Ce qui rend le danger de la Comédie plus grand, est qu'elle éloigne tous les remèdes qui peuvent empêcher la mauvaise impression qu'elle fait.
Cette illusion est d’autant moins facile à produire, sur les Théâtres modernes, qu’ils sont peu propres à en imposer, & que l’on ne s’y rend guère que comme à un jeu auquel on sait qu’on ne prendra nulle part. […] Ils n’épargnent ni peine, ni soins, ni frais pour attirer le public. « C’est assez l’ordinaire, dit l’Auteur du Comédien, que des enfans adoptifs, aient plus d’attention que nos vrais enfans, à se rendre dignes de notre tendresse. » Les connoisseurs poussent si loin la délicatesse sur ce point, que les habits même des Acteurs les réfroidissent, s’ils savent qu’on leur en ait fait présent, ou que l’Acteur, mal dans ses affaires, n’ait pas du en avoir de si magnifiques.
Je ne dis pas que ç’a été la Morale des gens foibles & peu instruits, bornez dans leurs vuës, & timides ou précipitez dans leurs decisions : outre leur sainteté qui nous les rend venerables, nous savons que c’étoient les premiers genies du monde ; nous avons en main leurs écrits, & nous y voyons la sublimité de leur sagesse, la penetration de leur esprit, la profondeur & l’étendüé de leur érudition. […] Qui en croiront-ils, s’ils ne se rendent pas à des semblables authoritez ?
Ce qu'il répète encore en parlant d'Erotes si mauvais Comédien, qu'après avoir été sifflé par le peuple, et chassé hors du Théâtre, il fut obligé de se sauver en la maison de Roscius, duquel il reçut de si bons enseignements« Qui ne in novissimis quidem Histrionibus erat, ad primos pervenit Comœdos. », que n'ayant pas été jusque là digne d'être mis au rang des derniers Histrions, il se rendit un fort habile Comédien. […] D'où l'on peut conclure assurément que si on les a mises sur le Théâtre aux Jeux Scéniques, c'était pour en varier le divertissement, et les rendre plus pompeux ; Et comme elles ne leur étaient pas attachées de nécessité, le nom de Scéniques ne leur a jamais convenu que par analogie, et seulement parce qu'elles étaient représentées dans le lieu nommé Scène ou Théâtre, autrement il les faudrait aussi nommer Megaliennes, Romaines, et du nom de tous les Spectacles, dans lesquels elles étaient données au peuple.
« Empêcher convenante provision et remède en tels maux, serait pécher mortellement, et se rendre suspect d’être mauvais Chrétien, et perfide enfant des Païens : cela se pourrait prouver par la sainte écriture et saints Docteurs, qui reprennent telles choses mauvaises et abominables faites les jours des fêtes, comme idolâtries, et maudites vanités : et si quelqu’un dit, que telles choses ne sont que jeu et récréation, écoute une brève réponse, qui est un proverbe commun très véritable et digne d’être observé : il ne se faut jamais jouer à la foi, à l’œil, ni à la renommée. […] [NDE] Celui qui, le jour des réjouissances, néglige le rassemblement de l’Eglise pour se rendre au spectacle, qu’il soit excommunié.