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267. (1843) Le Théâtre, par l'Auteur des Mauvais Livres « Le Théâtre. » pp. 3-43

Chrysostôme et Bossuet, d’être aux autres un sujet de scandale en les attirant par vos exemples à des représentations ? […] « N’est-il pas bien cruel, dit un apologiste du théâtre, que les auteurs de Cinna, d’Héraclius, de Phèdre (Corneille et Racine), aient été fondés à verser des larmes d’un juste repentir. » Bossuet se sert du témoignage de Racine pour prouver que la représentation de ses tragédies est dangereuse à la pudeur. […] Grâce à l’infâme répertoire de la scène française, on a eu soin de se mettre au courant de la pièce par la lecture et par l’étude, qu’on en a déjà faite avant la représentation.

268. (1781) Réflexions sur les dangers des spectacles pp. 364-386

Jérôme, la proie de la licence publique (victimæ libidinum publicarum) ; peu sensibles de voir des êtres usés par le vice en représenter les moyens et les effets, ils ont été ravis de voir employés à cette représentation les enfans de leurs concitoyens. […] On en a vu périr 30 mille à la fois par l’écroulement d’un vaste échafaudage ; plus de 600 ont été brûlés vifs à une seule représentation, etc., etc. […] Aujourd’hui c’est bien autre chose encore : une seule représentation vient de produire au jeune Westris 3000 guinées ; quoiqu’il prétende n’en avoir reçu que 1100.

269. (1767) Réflexions sur le théâtre, vol 6 « Réflexions sur le théâtre, vol 6 — RÉFLEXIONS. MORALES, POLITIQUES, HISTORIQUES, ET LITTÉRAIRES, SUR LE THÉATRE. LIVRE SIXIÈME. — CHAPITRE II. Théatres de Société. » pp. 30-56

Je ne sais même si pour les ames plus délicates (plus dépravées) elles n’auroient pas moins d’attrait que les représentations publiques (sans doute on y est moins gêné). […] La seule représentation vive d’une personne passionnée inspire la passion : personne qui au retour du spectacle, s’il veut rentrer dans son cœur, ne se trouve plus ambitieux, plus vain, plus dissipé, plus dur, plus fier, plus libertin : Necesse est vitium repræsentatum imiteris aut oderis. […] Mais la premiere représentation a dû détromper ; ce qu’on y a vu, entendu, senti, a dû faire toucher au doigt & à l’œil le danger & le crime d’un spectacle où le vice domine, où les occasions naissent sous les pas, sur tout les femmes, qui naturellement plus pieuses & plus sensibles, ont dû être plus alarmées, & avant d’y aller par la vue de l’écueil, & après y avoir été par le soupçon ou plutôt la certitude du n’aufrage qu’elles y ont fait.

270. (1789) Lettre à un père de famille. Sur les petits spectacles de Paris pp. 3-46

J’ai suivi les représentations des pièces les plus renommées, j’ai été jusqu’à les lire ; j’ai observé ce qui se passoit parmi les spectateurs ; que vous dirai-je ? […] Des témoins dignes de foi attestent qu’un Phisicien connu par des expériences singulières rendoit sensible à l’œil, pendant les représentations, à la Comédie Françoise, un nuage formé par la transpiration générale, lequel étant trop lourd pour s’évaporer ou pour s’élever jusqu’à la voute, restoit suspendu au milieu de l’atmosphère, comme ces brouillards qu’on voit à la fin de l’automne, le matin, dans les vallées. […] Sous prétexte que ces représentations sont des sottises sans conséquence, on y a été sans mystère.

271. (1819) La Criticomanie, (scénique), dernière cause de la décadence de la religion et des mœurs. Tome I « La criticomanie — Autres raisons à l’appui de ce sentiment, et les réponses aux objections. » pp. 154-206

S’il n’était pas assez prouvé que surtout le sujet de la comédie du Tartufe est essentiellement vicieux, que sa représentation n’était propre qu’à frapper de ridicule la pratique des vertus, à nous en faire honte, à nous démoraliser, on pourrait jeter un nouveau jour sur cette question, et achever de rendre sensible le défaut radical que j’y relève, en faisant un rapprochement entre cette pièce et d’autres du même genre. […] La plus dangereuse est la peinture à faux, dramatique, de l’homme et de la société, ou cette infidélité des tableaux vivants qui sont censés être ceux des mœurs ou de la vie commune de tel rang, de telle corporation, ou de tel âge ou bien de telles personnes que la malignité désigne, et qui vont être décriées, flétries, peut-être mises au désespoir ; il consiste aussi dans la solennité et l’éclat des représentations, avec tous les prestiges du théâtre ; c’est encore en réunissant la fiction à la vérité, en accumulant à plaisir les vices, en les combinant et faisant supposer une liaison naturelle entre eux ; c’est l’éternelle image des passions humaines les plus honteuses sous les traits sacrés de la vertu qu’enfin on ne croit plus voir nulle part qu’en apparence, que l’on méconnaît et décourage par trop de défiance, ou qu’on insulte par malignité ; enfin, c’est en créant ainsi et faisant agir avec toute l’énergie possible, sous les yeux de la multitude des personnages monstrueux qui servent d’excuse et d’encouragement aux méchants, qui font horreur aux bons et, comme je l’ai déjà dit, portent l’agitation dans les esprits faibles, l’inquiétude ou l’animosité dans les cœurs, exaltent la tête de tous, et vont de la scène publique provoquer la persécution, porter les désordres dans les scènes privées de la vie, où toutes les passions excitées imitent la hardiesse des auteurs, cherchent à réaliser leurs chimères jusques sur la vertu la plus pure : « Là de nos voluptés l’image la plus vive ; Frappe, enlève les sens, tient une âme captive ; Le jeu des passions saisit le spectateur ; Il aime, il hait, il pleure, et lui-même est acteur. » Voilà plus clairement comme il arrive que ces critiques vantées manquent leur but, sont de nul effet contre le vice audacieux, sur l’hypocrite impudent qui atteste Dieu et la religion en faisant bonne contenance au rang des victimes nombreuses des aggressions aveugles et des calomnies effrontées.

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