Heureux qui peut dire, comme Esther disoit dans le palais d’Assuerus, où regnoient tous les plaisirs : Vous savez, Seigneur, que depuis que j’y ai été transportée je ne me suis jamais réjouie qu’en vous : Tu scis quòd nunquam lætata sit ancilla tua ex quo hùc translata sum, nisi in te, Deus Abraham. […] On en est si persuadé dans le monde que quoique dans plusieurs pieces de théatre on ait fait paroître des Abbés, qu’il ait fallu des ordonnances de nos Rois pour arrêter cette insolente profanation, je ne sache pas qu’on ait jamais porté l’audace jusqu’à les y faire danser ; & si dans les maisons particulieres on les y invite, ce n’est que pour se réjouir à leurs dépens. […] Pour le jour des noces, qui ne sait que les danses sont la plus grande partie de la solemnité, depuis le Prince jusqu’au dernier villageois ? […] Mais vous, vout êtes un homme foible, malade, cent fois vaincu, qui ne savez ni ne voulez vaincre, qui aimez votre défaite, qui ne savez ni ne voulez manier les armées, ou plutôt les prenez contre vous-même, qui vous jetez en téméraire au milieu des coups, qui donnez des forces à vos adversaires, les invitez à vous attaquer, applaudissez à leur triomphe, les aimez davantage quand ils vous ont perdus : Væ soli, quia cùm ceciderit non habet sublevantem se : Si dormierint duo fovebuntur mutuo : Funiculus triplex difficilè rumpitur. […] Dan ces innombrables conversations qui de toutes parts se forment, on parle, on crie, on commence, on s’interrompt, on n’écoute pas, on ne sait ce qu’on dit, on ne dit que des sottises ; des ris immodérés se font entendre pour rien, un masque, un faux pas, une allure gauche, sans savoir pourquoi : Fatuus in risu exaltat vocem suam : Sapiens vix tacitè ridet : Va vobis qui ridetis, quia lugebitis.
; et pour peu qu’on soit versé dans la discipline, on en sait toutes les raisons. […] Cet esprit se conserve encore dans l’église, comme le savent et l’expliquent ceux qui en entendent les rites.
Leur zèle a été secondé en ce point par Messieurs les Curés de Paris Et l’on sait que douze d’entr’eux en firent leurs plaintes à Monsieur l’Official. […] Car comme le Torrent qui entraîne tant de monde à la Comédie, est devenu en ce temps si impétueux, l’on ne saurait lui opposer trop de digues, pour tâcher d’en arrêter la violence autant qu’on le pourra.
On sait que les personnes graves décrièrent les Spectacles, et qu’elles tâchèrent de les faire supprimer : On sait aussi que les gens de Lettres et les Poètes, de leur côté, cherchèrent à persuader, par leurs dissertations, que le Théâtre était utile, et que les Anciens l’avaient regardé comme une école pour la correction des mœurs : c’est une différence d’opinion qui dure encore.
Or comme il y a trois sortes de vie ; celle des Grands dans la Cour des Rois, celle des Bourgeois dans les Villes, & celle des gens de la Campagne, le Théâtre aussi a reçu trois genres de Poèmes dramatiques, savoir, la Tragédie, la Comédie, la Pastorale ou la Satire. » Cette explication des divers genres de Spectacles pouvait être juste du tems des Grecs, mais elle ne l’est plus actuellement. […] Mais laissons là les recherches grammaticales ; il nous suffit de savoir que Bouffon & Opéra n’ont jamais été faits pour aller ensemble ; & que ce sont les Italiens qui s’avisèrent de faire une association aussi bisare. […] Admirons en d’avantage l’adresse d’un Théâtre qui vise à gauche pour frapper au but, c’est à dire qui nous instruit en feignant de songer à tout autre dèssein ; & qui sait nous plaire & nous faire accourir en foule à ses Représentations, en ne se montrant occupé que du soin de charmer & d’attirer chez lui la plus vile populace.