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77. (1823) Instruction sur les spectacles « Chapitre V. Le but des auteurs et des acteurs dramatiques est d’exciter toutes les passions, de rendre aimables et de faire aimer les plus criminelles. » pp. 51-75

« Le poète qui sait l’art de réussir, cherchant à plaire au peuple et aux hommes vulgaires, se garde bien de leur offrir la sublime image d’un cœur maître de lui, qui n’écoute que la voix de la sagesse ; mais il charme les spectateurs par des caractères toujours en contradiction, qui veulent et ne veulent pas, qui font retentir le théâtre de cris et de gémissements, qui nous forcent à les plaindre, lors même qu’ils font leur devoir, et à penser que c’est une triste chose que la vertu, puisqu’elle rend ses amis si misérables. […] On y accoutume l’esprit à des horreurs auxquelles il n’aurait jamais pensé. […] Qu’en pense le même spectateur après la représentation ? […] Que penser d’une pièce où le parterre applaudit à l’infidélité, au mensonge, à l’impudence de celle-ci, et rit de la bêtise du manant puni ? […] Il n’y a pas un homme de bien qui ne soit misanthrope en ce sens, ou plutôt les vrais misanthropes sont ceux qui ne pensent pas ainsi : car au fond il n’y a pas de plus grand ennemi des hommes que l’ami de tout le monde, qui, toujours charmé de tout, encourage incessamment les méchants, et flatte, par coupable complaisance, les vices d’où naissent tous les désordres de la société.

78. (1758) Lettre à Monsieur Rousseau sur l'effet moral des théâtres « Lettre à Monsieur Rousseau sur l'effet moral des théâtres, ou sur les moyens de purger les passions, employés par les Poètes dramatiques. » pp. 3-30

Peut-être a-t-il pensé que le fils d’un Pêcheur, élevé par son courage aux premiers emplois de l’Etat, instruit par le malheur à chérir l’humanité, exercé dans son obscurité aux vertus paisibles, et plus satisfait de mériter une couronne, que de la porter, était un personnage plus digne de charmer un Philosophe, que d’occuper un grand Poète : et pour m’expliquer enfin sur ce sujet, sans ambiguïté, ou Corneille n’osant déplaire aux Grands, a pris le parti de les flatter ; ou il n’a pas jugé que ses contemporains fussent assez avancés pour préférer le beau naturel au gigantesque, et la vérité aux fictions : j’abandonnerai donc cette production imparfaite, et avant de chercher de nouveaux exemples qui confirment mon opinion, je vais prévenir vos objections (autant qu’il sera en moi) et combattre les principes que vous avez quelquefois supposés, plutôt qu’établis. […] Il s’y trouve un sonnet que le parterre commença par trouver bon : mais l’intention de Molière était que ce sonnet fût trouvé mauvais, comme il l’est réellement ; et les spectateurs, contents ou non contents du piège qui leur avait été tendu, en pensèrent tous, en sortant, comme l’Auteur. […] Pensez-vous, Monsieur, qu’un pareil spectacle ne fasse couler que des larmes stériles ? […] Quand ils pourraient convaincre l’esprit que l’amour de la gloire n’est en nous que l’amour des plaisirs physiques, pense-t-on que cette découverte, inutile à l’humanité, en faisant de meilleurs philosophes, fit aussi de meilleurs Rois ? […] Je pense avoir rendu mon nom assez illustre, Pour n’avoir pas besoin qu’on lui donne un faux lustre. » Et ceux-ci de la cinquième scène du cinquième acte : « Eh !

79. (1767) Essai sur les moyens de rendre la comédie utile aux mœurs « Essai sur les moyens de rendre la comédie utile aux mœurs — PREMIERE PARTIE. Quelle est l’essence de la Comédie. » pp. 11-33

Qu’on analyse d’après ce principe, la plupart de nos Comédies, & l’on en tirera cette maxime générale, que l’exemption du ridicule est tout ce que la société exige de nous ; & moi je pense au-contraire qu’on peut sans danger laisser subsister les ridicules, mais qu’on ne peut pas de même laisser subsister les vices. […] Je ne le pense pas : je crois qu’on aura une idée bien plus juste de l’avare & bien plus capable de faire impression, quand on se le représentera comme un homme qui se laisse mourir de faim, & qui refuse la nourriture nécessaire à ses enfans & à ses domestiques ; comme un homme qui ne donneroit pas un écu pour racheter la vie à son voisin ; comme un homme enfin en qui l’amour de l’argent éteint toute humanité ; qui quoique très-riche refuse de marier & de donner des états à ses enfans ; qui fait tort à la société en accumulant des richesses qui devroient circuler. Je laisse au lecteur à penser lequel de ces deux portraits de l’avare, lui donne le plus d’horreur pour l’avarice : s’il hésite à prononcer, je vais ajouter une réflexion qui le décidera peut-être.

80. (1767) Essai sur les moyens de rendre la comédie utile aux mœurs « Essai sur les moyens de rendre la comédie utile aux mœurs — SECONDE PARTIE. Si les Comédies Françoises ont atteint le vrai but que se propose la Comédie. » pp. 34-56

je ne le pense pas. […] Je ne suis pas de ce sentiment, je pense au-contraire qu’Alceste, à quelques petites bizarreries près, est plutôt un homme à imiter qu’à fuir. […] J’avois dessein d’examiner encore quelques autres Auteurs comiques ; mais je pense que l’examen du Tartuffe a donné à mon opinion toute la certitude dont elle est susceptible.

81. (1777) Il est temps de parler [Lettre au public sur la mort de Messieurs de Crébillon, Gresset, Parfaict] « Il est tems de parler. » pp. 27-36

Cette affaire ne me regarde pas, il est vrai, mais je vois les intérêts de l’Art, & il est permis, je pense, à tout galant homme, surtout à un Amateur de Spectacles, de les soutenir, & même de les défendre envers & contre tous, & l’on ne peut que lui en savoir bon gré. […] Je ne suis point le premier qui aye pensé à cet établissement, à Dieu ne plaise d’avoir cette gloriole qui en aye fait voir l’avantage. […] Voyons aussi la façon de penser de M.

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