Ce sont des aventuriers qui n’ont ni feu ni lieu, ne peuvent être membres d’aucun corps, et ne doivent être admis dans aucune assemblée ni civile ni religieuse ; ils n’ont que la tolérance, on leur laisse faire et dire des folies ; voilà leur état : « Qua porro ignominia, Mimi et Histriones Juliani funus ducebant, probrisque ac ludibriis a scena petitis incusabant, nihil non facientes et dicentes quæ hujusmodi homines qui petulantiam pro arbitrio perpetratre consueverant. » Greg.
Il affecte fort injustement de mettre les galanteries sur le compte des religieux & des ecclésiastiques : ce qu’ont imité Rabelais, la Reine de Navarre, Lafontaine ; comme si la sainteté de l’état étoit un sel plus piquant. […] Ce poëme est le mêlange le plus indécent du sacré & du profâne ; les anges & les saints s’y trouvent avec les femmes de mauvaise vie, le poëte invoque Saint Michel & sa maîtresse, il passe de l’église au temple de Venus, d’une cérémonie religieuse à une fête galante, d’une maxime de l’évangile à une morale lubrique, du Pape à Mahomet.
Celui-ci ne fait aller les Papes que quelquefois aux pièces qui se jouent dans les collèges ou les maisons religieuses, ce qui se réduit à quelque exercice littéraire auquel le Pape aurait la bonté d’assister, ce qui ne fut jamais autoriser par sa présence la comédie publique.
et ne faut-il pas être aussi peu religieux et aussi méchant Théologien, que l’est le nouveau défenseur de la Comédie, pour oser dire d’un air moqueur à ceux qui croyant la Comédie défendue, se feraient un scrupule d’y aller: « Jusqu’à présent, je l’avoue, je croyais qu’on défendait les choses parce qu’elles étaient mauvaises, et non pas qu’elles fussent mauvaises, parce qu’elles étaient défendues », page 28. […] L’Année suivante ce religieux Prince fit encore quelques Lois sur les spectacles ; une des plus importantes, est celle qui ordonne aux Juges de n’aller qu’aux jeux qui se représentaient pour la naissance, ou le couronnement des Empereurs, de ne s’y trouver que le matin, de ne distribuer ni or ni argent et de ne permettre pas qu’il s’en représentât jamais le jour de Dimanche, pour ne pas profaner par cette solennité un jour consacré au culte du Seigneur Tit. […] Les Capitulaires de France, soutenus de l’autorité de Louis le Débonnaire, ordonnent que les Laïques, qui par manière de jeu et de divertissement auraient pris des habits de Prêtres ou de Clercs, de Religieux ou de Religieuses, seraient punis corporellement et bannis : mais le Concile général, qui ne prescrit ici que des peines Ecclésiastiques, ordonne seulement trois ans de pénitence publique. […] » Quelque temps après ce Concile, quelques bouffons osèrent prendre des habits de Religieux, et donnèrent lieu à Louis le Débonnaire d’ordonner « Si quis vestem sacerdotalem aut monasticam vel mulieris religiosæ vel qualicumque Ecclesiastico statui similem indutus fuerit, corporali pœnæ subjaceat, et exilio tradatur. […] Cela est d’autant plus remarquable, que bien des gens mal informés, osent avancer, qu’en Espagne, où ce Casuiste écrivait, personne ne trouve à redire qu’on aille à la Comédie, et que plusieurs Religieux ne font point de difficulté de fréquenter les Théâtres.
Or si jusques sous les yeux du Roi, sous la direction d’une Dame pieuse, dans une communauté religieuse, dans un sujet tout saint, un Poëte naturellement poli, doux, modeste, d’une morale sévère, & même alors converti, n’a pas épargné les personnes de la Cour les plus distinguées, un Ministre puissant, le Roi lui-même & le Pape, quelles mesures doivent garder dans un théatre public un vil amas d’Acteurs, sans naissance, sans éducation, sans religion & sans mœurs ?