/ 398
85. (1819) La Criticomanie, (scénique), dernière cause de la décadence de la religion et des mœurs. Tome II « Résumé et moyens de réformation. » pp. 105-200

Entre les différents moyens depuis long-temps indiqués, pour là réformation du théâtre, je crois devoir recommander d’abord celui de cesser de condamner en principe, ou en théorie, ce que nous approuvons dans la pratique ; je veux dire, de commencer par être plus conséquents et plus justes envers les hommes qui se vouent au théâtre, soit comme auteurs2, soit comme acteurs, et reconnaître le droit qu’ils ont, lorsque d’ailleurs ils sont bons citoyens, à l’estime et à la considération dont ils jouissent de fait, par un accord à peu-près général ; et ôter enfin à un petit nombre de gens de bonne foi, et à tous les gens de mauvaise humeur, le droit de traiter d’infâmes la profession ou les personnes de Molière, de Corneille, Racine, Voltaire, et de Lekain, de Molé, Larive, Talma, des idolâtrées Comtat, Raucourt, Mars, etc., lesquels ont emporté les regrets, ou font encore aujourd’hui les délices et l’admiration des Français et des étrangers, qui leur rendent les plus grands honneurs, qui leur élèvent des statues. […] Il est si raisonnable, si juste et si facile (moyennant la réformation votée ), d’établir une distinction satisfaisante entre les comédies et comédiens actuels, et les ordures ou farces et farceurs qui ont motivé dans le principe les monitions et les peines spirituelles, qu’il est à espérer que les sages législateurs des deux ordres s’en occuperont, et trouveront convenable à notre temps et conforme à la justice de faire revivre une ancienne déclaration d’un roi de France, de Louis XIII. […] C’est en parcourant trop librement cet intervalle que tant de mauvais exemples impunis et impunissables par la loi en montrent les voies détournées à la jeunesse, lui apprennent à se jouer de la morale et des principes, ôtent peu à peu à la justice et à l’humanité leur empire sur les cœurs. […] Afin de parvenir au but éloigné, aussi difficile à atteindre qu’il est désirable, j’en conviens, d’accorder leurs moyens respectifs d’instruction et de réforme, de coordonner leurs principes et réglements, leurs systèmes ou méthodes, et les mettre assez en harmonie pour qu’à l’avenir les écoles complémentaires du théâtre tendent véritablement au complément, à la perfection et au maintien de l’éducation précédente des autres écoles, ou du moins pour qu’elles n’en détruisent plus l’effet par un second apprentissage de la vie tout-à-fait opposé au premier ; pour parvenir, dis-je, à ce but désirable, sine quo non mores, il sera nécessaire alors que l’élite des auteurs et artistes dramatiques, que ces hommes distingués, recommandables par leurs mœurs autant que par leurs talents, et par leur influence ou ascendant sur leur société soient adjoints au conseil d’administration générale de l’instruction publique, et prennent part à ses délibérations, dont ils seront chargés de transmettre les résultats aux conseils également combinés des écoles des départements, avec lesquels ils entretiendront une correspondance habituelle. […] C’est dans cet ouvrage où, pour appuyer la nécessité du remède que j’y invoque, je prouve par des raisons et par des faits que dans un temps ordinaire, à l’âge de notre société, au degré d’avancement où en sont maintenant les arts, les métiers et le luxe (à moins qu’il ne s’agisse d’introduire chez nous quelque branche essentielle d’industrie, que nous aurions encore à envier raisonnablement à l’étranger), les établissements nouveaux, surtout les grands et ambitieux que la cupidité attache aux corps des anciens, ne sont que des superfétations voraces qui en tirent les sucs, qui détournent la sève industrielle de ses voies ordinaires, entravent la progression naturelle et la plus juste distribution de l’industrie, lesquelles s’effectuent le mieux possible par la succession constante et régulière des maîtres et des établissements particuliers de tous les genres qui, d’ailleurs, réunissent dans leurs nombreuses communautés respectives, et au plus haut degré actuellement, tous les principes, tous les motifs et moyens de l’émulation souvent prétextée dans les fréquents projets de ces accaparements d’industrie ; accaparements encore facilités, pour le malheur des dernières classes, (la déplorable situation actuelle du peuple anglais en fournit une nouvelle preuve incontestable), par la multiplication sans bornes des machines, ou bras de bois, qui paralysent funestement ceux des hommes ; ce que je crois y avoir bien démontré aussi.

