Mais la hardiesse à avancer des faits si faux, ne peut se trouver que dans des gens de Théatre : il va même jusqu’à les débiter du ton le plus tranchant. […] Lafontaine & tous les Fabulistes seroient bien mutilés, la moitié des fables seroient supprimées, le Lion, le Tigre, le Loup, le Renard, le Serpent, &c. se trouvent par-tout ; & loin d’inspirer leurs vices, ils sont odieux à tout le monde.
Les peintures les plus lascives se trouvent à chaque page. […] Et comment, si tout est détruit dans le monde, se trouve-t-il dans le même instant & le même endroit des statues si parfaites, lesquelles excitent les plus vives passions ?
S’il se trouve des suivantes peu délicates sur l’honeur de leur maîtresse, ce vice par bonheur est assez rare, il est donc extrêmement pernicieux d’en produire des exemples qui ne peuvent qu’inspirer des idées, & aprendre des moyens de corruption aux maîtres & aux domestiques. […] Il est vrai que dans ce siecle le goût du spectacle est extrême ; non-seulement on y mène les jeunes gens, mais on les forme dès l’enfance à la déclamation théatrale, comme faisant partie de la bonne éducation, on joue des pieces dans les Collèges, les Séminaires, les Couvents, chez les Seigneurs, chez les Bourgeois, & par une inconséquence de conduite incroyable les mères les plus sévères, qui ne vont ni ne laissent aller leurs filles à la comédie, y assistent & leur laissent voir représenter sur les théatres de société les pieces de Moliere, & même des parades plus licentieuses que la comédie publique, comme si c’étoient les murs, les décorations, les habits, qui méritent leur censure, non les pieces où se trouve le plus grand danger, & qui ont le plus besoin de réforme, pour en faire un divertissement innocent & même instructif.
Ce n’est sûrement pas ce qu’il y a d’odieux dans le caractère qui fait rire, mais c’est le comique des situations dans lesquelles les personnages se trouvent. […] N’est-il pas vrai que si Harpagon ne refusait pas à son fils jusqu’au nécessaire ; s’il ne portait pas la lésine jusqu’à l’envoyer boire une verre d’eau fraîche à la cuisine, quand il se trouve mal en sa présence, et cela d’un ton à faire croire que ce Vilain a même regret à cette dépense ; n’est-il pas certain en un mot que s’il n’était pas un monstre dans la société son fils ne commettrait pas les fautes qu’il commet et que ce père indigne de l’être en est le premier auteur ?
Si je ne puis comprendre qu’il se trouve des Auteurs Chrétiens capables d’inventer de pareils rôles, de composer de tels vers, d’écrire, de faire réciter des blasphèmes, je comprends aussi peu qu’il se trouve des Acteurs Chrétiens qui puissent se résoudre à les débiter.