Si un pareil Ouvrage avait pour Auteur un homme grave et respectable par son état ou par sa dignité, il n’en serait pas pour cela plus à couvert de la critique ; elle serait seulement plus ménagée, et se ressentirait des égards que mériterait l’Auteur : mais qu’il vienne de moi qui, pendant plus de quarante ans, ai exercé la profession de Comédien, qui ne suis ni savant ni homme de Lettres, et qui par conséquent ne mérite ni égard ni ménagement ; c’en est assez pour me faire craindre que mon Livre soit mal reçu, ou qu’il fasse peu d’impression sur mes Lecteurs. Je me rappelle au surplus que le Public n’aura pas oublié que, dans mon Histoire du Théâtre Italien imprimée l’an 1727, je fis les plus grands efforts pour défendre ma Profession : Je rapportais alors les décisions de S. […] Antonin2 qui permettent la Comédie de bonnes mœurs, et qui décident qu’elle peut s’exercer sans péché, et que les Comédiens peuvent vivre du gain de leur Profession : mais, à dire vrai, une Comédie de bonnes mœurs, telle que ces deux Saints la demandent, se trouve-t-elle aisément sur les Théâtres publics ? […] Quand j’écrivis mon Histoire, j’étais encore au Théâtre ; et je ne pouvais en quelque sorte me dispenser de soutenir la Profession que j’exerçais ; j’étouffais peut- être mes véritables sentiments : mais, à présent que je me suis retiré, rien n’arrête plus ma franchise, et il m’est permis de m’expliquer librement.
Le spectacle n’étant point mauvais de sa nature, la profession des acteurs et des actrices, quoique généralement dangereuse pour le salut, ne doit pas être regardée comme une profession absolument mauvaise : « Ludus, dit le Docteur angélique, est necessarius ad conversationem vitæ humanæ. […] En effet, il n’existe aucune loi générale qui proscrive cette profession sous peine d’excommunication. […] Si le malade ne paraît pas disposé à renoncer à sa profession, il est prudent, à notre avis, de n’exiger que la simple déclaration que, s’il recouvre la santé, il s’en rapportera à la décision de l’évêque. […] Si, après avoir recouvré la santé, l’acteur a recours à la décision de l’évêque, celui-ci verra dans sa sagesse, eu égard aux circonstances et aux dispositions du sujet, s’il doit exiger absolument qu’il abandonne le théâtre, aussitôt que possible ; ou s’il est prudent de tolérer qu’il le suive encore plus ou moins de temps, tout en lui indiquant les moyens à prendre pour se prémunir fortement contre les dangers inséparables de sa profession.
Nous ajouterons, en passant, que dans l’antiquité, comme chez les modernes, la profession de comédien eut également des attraits pour les nobles ou gentilshommes. […] Il exerçait la profession de bateleur. […] On pourrait encore citer un grand nombre de gentilshommes qui, jusqu’à nos jours, par goût encore plus que par nécessité, se vouèrent à la profession de comédien, qui d’ailleurs avait obtenu le privilège extraordinaire et bien remarquable de ne point déroger à la noblesse. Or, on n’a jamais vu de gentilshommes excommuniés pour avoir joué la comédie et en avoir exercé la profession. […] Le clergé, à des époques plus ou moins reculées, en donnant lui-même l’essor à des comédies, la plupart licencieuses et de mauvais goût, était bien éloigné de se montrer rigoriste envers les comédiens dont, en quelque sorte, il partageait la profession.
Non, le pauvre Jocrisse voit faire tous les apprêts de la profession sans rien dire. […] Ces deux choses se détruisent mutuellement, une ame forte & une profession forcée. Le désespoir après la profession seroit plus plausible. […] Mais voilà un vœu, une vraie profession qu’elle fait à son amant. […] S’ils sont désabusés trop tard, ils n’ont donc pas été forcés avant la profession.
