Ce n’est que dans le pays des romans qu’il se trouve un cœur assez conbustible pour être embrasé du feu de l’amour dans une seule entrevue ; si ces amours sont réels, ils ont dû sans doute déplaire à Philippe, & attirer des mauvais traitemens à tous les deux ; mais hors du pays des romans, l’amour du vieux Prince n’a pu le porter a faire mourir son fils & sa femme, son successeur au trône qu’il avoit toujours aimé, & qui avoit de très-belles qualités, & une Princesse, une maîtresse très-belle & très aimable qu’il venoit d’épouser, & dont il étoit éperduement amoureux ; mais il faut du merveilleux sur la scène tragique, Melpomene n’est pas scrupuleuse sur les vraisemblances, l’amour fait par-tout des miracles. […] Le tourbillon, le cahos de doctrine dans lequel Élisabeth se trouva enveloppée, devoit produire cet effet ; toutes les hérésies le produisent, quoiqu’elles n’attaquent que quelques articles, elles les ébranlent tous, en sappent le fondement de la créance, & conduisent enfin à l’incrédulité. […] Écrivain médiocre, autant que Prince médiocre ; ses ouvrages ne valent pas mieux que ses sentimens, mais l’esprit de la secte & l’enthousiasme d’un savant éteignirent en lui les sentimens de la nature & de l’honneur, il en fut puni dans sa postérité qui a perdu le trône de la Grande Bretagne dans la personne de son petit-fils détrôné par son propre gendre ; il en fut puni dans son fils & son successeur Charles I qui périt sur un échaffaud comme sa mère, ainsi par un évenement unique dans l’histoire, le Roi Jacques, ou selon l’expression des Anglois la Reine Jacques, Regina Jacobus, qui le premier des Stuart abandonna la Religion Catholique & acheva de la perdre dans ses Etats, se trouve placé entre deux morts les plus tragiques qui furent jamais, de sa mère par Elisabeth, de son fils par Cromvel. […] Les circonstances singulières où elle se trouva de l’ébranlement de l’Europe, des guerres de Religion où elle entra, des mariages qu’elle refusa firent toute sa célébrité, & les Sectaires qu’elle protégea par intérêt ; tous ses éloges ; le reste du monde la méprisa, elle essuya de grands revers, eut de grandes foiblesses, fit de grandes fautes, commit de grands crimes ; elle étoit fourbe, dissimulée, parjure, sans foi, libertine, vaine, orgueilleuse, cruelle, emportée, avare & prodigue, sans Religion sans pudeur, sans probité ; elle établit par le fer & le feu une Religion scandalense & absurde.
Constantin devenu chrétien, ayant transporté ensuite le siege de l’Empire à Bisance, aujourd’hui Constantinople, & laissé le Pape seul dans Rome, cette ville fameuse ne se trouva plus composée alors que d’un peuple toûjours avide d’amusemens, mais qui n’avoit plus qu’un foible souvenir des jeux du Cirque, & couroit avec empressement aux farces de Genest, converti à la foi, en contrefaisant les cérémonies du batême ; & aux représentations de quelques mauvaises pantomimes au coin des rues, contre lesquelles les Peres & les Conciles s’éleverent, & implorerent l’autorité des Souverains. […] En 1680, le théâtre de la rue Guénégaud fut réuni à la troupe de l’hôtel de Bourgogne par ordre du Roi, & la troupe de Comédiens Italiens qu’ils s’étoient associés, & qui jouoit alternativement sur leur théâtre, se trouva seule en possession de l’hôtel de Bourgogne, où ils continuerent leurs représentations jusqu’en 1697, que leur théâtre fut fermé, & ne fut r’ouvert qu’en 1616, en faveur de la troupe de M. le Duc d’Orléans Régent, qui porta d’abord son nom, & qui est celle qui subsiste aujourd’hui. […] C’est ainsi qu’on appelloit ces fameuses assemblées, où, sur l’invitation du Roi,* tous les Seigneurs étoient obligés de se trouver.
L’argent ne manquera point pour ces folles dépenses : les peuples sont dans la misere, & on prodigue des sommes immenses pour dotter magnifiquement des spectacles, auxquels la Réligion & la vertu défendent de se trouver. […] Cet édifice d’un effet très-noble, en produira plus encore, lorsque la place qui se trouve au devant, étant aggrandie, le découvrira tout entier.
L’intriguant le plus décidé, en sortant d’une représentation du Méchant, se trouverait insulté du nom de Cléon ; & le plus insoutenable fat se fâcherait très-sérieusement, contre quiconque lui dirait qu’il ressemble au Marquis de la Pupille. […] Après cette Réformation, il se trouvera sans doute encore quelques Spectateurs qui abuseront d’un Exercice instructif, honnête, utile, comme l’on voit des gens, que des vues criminelles conduisent seules dans nos Temples : l’homme sensé les plaindra ; mais il ne desirera pas que pour eux, l’on prive la Nation du plus noble de ses amusemens.
Dans l’Antigone un Pere arrive tenant dans ses bras son Fils qui vient de se tuer ; on lui présente en même tems le corps de sa Femme qui vient aussi de se donner la mort ; c’est lui qui est la cause de ces deux cruels Evenemens, & il se trouve entre ces deux cadavres.