Il ne faut donc pas s’étonner, si les Peres de l’Eglise ont rempli leurs écrits d’invectives les plus sanglantes, & d’expressions les plus fortes & les plus capables d’en donner de l’horreur aux Chrétiens, qui couroient alors aux Theâtres avec une passion, qu’ils avoient bien de la peine à reprimer. […] vous portez dans vous-mêmes un feu que vous avez tant de peine à éteindre, & vous demandez, si l’on peut chercher de quoy l’embraser ?
Le sieur Linguet, dans son Siécle d’Alexandre, qu’il a fait sur le modele de celui de Louis XIV & de Louis XV de Voltaire, dit sur les spectacles de la Grece : ce n’étoit pas le Licée ni Phiné qui décidoient du mérite d’Œdipe ou d’Aluste ; les premiers Magistrats de la République prenoient eux-mêmes la peine d’examiner les pieces, (non-seulement comme censeurs pour les mœurs & la doctrine, mais comme critiques pour la partie littéraire.) […] Ce n’est pas que leurs pieces ne vaillent les nôtres, & ne soient aussi bien représentées ; mais c’est qu’on ne croit rien dire au public qui vaille la peine de l’occuper, en lui apprenant le jour où elles ont été jouées, leur titre, intrigue, auteur, acteur, actrice, danseur, &c.
A peine étoit-on sorti de la fête qu’il falloit marcher à l’ennemi. […] Le Curé fit son devoir, la dame ayant manqué son coup, se rendit sans peine, & fut remise à son mari.
Il ajoûte : Les spectacles, dont nous avons tant de peine à vous faire comprendre le danger par les règles de la foi, furent interdits comme des crimes par les loix de l’État, & les Comédiens, que le monde du plus haut rang ne rougit pas d’honorer de sa familiarité, & auxquels des parens Chrétiens osent même confier le soin d’instruire leurs enfans dans tous les arts propres à plaire (danse, musique), déclarés infames & bannis du royaume comme des corrupteurs des mœurs & de la piété. […] A peine l’eut-on annoncée, que le parterre, qui connoît Fretillon, & qui a pour elle le respect qu’elle mérite, s’écria par acclamation : Au cachot Clairon, Clairon au cachot.
On y recevoit jusqu’aux Vestales, Prêtresses les plus respectées, obligées sous les plus grandes peines à une parfaite continence, comme si parmi nous on y plaçoit les Religieuses. […] Les femmes sont trop paresseuses pour se donner tant de peine, & trop jalouses de leur beauté pour se défigurer par des mouvemens violens ; elles s’aiment trop pour s’exposer aux blessures & à la mort.