’il l’approuve, qu’il l’admire mesme, en celui qui paroît en être agité.

83. (1743) De la réformation du théâtre « De la réformation du théâtre — PREMIERE PARTIE. — CHAPITRE PREMIER. Comparaison des Théâtres anciens avec les modernes. » pp. 2-17

Malgré cette décadence de la bonne Comédie Latine, Plaute et Térence n’abandonnèrent pas le principal but de la Comédie, qui est celui de corriger en critiquant : mais, comme ces deux Poètes sentaient que, pour parvenir à corriger, il fallait plaire ; ils crurent devoir retenir quelque chose de l’Atellane ; et, sur ce principe, ils critiquèrent les vices qui dominaient dans leur pays d’une manière trop favorable à la licence. […] Si les modernes n’ont pas été les premiers à imaginer des Comédies de caractère ; du moins, après les Grecs, ce sont eux qui, vers le milieu du siècle passé, les ont faites revivre en France : ce qui fit sentir qu’ils avaient enfin connu la nécessité de la critique des mœurs, et qu’ils allaient réparer la faute de leurs prédécesseurs, qui n’en avaient jamais fait usage.

84. (1758) Lettre de J. J. Rousseau à M. D’Alembert « PRÉFACE » pp. -

J’étais malade et triste ; et, quoique j’eusse grand besoin de distraction, je me sentais si peu en état de penser et d’écrire que, si l’idée d’un devoir à remplir ne m’eût soutenu, j’aurais jeté cent fois mon papier au feu. […] A ces raisons il s’en joint une autre plus cruelle et que je voudrais en vain dissimuler ; le public ne la sentirait que trop malgré moi.

85. (1743) De la réformation du théâtre « De la réformation du théâtre — QUATRIEME PARTIE. — Tragédies à corriger. » pp. 180-233

J’ai parlé ailleurs des amours surannés de Philoctète et de Jocaste :12 étant à Londres je lus ma Dissertation à M. de Voltaire qui, s’y trouvant nommé et critiqué, ne cessa pas de convenir que j’avais raison ; et qui me pria d’annoncer, lorsque je la ferais imprimer, qu’il était d’accord avec moi de tout ce que je disais : il ajouta qu’il avait senti lui-même ce défaut dans le cours des représentations, et qu’il était dans le dessein de le corriger, en retranchant le personnage de Philoctète pour y substituer Créon frère de Jocaste, ainsi que Sophocle l’a placé dans son Œdipe. […] Les Poètes qui ont retranché Créon de cette Tragedie n’ont pas senti de quelle importance était ce personnage, sans lequel ils ne peuvent suivre la maxime généralement embrassée et établie par les premiers Maîtres de l’art : ils prétendent, ces Maîtres (mais en ce point je ne sais si leur avis est bien sûr) ils prétendent, dis-je ; que lorsque le Héros de la Pièce doit succomber à une infortune qu’il n’a pas méritée, il faut adroitement mettre des bornes à la compassion des Spectateurs, en la diminuant par quelque trait qui donnent atteinte ou à la vertu, ou au caractère de ce personnage. […] J’ai toujours regardé les quatre premiers Actes des Horaces, comme un Ouvrage comparable, s’il n’est pas supérieur, à tout ce que nous avons de plus excellent en ce genre dans l’antiquité : je ne puis voir sans quelque peine, il est vrai, l’amour de Camille pour Curiace ; les violents transports qu’elle fait paraître à l’occasion de la mort de son Amant, quoi que cet Amant fût destiné à être son époux, sont indécents dans une fille bien née ; ils blessent également les sentiments qu’on doit à sa Patrie, et ceux que la bienséance inspire : le sexe en général en est offensé ; et tout le monde sent que de pareils exemples doivent être bannis du Théâtre, où ils peuvent faire des impressions dangereuses dans le cœur de la jeunesse. […] Le Spectateur, voyant Médée rester en vie, ne cesse point de détester l’Auteur de tant de crimes, et sent un plaisir secret à espérer qu’elle languira longtemps dans des tourments égaux à sa méchanceté, s’il est possible, et dont enfin elle sera accablée. […] Il n’est guère possible à l’homme de garantir son cœur de toutes passions : tout ce qu’il peut faire est de leur en disputer l’entrée ; et si elles y entrent malgré sa résistance, de les combattre sans cesse, et de ne jamais y succomber : c’est pour cela que sentir une passion n’est point un crime, ne pas la réprimer, en serait un.

86. (1667) Traité de la comédie « Traité de la comédie — VII.  » p. 461

On se trompe fort en croyant que la Comédie ne fait aucune mauvaise impression sur soi, parce qu'on ne sent point qu'elle excite aucun mauvais désir formé.

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