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315. (1823) Instruction sur les spectacles « Chapitre XXI. Les spectacles condamnés par les auteurs profanes anciens et modernes. » pp. 179-182

nous représentons sur nos théâtres les fureurs de Médée, les vices d’un grand nombre de personnes que l’on métamorphose en héroïnes et en héros, sans aucun égard pour la raison qu’elles n’ont jamais respectée !

316. (1768) Réflexions morales, politiques, historiques et littéraires sur le théatre. Livre douzieme « Réflexions morales, politiques, historiques, et litteraires, sur le théatre. — Chapitre II.  » pp. 37-67

Il est dans la plupart des piéces, soit pour faire un contraste, soit pour lier une intrigue, des rôles infames, dont on ne peut faire les actions, avouer les sentimens, tenir le langage, par conséquent qu’on ne peut ni représenter, ni composer sans avoir perdu toute honte. […] Que ce même acteur parle en Iroquois, il se fera siffler, qu’il parle en scélérat, il sera applaudi ; un enfant bien né souffrira-t-il que pour se réjouir on représente à ses yeux la mort de son pere ? La représentera-t-il lui-même, se chargera-t-il du rôle de son assassin ? […] Le véritable Oreste ; le véritable Ninus auroit-il assisté à une tragédie où l’on auroit représenté son parricide, seroit-il monté sur le théatre, en auroit-il joué le personnage ? […] La folie aveugle de la passion, & l’espérance imbecille de faire réussir la piéce, par les charmes d’une actrice qui plaît au public, comme si cette actrice pouvoir se multiplier sur tout le théatre, & se perpétuer dans tous les siécles, pour représenter toujours son ouvrage ; comme si dans le succès momentané qu’elle peut procurer, le public ne savoit pas distinguer ce qu’il doit à l’actrice, & ce qu’il doit à l’auteur, ce sont donc les gestes, les regards, les coups de gosier, les traits, les bras de l’actrice qui reglent les plans, les expressions, les situations, les sentimens & tout le mérite de la tragédie.

317. (1774) Réflexions morales, politiques, historiques et littéraires sur le théatre. Livre seizieme « Réflexions morales, politiques, historiques et littéraires sur le théatre. — Chapitre III. De l’Éducation. » pp. 60-92

Je ne puis comprendre comment des gens sages ont pu vouloir leur donner ce goût, soit-en les menant aux spectacles, soit en les faisant représenter chez eux & par eux-mêmes. […] Ceux qui les représentent sont très-coupables. […] Cette lecture, cette étude est une espece d’affiche, ou l’on annonce la piece qui doit se jouer, où l’on instruit le public, & lui promet des merveilles, & on ne peut pas mieux s’y prendre pour les engager à y venir, on ne peut mieux juger des pieces qu’en les voyant représenter. […] Les Sages du Paganisme ont condamné les spectacles, surtout pour la jeunesse, non à cause de l’idolatrie, puisque c’étoit pour eux un acte de religion ; non pour l’impiété, ils respectoient leurs Dieux ; non pour l’obscénité, les tragédies grecques sont peu galantes, & certainement moins licencieuses que les nôtres ; mais par une raison prise du fond des choses, & de la nature même des spectacles, il ne faut pas allumer les passions de la jeunesse, elles n’y sont que trop vives, ni représenter même pour les blâmer, les vices qu’elle ne doit pas imiter, dont il faut lui donner de l’horreur & conserver l’ignorance, si elle est possible. […] A force de contrefaire ou de voir contrefaire l’homme vicieux, l’Acteur & le spectateur prennent insensiblement le goût du vice, & se familiarisent avec lui ; car enfin, pour bien représenter & pour bien sentir, il faut qu’il se forme au-dedans de nous, du moins pour le moment, le même sentiment qu’on veut jouer ou éprouver, au même degré de vivacité, & même encore plus exalté ; & c’est à quoi en effet l’un & l’autre s’efforce de parvenir pour en avoir la gloire ou le plaisir.

318. (1776) Réflexions morales, politiques, historiques et littéraires sur le théatre. Livre dix-neuvieme « Réflexions morales, politiques, historiques et littéraires sur le théatre. Livre dix-neuvieme. — Chapitre VIII. Du Clergé comédien. » pp. 176-212

Parmi cent infamies dont, après sa mort, on a donné un Recueil scandaleux, l’Abbé Grecour avoit composé & fait représenter en société une comédie burlesque où il jouoit le Chapitre de St.  […] L’originalité & la pesenteur de ces rimes, la singularité de ses avantures est très-propre à représenter les ouvrage & la fortune de beaucoup de Poëtes Dramatiques, même reçus parmi les quarante depuis leur établissement, sur-tout des Abbés Comédiens qui ne se livrent au théatre que par débauche, ou par misere, pour avoir du pain ou des actrices, & ne sont bons à rien, même au théatre où ils ne réussissent pas, & où leur état qu’ils dèshonorent les fait mépriser & tourner en ridicule. […] Dans une piece représentée à la Cour, le Roi fut si content de son jeu, qu’il augmenta sur le champ de 3000 sa pension de 1000 qu’elle avoit déjà. […] Qu’on essaye pareille chose en France, qu’on prenne une Scêne de chaque Comédie de Moliere, de chaque Tragédie de Corneille, qu’on représente de suite ces trente Scènes, ce spectacle seroit ridicule & insupportable. Mais les Anglois, par un ancien respect pour leur Poëte favori, ont fait représenter un grand nombre de fois ce maussade Amphigourri, & l’ont vu avec entousiasme ; ils y ont trouvé de la vérité, du sublime, du tendre, du naïf, du bouffon, il y a de tout en effet ; c’est une espece de Pouding, de ragoût à l’angloise, où on mêle toute sorte de drogue qui picotte agréablement le palais Britannique.

319. (1715) La critique du théâtre anglais « CHAPITRE III. L’insolence du Théâtre Anglais à l’égard du Clergé. » pp. 169-239

Il est donc certain qu’Homère et Virgile, ces deux grands personnages respectent toujours les Prêtres, et les représentent avec toutes les qualités qui peuvent les rendre aux autres respectables. […] Représenter l’Eglise dans une Comédie, c’est le moyen de tourner en Comédie cette Eglise même, de convertir en Roman le Christianisme, et de persuader au vulgaire ignorant que les objets les plus sérieux ne sont que des plaisanteries et des visions. […] Les Prêtres du Christianisme sont les principaux Ministres du Royaume de Dieu ; ils représentent ici bas ce souverain Dominateur ; ils sont les défenseurs de sa Loi ; les sources de sa divine grâce leur sont confiées ; c’est eux qui président aux hommages publics qui lui sont dus. […] Quelle bévue de ne représenter les choses nullement au naturel ? […] On me dira peut-être que tout le Clergé dans nos Comédies se borne à des Chapelains ; et que ces gens-là appartenant à des personnes de qualité, on peut bien les représenter sur le pied d’hommes à gages et de domestiques, sans y garder tant de mesures.

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