On y voit par-tout une actrice supérieure aux Clairons & aux Chammelés par l’habileté à jouer toute sorte de rôles, & par les passions & les foiblesses ordinaires aux actrices. […] Le Pape suspens son jugement, pour donner le temps de moderer la violence d’une passion insensée ; enfin il le porte, refuse la dissolution, confirme le mariage, & par conséquent déclare illégitime le fruit de l’adultere. […] Henri furieux du refus de Rome, & plus aveuglé que jamais par sa passion, n’en appela pas à un tribunal supérieur ; il n’en connoissoit pas. […] C’étoit un théatre où la passion jouoit tous les rôles. […] Dans quelles inconséquences jette la passion !
Que le levain du mécontentement fermente dans tous les cœurs ; qu’il est sans doute encore trop foible pour étouffer entierement notre passion pour les représentations théatrales ; mais que sans cesse accru par le spectacle des usurpations des Acteurs, & par l’abus qu’ils font de nos propres droits contre nous-mêmes, ce levain parviendra enfin à triompher d’un penchant qui nous humilie, & à nous inspirer autant d’aversion pour le Théatre que nous aurons eu de goût pour lui.
Indécence ; une troupe de Comédiens n’étant composée que de gens vicieux, infâmes et méprisables, la comédie n’étant qu’un composé de bouffonneries, de passions et de vices, ils ne sont que tolérés. […] on y forme des passions, on y lie des intrigues, on y donne des rendez-vous ; il faut y faire des emplettes, payer des rafraîchissements. Que sera-ce, si ces connaissances, comme il est ordinaire, sont des libertins et des fripons, si ces passions tombent sur des coquettes dont le théâtre foisonne, qui épuisent la plus opulente fortune, si ces commerces, comme il n’arrive que trop souvent, se lient avec des Actrices, ces harpies insatiables qui dévorent jusqu’à la racine ?
, que je crains que leur probité ne soit de celles des sages du monde qui ne savent s’ils sont chrétiens ou non, et qui s’imaginent avoir rempli tous les devoirs de la vertu lorsqu’ils vivent en gens d’honneur, sans tromper personne, pendant qu’ils se trompent eux-mêmes en donnant tout à leurs passions et à leurs plaisirs.
Ce qui rend la représentation d’une pièce de théâtre beaucoup plus dangereuse que la lecture, c’est que le lecteur n’est sensible qu’aux grâces du style, qu’à la beauté des pièces : au lieu que le spectateur est exposé à tous les charmes d’une déclamation animée, de ce langage muet, si éloquent, si persuasif, si séduisant, qui, par un geste, parle aux yeux et pénètre le cœur, donne de la vivacité aux passions, de la force aux discours, qui exprime dans toute leur énergie les mouvements de l’âme que le poète n’a fait que rendre faiblement ; qui fait illusion sur la fausseté des pensées et des maximes, qui fait applaudir au mensonge avec plus de chaleur qu’on applaudirait à la vérité.