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319. (1647) Traité des théâtres pp. -

, à qui toute l’antiquité a donné le nom de divin, il en témoigna une véhémente improbation, et ayant voulu fournir le modèle d’une République, telle qu’il en eût désiré une, en bannit tous les Poètes, à la réserve de ceux qui composeraient des Hymnes Sacrés, et s’étend même à justifier, qu’il n’y faudrait point admettre Homère, qu’il appelle le Père de tous ceux qui depuis lui, ont composé des Tragédies, et des Comédies ; et les exprimant nommément, je dis les Tragédies et les Comédies, il les accuse de « gâter l’entendement, et de pervertir la vraie raison, et outre cela de corrompre les mœurs, et exciter et mouvoir les désirs vénériens, et les autres cupidités, pour faire qu’elles dominent, au lieu qu’il les faudrait rendre sujettes ». […] Aussi les Lacédémoniens commandèrent qu’on renvoyât hors de Sparte les livres du Poète Eschyle, comme inutiles, et publiés plutôt pour corrompre les mœurs des hommes, que pour aucune bonne Discipline. […] Mais au reste, c’est bien mal raisonné, saint Paul a lu Ménandre à son privé, pour de ce fientde, tirer quelque grain d’or, dont il enrichit le Sanctuaire, et aussi pour s’en servir contre les Païens, à qui ce Poète était de plus de poids que tout ce qu’il eût produit des Prophètes : Donc, il a approuvé tout le contenu de son ouvrage, où il y a diverses choses qui regardent l’idolâtrie Païenne, et d’autres qui sont tout autant de honteux maquerellages : Donc, comme il l’a lu en privé, il n’aurait point fait de difficulté d’aller publiquement aux Théâtres, où ces Comédiens se jouaientdf, combien qu’alors tous les Chrétiens les eussent en détestation : Donc, si aujourd’hui on avait ces mêmes Comédies entières, et que les Théâtres les jouassent, au grand détriment de la piété, et des bonnes mœurs, il aurait approuvé que les particuliers fidèles s’y allassent rendre, contre les défenses que leur en fait leur professiondg, et au grand scandaledh de toute l’Eglise : Je ne sais qui c’est qui ayant une seule étincelle de la lumière de la raison, pourrait dire que ces conséquences fussent raisonnables. […] Ainsi il n’eût pas donné aveu à cette conséquence, que saint Paul eût trouvé bon qu’on eût représenté sur le Théâtre celles de ce Poète, poli et savant, à cause qu’il les avait lues. […] A ce propos il nous souvient d’un effet étrange que produisit une Tragédie du Poète Euripide, en une ville de la Grèce.

320. (1759) L.-H. Dancourt, arlequin de Berlin, à M. J.-J. Rousseau, citoyen de Genève « CHAPITRE I. Où l’on prouve que le spectacle est bon en lui-même et par conséquent au-dessus des reproches de M. Rousseau. » pp. 13-64

Ce n’est pas comme le pense le premier, « Que des maux feints soient plus capables d’émouvoir, que des maux véritables. » Ce n’est pas comme le pense le second, « Que le Poète ne nous afflige qu’autant qu’il nous plaît. »ay Le sentiment de compassion que nous éprouvons est, comme vous le pensez, un sentiment involontaire excité dans nous par l’adresse de l’Auteur qui nous ôte le pouvoir d’y résister. […] On vit par le Public un Poète avoué S'enrichir aux dépens du mérite joué, Et Socrate par lui, dans un chœur de Nuées bb D’un vil amas de peuple attirer les huées. […] Le Magistrat, des lois emprunta le secours, Et rendant par édit les Poètes plus sages, Défendit de marquer les noms ni les visages.

321. (1698) Théologie du cœur et de l’esprit « Théologie du cœur et de l’esprit » pp. 252-267

On la déguise sur le Théâtre ; on l’embellit par l’art ; on la justifie par le tour que lui donne le Poëte ; on n’y trouve plus rien de honteux, & on la voit avec plaisir : mais peut-on sans danger, voir avec plaisir une passion qu’on ne doit point avoir ?

322. (1768) Réflexions sur le théâtre, vol 10 « Réflexions sur le théâtre, vol 10 — RÉFLEXIONS. MORALES, POLITIQUES, HISTORIQUES, ET LITTÉRAIRES, SUR LE THÉATRE. LIVRE DIXIEME. —  CHAPITRE V. Tribunal des Comédiens. » pp. 128-140

Mais il est un autre tribunal qui n’a rien que de risible, qu’on peut appeller la Parodie du Palais, quoique les auteurs qui y vont humblement plaider leur cause ne le redoutent pas moins, que le prévenu, sur la scellette, redoute l’arrêt de la Tournelle ; c’est le tribunal des Comédiens, où l’on juge souverainement de la vie poétique, de l’honneur dramatique ; & du profit de la représentation d’un poëte qui présente une piece nouvelle ; l’un des grands abus du théatre ; c’est l’empire souverain qu’on a laissé prendre aux comédiens, sur les auteurs & sur les piéces.

323. (1758) Lettre de J. J. Rousseau à M. D’Alembert « JEAN-JACQUES ROUSSEAU. CITOYEN DE GENÈVE, A Monsieur D’ALEMBERT. » pp. 1-264

Le caractère du Misanthrope n’est pas à disposition du Poète ; il est déterminé par la nature de sa passion dominante. […] Jamais Poète ne s’est bien trouvé d’avoir violé cette loi. […] [NDA] Il dit que le Poète ne nous afflige qu’autant que nous le voulons ; qu’il ne nous fait aimer ses Héros qu’autant qu’il nous plaît.* Cela est contre toute expérience. […] Il me semble que nos Poètes Lyriques sont loin de ces inventions sublimes ; ils font, pour épouvanter, un fracas de décorations sans effet. […] Même jugement sur les Poètes dont je suis forcé de censurer les Pièces : ceux qui sont morts ne seront pas de mon goût, et je serai piqué contre les vivants.

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