Sans cesse on nous redit que le Théâtre en soi n’a rien d’illégitime ; que jamais il ne fut moins dangereux pour les mœurs ; qu’on n’y fait point de mal, qu’on en sort l’esprit aussi pur et le cœur aussi calme qu’on y était entré ; que c’est même une école de vertu ; que si les Pères et les Conciles se sont élevés avec tant de force contre les représentations théâtrales de leurs temps, c’est qu’elles offraient alors mille excès visiblement répréhensibles, qu’on a heureusement bannis des Spectacles d’aujourd’hui : qu’après tout il est bien étrange que nous veuillons être plus austères sur le maintien des bonnes mœurs, qu’on ne l’est sous les yeux du Souverain Pontife, à Rome même, « de qui nous avons appris notre Catéchisme, et où l’on ne croit pas que des Dialogues récités sur des planches soient des infamies diaboliques »2, comme s’exprime M. de Voltaire. […] O toi, présent inestimable du Ciel, et le plus pur des dons de sa libéralité, jusques à quand de tristes Lois, une tyrannique Autorité t’imposeront-elles de dures entraves ? […] Voilà ma preuve complète ; et j’ai droit de conclure que ce n’est pas le pur besoin d’un délassement honnête et sans danger qui entraîne aux Spectacles. […] La preuve en est sensible quand on compare cette condamnable conduite, avec celle de ces âmes pures qui font notre consolation : de ces âmes qui ne rougissent point de faire le bien devant le Seigneur, et qui n’ont jamais fléchi le genou devant Baal. […] Bien loin de là ; un moment après cet usage barbare va devenir un pur préjugé ; non pas un de ces préjugés sans conséquence, sur lesquels il y aurait peut-être de la pédanterie de trop fortement appuyer, mais un préjugé sans doute précieux, puisque vous le comprenez parmi ceux qu’on doit respecter.
Tacite dit : Que les Germains avoient les mœurs pures, parce qu’ils fuyoient les spectacles. […] Annonceront-elles des mœurs plus pures, dans les spectateurs, une vertu plus austère, ou produiteront-elles cette belle reforme ? […] « On ne voit fur le Théatre, dirois-je aux Comédiens, que des mœurs pures, des expressions gazées, qu’un jeu modeste.
Quand le souffle empesté de longs orages politiques a corrompu, détruit ou renversé ce que l’Etat offrait de plus pur et de plus imposant, on ne saurait, sans un juste sentiment de reconnaissance et d’admiration, voir son premier Magistrata en relever les débris, en réparer les ruines, et ajouter même à l’éclat de son ancienne splendeur. […] Mais c’était assez pour moi, qui ne voulais que prémunir mes Lecteurs contre le danger de n’attacher d’importance et de prix qu’aux choses de pur agrément, et de flétrir souvent d’une sorte de mépris ce qui vraiment est le plus utile à la société ; c’était, dis-je, assez pour moi d’examiner l’influence de cet art si beau, si puissant de la parole dans l’état civil, afin de montrer le grand intérêt que nous avons tous au succès comme au rétablissement de l’éloquence de la Chaire et du Barreau.
L’Historien de Rome parlant encore un peu plus bas de l’origine de ces Spectacles, dit qu’elle fut pure, mais qu’ils étoient déchus ; & que le désordre étoit presque monté jusq’uà la folie. […] On sent combien une telle autorité doit être respectée ; mais si ce divertissement étoit pur & innocent, il ne mériteroit plus une telle censure ; car si le principe de la vie sérieuse que commande la Religion, étoit porté trop loin, contre la pensée de Bossuet lui-même, il excluroit les plaisirs les plus innocents. […] Il ne seroit point applaudi, mais il saisiroit ; il feroit répandre des larmes ; il ne laisseroit pas respirer ; il inspireroit l’amour des vertus & l’horreur des crimes ; (remarquez ce qui suit) il entreroit fort dans le dessein des meilleures loix ; la Religion même la plus pure n’en seroit point alarmée ; on n’en retrancheroit que de faux ornements qui blessent les regles du goût.
Mais ces déguisements n’ont point de lieu dans le cœur où les mouvements sont tous purs et sans mélange, et où ils ne sont point revêtus de ces voiles qu’ils empruntent lorsqu’ils deviennent extérieurs. […] Il fallait donc des expressions simples et grossières où l’orgueil parût tout pur, et sans déguisement, comme il paraît en ces deux vers.