86. (1694) Réponse à la lettre du théologien, défenseur de la comédie « Réponse à la lettre du théologien, défenseur de la comédie. » pp. 1-45

Afin qu’il n’y manque rien le Théologien s’imagine que son sentiment est le même que celui d’Albert le Grand ne pouvant comprendre, que ce Docteur loue des actions indifférentes en elles-mêmes, produites par un bon principe, et rapportées à une bonne fin : des actions que la reconnaissance envers Dieu produit : au lieu que la Comédie ( j’entends toujours celle qui est reçue parmi nous) n’est point indifférente, n’a pour principe que la corruption du cœur humain, n’a pour fin que d’exciter des passions toujours injustes ; ou quelque fin qu’on lui donne ne produit jamais que des fruits de malédiction, comme je l’ai déjà fait voir. […] C’est précisément le principe des railleries que les hommes ont faites les uns des autres dès le commencement du Monde. […] C’est assez qu’il ne puisse, sans démentir ses principes, refuser sa présence aux Spectacles, et la rétribution aux Comédiens. […] Si on ne ferme point le Théâtre, c’est par pure politique ; et si on le condamne, c’est par principe de Religion. […] On saura bien les guérir et les instruire en leur donnant pour principe que le Théâtre Français est épuré, qu’il est moral, qu’il est Chrétien, que tout y est conforme à là piété et aux bonnes mœurs.

87. (1758) Causes de la décadence du goût sur le théatre. Première partie « Causes de la décadence du goût sur le théâtre. — Chapitre XIII. De l’éducation des jeunes Poëtes, de leurs talents & de leurs sociétés. » pp. 204-218

Quand les plus célébres Poëtes ont médité les principes de l’art toute leur vie ; quand ils ont passé les jours & les nuits à consulter les Anciens, à se nourrir des beautés de leurs ouvrages ; quand ils ont puisé les plus grands traits de leurs Poëmes dans ces sources ; quand après des refléxions profondes, des veilles opiniâtres, & avec un génie brillant, ils se sont à peine crus en état de porter ce noble fardeau, & n’ont proposé leurs découvertes qu’avec modestie, & que comme des doutes ; nous verrons des enfans sans principes, sans connoissances, s’abandonner à une yvresse aveugle, & se croire supérieurs à tout ce qu’exige le Théatre ?

88. (1762) Lettres historiques et critiques sur les spectacles, adressées à Mlle Clairon « Lettres sur les Spectacles à Mademoiselle Clairon. — LETTRE V. » pp. 82-97

Ces autorités ne vous persuaderont pas, Mademoiselle, vous les prendrez pour des déclamations vagues, qui ne portent point sur les représentations de la Comédie Françoise : ainsi je dois leur donner pour appui un principe que vous ne puissiez contester. […] Il ne manque à ces principes, Mademoiselle, qu’un petit détail ; on ne doit pas le refuser à votre instruction ; mais de peur que vous ne soyez excédée, je renvoye cet article à l’ordinaire prochain.

89. (1825) Encore des comédiens et du clergé « CHAPITRE III. De la comédie et des comédiens chez les païens et chez les chrétiens. » pp. 101-112

de Sénancourt va me dire encore que c’est nuire à la religion et exciter la haine contre les prêtres, que de dévoiler leur inconduite et leur corruption ; et moi je lui répondrai que c’est précisément ce fatal principe qui a le plus nui jusqu’à présent à la religion et au respect qu’on doit aux bons prêtres. […] de Sénancourt ne sait donc pas que ce principe qu’il professe, se trouve inscrit positivement et clairement dans les constitutions de l’infâme société des jésuites dont on ne saurait trop dévoiler les doctrines fausses et horribles ainsi que tant d’auteurs l’ont prouvé et pour ainsi dire inutilement, tant est grande leur influence !

/ 398