Passons à la pièce qu’on reconnaît unanimement pour son chef-d’œuvre, je veux dire, le Misanthrope. […] « J’aurais trop d’avantage, si je voulais passer de l’examen de Molière à celui de ses successeurs, qui, n’ayant ni son génie ni sa probité, n’en ont que mieux suivi ses vues intéressées, en s’attachant à flatter une jeunesse débauchée et des femmes sans mœurs. […] Ils passent bientôt de l’image à la réalité, et finissent par s’énerver l’âme et le corps.
C’est un des blasphèmes ordinaires aux Protestants d’avilir nos cérémonies et nos offices en les traitant de comédies : tant cette image laisse dans l’esprit un sentiment de dérision et de profanation, qu’elle ag passé en proverbe pour tout dégrader. […] Une demi-année se passe à déclamer des vers. […] Il faut que la pièce soit examinée par le colloque, qui assurément n’y passera rien de licencieux, d’impie, d’équivoque, comme le sont presque toutes celles que donnent les troupes.
Ils ajoutent tous deux, qu’ils n’y vont que dans le seul dessein de se récréer et de se délasser l’esprit par un divertissement, qui leur paraît innocent : les Comédies d’aujourd’hui étant beaucoup châtiées et beaucoup plus sérieuses et plus honnêtes, que ne l’étaient les pièces de Théâtre des siècles passés : et qu’enfin c’est une coutume reçue dans tous les pays les mieux policés, sans même excepter Rome, où est le premier Siège de la Religion. […] Et voilà justement ce qui se passe encore dans les Comédies d’aujourd’hui. […] Parce qu’enfin on n’y voit point de garçons travestis en femmes ; et que tout s’y passe dans la modestie, et sans que personne s’en scandalise.
Passe-t-on des coulisses aux fleurs de lis, des foyers à l’armée. […] Jamais ces babioles ne feront passer un nom à la postérité. […] En effet, il faut au théâtre passer les bornes de la nature, changer les portraits, outrer les passions, forcer sa voix, parce que tout étant vu dans le lointain, il faut par une sorte de perspective que tout soit au-dessus de la grandeur naturelle, pour arriver à l’œil du spectateur dans son point de vue. […] Le burlesque, que Scarron mit en vogue, et qui tomba avec lui, passe les bornes de la familiarité : c’est le jargon des halles. […] Voyez une troupe de faunes et de satyres qui, le masque à la main, passe la vie à danser, rire, chanter, se moquer de tout : voilà le théâtre ; nos acteurs et nos actrices valent bien les satyres de la fable.
La tristesse, comme j'ai dit ci-dessus, étant comme une forte barrière qui l’empêche de passer outre, et même le fait reculer. […] Combien de fois vous est-il arrivé, qu’étant fort attentive à penser à quelque chose, ou à l’écouter, vous n’avez pas pris garde ni au bruit qui se faisait, ni à voir ceux qui passaient devant vous, ni à entendre ce que les autres disaient : Le même ne vous peut-il pas arriver, si en telles récréations vous êtes attentive à Dieu, votre vue le voit, et votre cœur lui parle, aussi bien peut-être comme en une Eglise, car tout le monde étant rempli de Dieu, vous doit servir d’Eglise. […] Paul ordonne « qu’on mange et boive, pour l’honorer et glorifier » ; car la modestie et autres bonnes conditions qu’on garde en jouant, glorifient Dieu, qui ayant établi les travaux, sans lesquels aucun ne passe sa vie, il a voulu aussi qu’on les interrompît par quelque honnête récréation, en laquelle l’homme ne se relâchât en rien de sa dignité d’homme : la passion ne l’emportant point, mais la raison le gouvernant, qui est en l’âme, la plus belle marque de l’image de Dieu. 3. […] Tandis que vous étiez là, le temps s’est passé, la mort s’est approchée, pour vous faire danser d’une autre danse, par laquelle on passe du temps à l’Eternité, ou glorieuse, ou malheureuse.