Ces principes ne sçauroient être contestés par personne ; mais ceux qui se montrent contraires à la liberté du théâtre, prétendent que, dans ce cas, leur application est dangereuse. […] Ceux qui conviennent de la nécessité de la concurrence pour les progrès de l’art dramatique, prétendent qu’on doit se borner à l’érection d’un autre grand théâtre. […] Il est inutile de répondre à ceux qui prétendent que les troupes seroient trop fatiguées par la garde qu’il faudroit faire. […] Ils prétendent que, si d’autres comédiens se permettent de jouer leurs pieces, ils seront ruinés. Ils comptent donc bien peu sur leurs talens, sur cette tradition qu’ils prétendent posséder seuls, s’ils ne se croient pas en état de soutenir la concurrence ?
Le public prétend-il conserver ses droits en abusant ? prétend-il qu’on veuille lui plaire, si l’unique moyen d’y réussir est de le corrompre ? […] Quand on n’a plus rien à prétendre, on doit jouir dans une molle oisiveté.
Si cette Lettre n’est pas signée, ce n’est pas que l’on ait prétendu abuser du titre d’Anonyme, pour attaquer impunément un homme illustre qui n’a pas moins mérité, par ses écrits, de sa république, que de celle des Lettres.
Vous que les Muses ont nourris de leur Ambroisie, c’est à dire des douceurs de l’espérance, vous prétendez donc consacrer vos veilles à l’Opéra-Bouffon ? […] Celui qui veut composer une Tragédie tâche d’être souvent au milieu des Grecs & des Romains ; il lit de nombreux volumes, il s’éfforce de faire connaissance avec les Héros qu’il prétend faire revivre : Les Auteurs de notre Opéra doivent à son imitation, chercher la compagnie des personnages qu’ils font agir. […] Comment prétendez-vous saisir toutes ces nuances, si vous ne le suivez de près, si vous n’êtes souvent à ses côtés ?
Thomas prétend que ceux qui sont obligés de faire pénitence pour leurs péchés, doivent s’en abstenir par esprit de mortification, de recueillement, d’union avec Dieu. […] Qu’un Quiétiste, qui ne s’embarrasse pas de la partie-inférieure, pourvu que son esprit demeure uni à Dieu, prétende que la comédie n’altère point en lui cette sublime union & cette céleste aphatie, on gémira de son erreur ; les oracles de l’Eglise nous en font sentir le danger, & ce n’est pas l’asyle dans lequel les amateurs du spectacle se réfugient. […] Il prétend que les Musiciens & les amateurs de la musique ne sont la plupart que des gens frivoles & dissolus ; il ne permet pas même que les femmes y chantent : La douceur de leur voix, dit-il, est dangereuse & porte à l’impureté : Audire mulierum cantus periculosum, & ad lasciviam invitativum, ideò eavendum. […] Le théatre est donc interdit au grand nombre, qui y pèche réellement, & au petit nombre, qui prétend ne pas y pécher, parce qu’il le met dans un danger évident de pécher. […] S’ils n’ont rien éprouvé de criminel au spectacle, c’est une ignorance, un aveuglement volontaire & inexcusable, contraire au sentiment de tout le monde & à leur propre conscience, une punition redoutable ; que la tolérance des Princes n’excuse pas devant Dieu ceux qui y vont ; que le projet de réformer le théatre, proposé par Muratori & par Riccoboni, est une chimère ; que le théatre ne sert de rien pour corriger les mœurs ni des Princes ni des particuliers, & ne travaille point en effet à les réformer ; qu’il ne produit d’ailleurs aucun bien, qu’il n’attire point les étrangers, n’enrichit point l’Etat, n’empêche aucun autre crime, n’est point nécessaire au divertissement du public, nuit au contraire à tout ; & fait les plus grands maux ; que si quelques Casuistes ont été plus indulgens, ils sont très-répréhensibles ; que leur opinion même, bien appréciée, n’est pas si favorable qu’on pense, & réduit presque à rien la liberté qu’on prétend se donner ; qu’ils ont contr’eux les plus grands hommes, dont le suffrage est bien préférable, le Pape Benoît XIV, le Cardinal Bellarmin, Bossuet, Jacques Pignatelli, Mariana, &c.