En effet, lorsque nous savons par tradition et par nos propres observations que des hommes de tous les rangs, que des princes même, que des prêtres, que des prélats, des pontifes, ont donné des exemples de toutes les perfidies et de tous les scandales, qu’ils ont même commis des atrocités, pourquoi tant d’art et d’apprêts, et de si ingénieux tours de force pour nous dire une chose que nous ne devons pas avoir de peine à croire, pour nous montrer qu’un petit particulier, clerc ou laïc, déguisé en dévot veut séduire une femme et encore avoir sa fortune par-dessus le marché ?
Le théatre est leur temple, l’opéra leur culte, les chansons lascives leurs cantiques, & les danses leurs fêtes, les Actrices leurs Prêtresses ; à la place du nom de Jesus, de la croix, de la crêche, on voit la coquille de Venus, ses amours avec Mars, de Ganimede & Jupiter, la pluie d’or de Danaé. […] C. meurt par les mains du Prêtre.
La musique dès son institution fut consacrée à servir dans les Temples des Dieux ; une foule de Prêtres célébrait apparemment en chœur le Dieu qu’on adorait : voilà ce qui fit naître la prémière idée du grand Opéra chez les anciens. […] On y voit de simples mortels & des Hèros ; des Guerriers & des Prêtres ; des Bergères & des Princesses ; des Nations entières & des Rois ; des Démons & des Dieux ; des Magiciens & des Enchanteresses : d’horribles déserts sont remplacés par des campagnes riantes ; des jardins magnifiques sont changés tout-à-coup en des rochers arides, en des gouffres affreux ; une sombre forêt est suivie d’un palais superbe ; la nuit la plus obscure succède au jour le plus vif ; l’enfer paraît dans des lieux où l’on admirait l’Olimpe.
Cet éloquent Prêtre de Marseille qui vivait dans le V. siècle témoigne que de son temps, en recevant le Baptême, l’on avait accoutumé de renoncer particulièrement aux spectacles. […] sujet de mes plaintes, dit encore ce saint Prêtre, c’est qu’en allant à la Comédie nous devenons plus coupables et plus inexcusables que les païens et les barbares.
Gresset, cet art que les Prophètes ont rendu si respectable, cet art si justement appelé par les Païens le langage des Dieux : le mauvais usage qu’on en a pu faire ne doit pas le faire proscrire, ou bien il faudrait par la même raison, ne plus méditer sur les Saintes Ecritures ; puisque les hérétiques en ont abusé par les sens forcés qu’il leur a plu de donner à quelques passages : je sais bien que des spectateurs impies, au lieu de s’en tenir au sens naturel d’une pensée croient souvent voir une impiété enveloppée dans un vers très innocent en soi, ils veulent croire, par exemple, que nos Ministres Ecclesiastiques sont attaqués et la Religion outragée dans ces deux vers de la Tragédie d’Oedipe de Mr. de Voltaire, Nos Prêtres ne sont pas ce qu’un vain peuple pense : Notre crédulité fait toute leur Science. […] Marchands, Financiers, Procureurs, Avocats, Employés, Prêtres, Séculiers, Réguliers, interrogez votre cœur et ne répondez que d’après lui, on verra si j’ai tort.