De sorte qu’estre Poëte & ne sçavoir pas chanter, c’est n’estre qu’à demy Poëte, où n’estre qu’un Poëte en vers, qu’un pauvre faiseur de rimes, ou qu’un miserable arpenteur des mesures & des cadences soit anciennes, soit modernes, soit Françoises ou Estrangeres. […] C’est au Poëte sans doute à en ordonner la qualité & le mouvement. […] Pour la forme ; de la neteté du moule, & de la parfaite ressemblance avec l’Idée du Poëte, & avec l’objet de cette Idée. […] L’invention du Poëte peut beaucoup en ces rencontres. […] Parce que les soins du Poëte n’y sont point contraints ni contrariez, cõme dans un Iardin, dans une Place ou dans une Campagne.
Cet Auteur a eu le plaisir de voir combien nos Poètes sont des adversaires méprisables, lorsqu’ils sortent de leur sphère, et qu’ils se mêlent de parler raison. […] Collier, qui cite tous les anciens Poètes avec lesquels il confronte ceux de sa nation, qu’on n’en croira M. de S. […] Cette traduction pourra encore être utile à nos Poètes Dramatiques en particulier. […] Collier fait des Poètes anciens, et les louanges qu’il donne au Théâtre Français du siècle passé, auront peut-être ces deux bons effets. […] A propos de citations, j’en ai supprimé quelques-unes des Poètes Anglais : j’espère que M.
Si, par le secours de la Prosopopée, la Comédie paraissait sur la Scène, et qu’elle nous parlait elle-même de sa naissance, de ses progrès et de sa décadence ; que de plaintes ne ferait-elle pas contre les Poètes dramatiques modernes ? […] Elle les jugerait dignes de la punition que Platon prononce contre les Poètes, corrupteurs des bonnes mœurs, en les chassant de sa République, comme gens capables de troubler l’harmonie d’un bon Gouvernement ; et je suis persuadé qu’elle les exhorterait à embrasser une autre profession, que celle d’écrire pour le Théâtre. […] Je sais, par le témoignage de tant d’excellents Ecrivains de l’antiquité, que la Comédie est un délassement agréable qui dédommage des fatigues du travail : que Cicéron appella les Poètes comiques, des Poètes amis de l’innocence : que l’on peut rapporter une infinité d’exemples des amusements honnêtes, que les plus grands Hommes ont fait succéder à leurs occupations sérieuses et importantes : que les personnes les plus sages se livrent quelquefois à des moments de loisir et de récréation, qui ne prennent rien sur leurs devoirs. […] C’était avec grande raison que Dion Chrysostomeh reprochait aux Citoyens d’Alexandrie de ne pas avoir parmi eux quelque Poète comique qui reprît leurs vices, comme en avaient les Athéniens. […] Le Poète comique, qui marcherait par le chemin si rebattu et si dangereux de la Comédie de nos jours, ressemblerait, sans doute, à ce Médecin pernicieux : comme lui il apporterait, à une nombreuse assemblée de malades, au lieu d’un remède capable de les guérir en corrigeant leurs vices, il leur apporterait, dis-je, la mort, en les entraînant dans de nouveaux excès par ses discours et par ses actions.
L’usage des Poètes. […] Théodore, proscrirons-nous aujourd’hui tous les Poètes ? […] En un mot, les Poètes les plus sérieux qui n’écrivent pas des choses saintes, entretiennent ou l’orgueil ou la sensualité. […] Faites lire les Poètes à votre fils, et faites-lui faire usage de la raison en même temps. […] Si l’on sait bien le garantir des défauts des Poètes, on le garantira bien aussi de ceux des Orateurs.
Corneille qui fit d’abord des Vers sans savoir qu’il étoit Poëte, fit aussi dabord des Piéces de Théâtre sans sçavoir ce que c’étoit que Poësie Dramatique. […] Le Philosophe qui a médité sur l’Art, & le Poëte qui y a excellé, ne s’accordent pas en tout ; le Poëte plein de respect pour le Philosophe, le contredit quelquefois : & qui avoit plus le droit de contredire Aristote que Corneille ? […] Si Corneille nous eût représenté Antiochus, obligeant sa Mere, comme le rapporte l’Histoire, à boire une coupe empoisonnée, il nous eût présenté un objet odieux : un Poëte Grec n’eût pas épargné aux Athéniens la vue d’un Fils empoisonnant sa Mere. […] Un Poëte François dont la Piéce est mal reçue dans la premiere Représentation, espere un meilleur succès dans les suivantes : & s’il y est toujours malheureux, il espere que son Imprimeur lui fera rendre justice ; il n’en étoit pas de même d’un Poëte Grec. […] Que de soins se donnoit un Poëte Grec pour la Versification d’une Piece qui ne devoit être jouée qu’une fois, quoique pour la conserver il n’eût pas le secours de l’Imprimerie !