Adjuration de la profession de comédien, exigée par le clergé, page 75 ; ne peut avoir lieu à l’égard des comédiens du troisième âge, qui sont institués par la puissance séculière, pag. 127 ; c’est un délit que commet le clergé de l’exiger, et les procureurs du Roi doivent en connaître, pag. 132, 134. […] Clerge, seconde l’institution des comédiens en France, pag. 88 ; fournit la chapelle de la Sainte Trinité, pour y faire jouer la comédie, pag. 91 ; paie les comédiens représentant les mystères, pag. 93 ; tolère que les farceurs représentent la Sainte Eglise, et le pape la tiare en tête, dans la comédie de Mère Sotte, pag. 99 ; remplit lui-même, dans les églises, des rôles d’acteurs et de comédiens, pag. 128 ; fait un abus de pouvoir, et commet un délit en blâmant et punissant l’exercice d’une profession instituée et protégée par les lois civiles et les diplômes de nos rois, pag. 131 ; les procureurs du roi doivent poursuivre ce délit, qui consiste dans la demande de l’abjuration, et dans le refus de sépulture, pag. 134 et suiv., et 282 ; le clergé emploie deux poids et deux mesures dans sa conduite envers les comédiens ; cette divergence tourne contre lui, par les preuves singulières qu’on en fournit, pag. 159 ; les cardinaux, princes de l’Eglise, sont les protecteurs de nos premiers comédiens, pag. 164 ; l’abbé Perrin est lui-même directeur de l’Opéra de Paris, pag. 167 ; les papes, chefs de l’Eglise, instituent des théâtres de leurs propres deniers, et les organisent, pag. 168 ; les cordeliers, les capucins, les augustins, tous prêtres de l’Eglise romaine, présentent des placets aux comédiens, pour en obtenir des aumônes, et ils promettent de prier Dieu pour le succès de leur troupe, qu’ils ont la politesse de nommer chère compagnie, pag. 175 ; les comédiens n’étant pas excommuniés dénoncés ne sont point soumis aux anathèmes de l’Eglise, et les prêtres qui les leur appliqueraient devraient être, selon les lois ecclésiastiques, suspendus de leurs fonctions, pag. 182 ; processions, messes et autres cérémonies religieuses, pratiquées par le clergé, qui sont remplies d’obscénités et de scandales, et bien plus nuisibles à la religion que les comédies, pag. 201 ; élection des archevêques et évêques des fous, dans les orgies des diacres et sous-diacres, pag. 280 ; le clergé en habits de mascarade et de théâtre, pag. […] Comediens, chez les Grecs et les Romains, pag. 1 ; en France, pag. 63 ; prennent leur origine dans les confrères de la Passion de N.S.J.C., société de pèlerins qui s’était réunie pour jouer les saints mystères, pag. 85 ; obtiennent en 1402 des lettres patentes de Charles VI, pag. 90 ; et de François 1er en 1518, pag. 94 ; sont obligés par arrêt du parlement de Paris, de 1548, de ne plus établir leurs comédies que sur des sujets profanes, pag. 101 ; succèdent entièrement aux confrères de la Passion, pag. 103 ; obtiennent des privilèges, p. 107 ; leurs pièces soumises aux procureurs du roi, pag. 108 ; ils sont admis au Louvre et protégés du roi Louis XIV, pag. 112 ; la législation change en leur faveur, pag. 114 ; jouissaient à l’exclusion des autres classes du privilège de conserver leur noblesse, pag. 116 ; leurs droits comme citoyens dans l’Etat, pag. 125 ; leur profession étant instituée et protégée par les lois civiles et les diplômes du prince, ils n’en sont plus comptables au clergé, pag. 131 ; l’abjuration que le clergé exige de leur profession, ainsi que le refus de sépulture, qu’il leur fait à leur décès, sont des délits que les procureurs du Roi doivent poursuivre devant les tribunaux, pag. 134 et 282 ; ils font l’aumône aux cordeliers, aux capucins, aux augustins, qui la leur demandent par placet, et qui promettent de prier Dieu pour leur chère compagnie, pag. 175 ; les comédiens n’étant pas excommuniés dénoncés, le clergé ne peut leur faire l’application des anathèmes, pag. 182 ; saints et saintes honorés par l’Eglise romaine, et qui ont été comediens, pag. 193 ; piété et bienfaisance de Beauchâteau comédien, pag. 365*. […] Procureurs du roi, furent chargés de la censure de nos premières comédies, pag. 108 ; ils doivent connaître du délit que le clergé commet en demandant l’abjuration de la profession de comédien, instituée par nos lois civiles et par les diplômes du prince et en faisant le refus de sépulture, pag. 134, 138 et 143 ; les comédiens n’étant point excommuniés dénoncés ne sont pas passibles des anathèmes, pag. 182 ; ils doivent surveiller la conduite des ecclésiastiques de leur arrondissement, pag. 339. […] Saints et saintes, honorés par l’Eglise romaine, qui ont exercé la profession de comédiens, pag. 193.