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108. (1768) Réflexions morales, politiques, historiques et littéraires sur le théatre. Livre onzieme « Réflexions morales, politiques, historiques, et littéraires, sur le théatre. — Chapitre III. De la Dédicace de la Statue de Voltaire. » pp. 71-94

De quelque part que l’argent vienne à la caisse de M. d’Alembert, je répons qu’il sera bien venu, & le secretaire de l’Académie n’exigera pas plus de lettres de noblesse qu’il n’en exige de la plupart des académiciens, dont les ouvrages encore dans le porte-feuille, n’ont été ni avoués ni désavoués du public ; les louis d’or sont bien nobles, ils portent l’image du Roi ; ils sont bien savants, & font une foule de savants en tout genre. […] avec chacune sa piece à la main ; enfin, une troupe de génies de la philosophie avec des compas, de l’histoire avec le portrait de Charles XII, du Poëme Epique & du cheval d’Henri IV, de Louis XIV & de son siécle ; c’est ainsi que les Romains dans leurs funérailles faisoient porter les statues de leurs ancêtres, & que les triomphateurs trainoient à leurs chats les esclaves, & les dépouilles des nations qu’ils avoient vaincues. […] Un cheval Pégase, de carton, qui ne fut jamais retif à Voltaire, y voloit dans les airs, porté sur un nuage, par la main d’une actrice ; l’hypocrene & le permesse couloient à grands flots sur la toile, & enivroient de leurs eaux sacrées tous les Voltairistes ; les neuf muses, la divine Uranie & sa dévote Epitre, Melpomêne & ses Cothurnes, Thalie & ses Masques, &c. […] après ce sacrifice dont le parfum flattoit l’odorat de la nouvelle Divinité ; elle lui met de sa main charmante, accoutumée à porter tant de sceptres, une couronne de laurier sur la tête, alors tous les violons, violes, violoncelles, flutes, haubois, flageolet, fifres, trompettes, timballes font rétentir les airs, tous se prosterne aux pieds de la statue, & de toute part on s’écrie vive le grand, l’immortel, le divin Voltaire. […] Qu’est-ce que ce style de harangeres, les cris de la canaille, & quelle est cette canaille qui s’avise de porter envie à Voltaire ?

109. (1775) Réflexions morales, politiques, historiques et littéraires sur le théatre. Livre dix-septieme « Réflexions morales, politiques, historiques et littéraires sur le théatre. — Chapitre III. Théatre de Pologne. » pp. 80-105

Pour assurer l’empire du Schisme au préjudice de la Catholicité, les troupes ruffiennes se sont répandues comme un torrent débordé ; & ces anges de paix, qui disoient vouloir l’établir par la tolérance, ont porté par tout se fer & le feu. […] Le palatin de Gnesne proposa par son ordre à l’illustre Délégation, que, pour perpétuer un si belle institution, si utile à l’Education nationale, il falloit porter une constitution qui, à chaque élection de Roi, seroit inséree dans les Pacta conventa, pour obliger tous les entrepreneurs de comédie, opera, farce, bal, ballet, redoute, & généralement de tous les spectacles, de louer de l’illustre maison des Sultowki tous les bâtimens nécessaires à leurs jeux, & le prince offrit de bâtir sur son terrein un hôtel exprès pour eux, & très-commode pour le public, dans un quartier appellée le Nouveau Monde : ce qui feroit un nouveau monde en effet. […] Il y a ajouté un impôt sur les cartes : elles sont toutes timbrées à son profit, & on ne peut en employer d’autres que celles qui portent son timbre. […] Cette piece répandue dans le public est une nouvelle gazette qui donne au législateur actuel de la Pologne, des coups de pinceau aussi peu favorables que ceux des gazettes étrangeres, dont il s’est plaint si amerement en différentes cours, & qu’il a fait brûler dans la place publique du théatre, & dont les cendres voltigeant portées au loin par le vent de la renommée, lui assurent l’immortalité. […] & autres personnes de différens états & conditions, & une troupe de musiciens, de fiacres & autres gens de la plus basse espece, vous avez fait bien avant dans la nuit, à la lueur des flambeaux, une irruption dans la maison du Sérénissime Prince Weroninski, Nonce du même Palatinat de Braclaw, dont sont les Princes Czerseverstizki, & que m’y étant présenté à vous ; Amplissime Seigneur Poninski, vous m’avez attaqué par des paroles injurieuses à mon honneur, à ma réputation, vous avez même fait effort pour porter la main sur ma personne, & m’avez calomnié en ces termes : Voici mon ennemi, toujourt contraire à mes sentimens, que je méprise comme indigne d’être mon ami.

110. (1763) Réflexions sur le théâtre, vol. 2 « Chapitre IV. Bassesse légale du métier de Comédien. » pp. 75-100

Pour des maris et des femmes légitimes, le plus mince bourgeois, s’il a des sentiments, ne s’est pas encore avisé de se pourvoir à cette pépinière, ou si quelque honnête famille, par l’aveugle entêtement d’un enfant, s’est vu obligée d’accepter une si honteuse alliance, le contrat a dû porter, par une clause bien expresse, que le futur ou la future quitterait la profession. […] La sage gravité des Chinois, qui ne permet pas d’avilir la science et la magistrature, a porté une loi qui défend aux bourreaux, bouchers, Comédiens et bâtards, et à leurs enfants, d’entrer au nombre des lettrés, ni d’obtenir aucun grade, et par conséquent les exclut du mandarinat, c’est-à-dire de toute charge publique. […] Il est certain qu’un Gentilhomme qui aurait la bassesse de se faire Comédien, dérogerait et perdrait sa noblesse, qu’il devrait être imposé à la taille et payer le droit de franc-fief, qu’il ne devrait plus avoir d’armoiries ni porter l’épée, et ne pourrait être reçu dans aucun corps où il faut faire preuve de noblesse. […] Quoi qu’il en soit, ce procès n’ayant porté que sur une exception particulière, personne n’ignore au Palais qu’un pareil préjugé, aussi bien que la noblesse de Lully, ne fait que confirmer la règle. […]  10.), rapporte qu’un particulier ayant bâti un théâtre à Vienne dans les Gaules, les Magistrats le firent abattre ; on en porta plainte à Trajan, l’un des plus grands Empereurs qu’ait eu Rome.

111. (1603) La première atteinte contre ceux qui accusent les comédies « A la signore Isabelle » pp. 25-

S’il leur faut des louanges dignes de leurs mérites, imitez ce Dieu dont vous avez la langue et l’esprit : faites-les vous-même, ainsi que d’une seule bague il ôte et envoie le sommeil, si des Grâces qui égalent celles qu’ils portent vous les devez figurer ; car c’est vous qui êtes peinte en ces beaux et rares vers, qui ont dépouillé le Parnasse de ses fleurs, et fait une Iris en terre pour recevoir l’image de votre Soleil, qui se tire lui-même ; parce qu’aucun peintre ne le peut représenter.

112. (1667) Traité de la comédie « Traité de la comédie — VIII.  » p. 462

Dieu attache quelquefois le salut de certaines personnes à des paroles de vérité qu'il a semées dans leur âme vingt ans auparavant, et qu'il réveille quand il lui plaît, pour leur faire produire des fruits de vie; et le diable de même se contente quelquefois de remplir la mémoire de ces images sans passer plus avant, et sans en former encore aucune tentation sensible ; et ensuite, après un long temps, il les excite et les réveille sans même qu'on se souvienne comment elles y sont entrées, afin de leur faire porter les fruits de la mort, « ut fructificent morti », qui est l'unique but qu'il se propose en tout ce qu'il fait à l'égard des hommes.

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