Soyez mes juges, hommes de bien, observateurs sages qui, étrangers aux exagérations passionnées des partis, voyez mieux les véritables causes de ce débordement, et osez avouer à vos antagonistes la perversité, toutes les perfidies, les criminelles extravagances de vos contemporains, en les voyant habituellement se trahir, se persécuter les uns les autres, commettre toutes les espèces d’injustices et d’excès, chercher le bonheur en détruisant ce qui en est le principe, acquérir des richesses, obtenir des places en donnant l’exemple contagieux et funeste du mépris des vertus et des lois qui en sont la garantie ; biens empoisonnés dont ils ne doivent pas jouir en paix, dont les enfants seront un jour dépouillés par les mêmes moyens odieux que les parents ont pratiqués et propagés avec aussi peu de retenue que si la fin de leur vie devait être la fin de tout ce qui les intéresse. […] occupez-vous la moindre place sans être en proie à vingt dénonciateurs qui cherchent à vous la ravir ?
Je voudrais y voir le plus ultra ou le plus libéral, à coup sûr s’il voulait rester en place, il ferait comme ceux qui se maintiennent aujourd’hui dans le ministère, ou bien il serait chassé dans les vingt-quatre heures. […] Quant un parti dominant est parvenu à asservir un gouvernement, toutes les places sans exception sont aux enchères au profit de ce parti, et ceux-là seulement qui lui sont le plus dévoués obtiennent la préférence.
» « Dans quelle crise doit se trouver le physique d’un homme, qui se tenant dans une posture immobile et gênée, l’espace de trois ou quatre heures, dans une place hermétiquement fermée, respire cinquante ou soixante mille fois l’haleine de trois ou quatre mille personnes asthmatiques, pulmoniques, scorbutiques, hydropiques, éthiques, lépreuses, effrayant mélange d’air épaissi encore et détérioré par la fumée de quelques centaines de chandelles, lampes, bougies, flambeaux ; qui, en même temps, éprouvent toutes les commotions de volupté, de haine, de tristesse, de vengeance, que le spectacle fait naître. […] Le fer de la cognée échappé des mains d’un prophète, tombe dans le Jourdain ; Elisée, ayant prié, présente le manche, aussitôt le fer, nageant sur les flots, vient lui-même occuper sa première place.
Paris en a veu un depuis peu d’années dans la court des Thuilleries, pour lors n’estoit qu’une Place vaine, ou qu’un reste de Jardin en desordre.
Il s’ensuit, Monsievr, que toutes fortes d’ornemens ne font pas bien en toutes sortes de lieux, & que la Pompe & la Majesté peuuent estre quelquefois hors de leur place. C’est la Bien-seance qui place les choses, & qui donne rang au Bien mesme, qui peut estre mis en mauuais lieu. […] Ce mystere a esté mal entendu par les derniers Poëtes, & particulierement par quelques Poëtes estrangers ; qui à vous dire le vray, sont les vrays Antipodes du bon sens, & sçauent en perfection l’art de mettre les choses hors de leur place.