C’est le foible de la nation ; chez le sexe c’est une fureur : une femme le matin à la toilette consume les heures entières à se parer des nippes qu’elle a acheté la veille, elle va à la comédie, la mode a changé de midi à trois heures, elle est surprise de voir des robes d’un goût différent ; elle est vêtue à l’antique, elle souffre à regret qu’on la regarde, elle en est au désespoir, n’y pouvant plus tenir, elle sort du spectacle au second acte, & va s’enfermer jusqu’à ce que dix couturières qui veillent toute la nuit, la mettent en état de paroître avec honneur le lendemain. […] C. de quels yeux peut-on regarder le crucifix couvert de sang & de plaies, chargé de diamans, trampant sa vie dans la délicatesse ?
L’Auteur des trois siecles, l’un de ses admirateurs, dit pourtant : Comment Moliere, Auteur seulement de trois ou quatre pieces achevées, & de tant d’autres dont le denouement est si peu naturel & les défauts si sensibles, comment avec une prose si négligée, des vers si peu exacts des caracteres outrés, est-il parvenu à se faire regarder comme le premier Poëte comique de tous les théatres connus… Ses comédies sont les seules qui aient eu le pouvoir de reformer les mœurs. […] Le bal est la pompe du Diable ; celle qui le mene est la Prioresse ; ceux qui répondent, les Cleres, ceux qui regardent, les Paroissiens ; les flûtes sont les cloches ; les Menetriers, les Ministres.
Cela est vrai : aussi est-il d’une bonne éducation de faire prendre pendant quelques mois des leçons de danse : mais de faire des danseuses, de faire courir les bals, de mêler les deux sexes dans les danses, la plupart licencieuses, & toujours dangereuses à l’un & à l’autre sexe, regarder, admirer, imiter les danses théatrales, écoles & objets du vice ; c’est l’éducation la plus pernicieuse, qui n’est propre qu’à faire des libertins, & même à énerver le corps. […] Il semble que l’amour des Princes de cette auguste Maison, soit un sentiment général, que la bonté de chacun d’eux se plaît à proroger [ce mot ne regarde que le temps].
C’est s’en jouer encore de faire danser les Thérapeutes & les Anachorètes dans leur désert, de regarder le chœur des Eglises, parce qu’il est plus élevé que la nef, comme un théatre bâti exprès pour y danser, & dire que les Prêtres de la loi nouvelle y dansent pour honorer Dieu, & que l’Evêque est appelé Prélat à presiliendo, parce qu’il commençoit & menoit la danse de la fête. […] Ces femmes publiques étoient en petit nombre dans un endroit écarté, ne séduisoient que quelque voyageur ; nos Sirenes sont sans nombre dans les plus grandes villes, le théatre est par-tout, & par-tout il est plein de monstres demi-femme & demi-poisson, qui ont la Muse Terpsichore à leur tête, & bien loin de s’enchaîner comme Ulisse, de se boucher les oreilles comme ses matelots, on y court, on les appelle chez soi, on n’a ni assez d’oreilles pour les entendre, ni assez d’yeux pour les regarder, ni assez de langues pour les louer, ni assez de bien pour les payer.
Malheureusement ce témoignage serait quelquefois équivoque ; aussi l’administration regarde-t-elle comme un de ses devoirs le soin d’aider et de provoquer ces manifestations de la joie et du contentement populaire. […] Écoutez Orgon parlant de ce fourbe : « Qui suit bien ses leçons goûte une paix profonde, Et comme du fumier regarde tout le monde … … Il m’enseigne à n’avoir affection pour rien.