premier essai se fit au Bourg de saint Maur ; ils prirent pour sujet la Passion de Notre-Seigneur ; cela parut nouveau : le Prévôt de Paris en fut averti, et il y pourvut par une Ordonnance du troisième Juin 1398. […] premier théâtre Français a subsisté en ce lieu, à n’y représenter que des pièces de piété ou de morale, sous ce titre commun de Moralités, pendant près d’un siècle et demi.
Aussi dès que l’ennemi de la pudeur approche, le sang s’élève contre lui, s’oppose au premier choc, et supplée au raisonnement et à la réflexion. […] Que peut-on faire de plus que de l’anoblir ainsi en la rendant familière aux personnes du premier rang ? […] sort de toute mesure dans une semblable occasion : il donne un galimatias d’obscénités et de pédanteries à l’un de ses premiers personnages. […] Les paroles sales et les railleries qui tombent sur des personnes du premier rang paraissent très propres à faire rire : mais c’est là ravaler la Comédie à sa basse origine, et sauter du Théâtre dans le tombereau de Thespis. […] Premier Prologue d’une autre pièce de Fletcher.
En effet depuis quelques années on avait essayé de faire des opérasm Français, et par une destinée singulière les deux premiers furent composés par des Ecclésiastiques, que les canons de l’Eglise n’avaient jamais chargén de cet emploi, et qui ont été suivis par Boyer, Pic, Pélegrin, la Mothe, Abeille, etc. […] Il se trouva dix ou douze Docteurs qui décidèrent que supposé que dans la comédie il n’y eût rien de scandaleux, ni de contraire aux bonnes mœurs, on pouvait l’entendre ; que l’usage de l’Eglise avait beaucoup diminué de la sévérité apostolique des premiers siècles ; ainsi la conscience de la Reine fut en repos. […] Quant à ce qu’on leur fait dire que le Prince n’a pas le même Evangile à suivre que les particuliers, que l’Eglise d’aujourd’hui n’est pas aussi sévère que celle des premiers siècles sur la condamnation du vice et les occasions du péché, c’est une morale de courtisan que la Sorbonne n’a jamais enseignée et autorisée par ses décisions. […] Le Cardinal Bernard de Bibiane fit représenter en 1516 devant Léon X la comédie intitulée, la Kalandre, une des premières qui aient paru en machines (Vie de Quinault, pag.
Racine, à l’âge de dix huit ou vingt ans, choisit le sujet de la Thébaïde pour sa première Tragédie ; et en même temps il reconnaît que l’amour, qui a d’ordinaire tant de part dans les Tragédies, n’en a presque point dans la Thébaïde, et même qu’il ne doit pas y en avoir. […] Pierre Corneille se fait une gloire de ne pas avoir traité l’amour, comme à l’ordinaire, dans sa Tragédie de Sertorius : Racine, au contraire, semble vouloir s’excuser d’avoir donné très peu de part à l’amour, dans sa Thébaïde : c’est que le premier était âgé et jouissait d’une réputation bien affermie ; le second était encore très jeune, et la Thébaïde était son premier essai. Racine connaissait trop bien l’antiquité ; il avait trop lu Sophocle et Euripide, pour tirer vanité (comme a fait Corneille) d’avoir su se passer de l’amour dans sa Thébaïde : mais il s’en serait passé sans doute, s’il l’eût osé, dans toutes ses autres Tragédies, comme dans sa première. […] Après toutes ces réflexions, qui prouvent suffisamment la différence qui se trouve entre les deux intrigues d’amour des Tragédies de Mithridate et de Rhadamiste, je crois que, d’avoir rejeté cette première ne doit point m’empêcher d’adopter la seconde, qui me paraît en toutes ses parties tendre à l’instruction des Spectateurs.
Je n’oublierais pas assurément Dom Sanche, si l’Auteur, comme vous l’avez très ingénieusement démêlé en parlant de Molière, n’eût, à l’exemple de ce fameux Comique, défiguré un si bel ouvrage par un dénouement postiche, contraire aux mœurs établies dans les quatre premiers actes de la pièce, et amené seulement pour ne pas blesser les préjugés de sa nation, et pour s’assurer davantage des applaudissements du parterre, qu’il a préférés aux éloges du sage3 et au but le plus noble qu’ait pu se proposer l’art dramatique. […] Peut-être a-t-il pensé que le fils d’un Pêcheur, élevé par son courage aux premiers emplois de l’Etat, instruit par le malheur à chérir l’humanité, exercé dans son obscurité aux vertus paisibles, et plus satisfait de mériter une couronne, que de la porter, était un personnage plus digne de charmer un Philosophe, que d’occuper un grand Poète : et pour m’expliquer enfin sur ce sujet, sans ambiguïté, ou Corneille n’osant déplaire aux Grands, a pris le parti de les flatter ; ou il n’a pas jugé que ses contemporains fussent assez avancés pour préférer le beau naturel au gigantesque, et la vérité aux fictions : j’abandonnerai donc cette production imparfaite, et avant de chercher de nouveaux exemples qui confirment mon opinion, je vais prévenir vos objections (autant qu’il sera en moi) et combattre les principes que vous avez quelquefois supposés, plutôt qu’établis. […] Si Alexandre, en lisant l’Iliade, conçut le dessein de surpasser les exploits d’Achille, qui sait combien la clémence d’Auguste, depuis sa première représentation, a conservé de têtes dans l’Europe ? […] En ce premier état, il est très criminel ; en ce dernier, très homme de bien, etc. etc. » « Si nous imputons son désastre à sa bonne foi, notre crainte ne purgera qu’une facilité de confiance sur la parole d’un ennemi, qui est plutôt une qualité d’honnête-homme, qu’une vicieuse habitude, etc. etc. » Du reste, si Thyeste « tient de près à chacun de nous, et nous attache, par cela seul qu’il est faible et malheureux », je doute qu’il intéresse autant qu’un Alvarès, et que plusieurs autres personnages mis au théâtre par M. de Voltaire, qu’on peut appeler le Poète de l’humanité.